DIDIER ACIER, FRANÇOISE FACY, JEAN-LUC PILET, CARMEN CHAILLOU /

Didier Acier, professeur de psychologie clinique, Laboratoire de Psychologie des Pays de la Loire, Université de Nantes
Françoise Facy, directeur de recherche honoraire, INSERM, Équipe RITE
Jean-Luc Pilet, psychologue, Direction Diocésaine de l’Enseignement Catholique de Loire-Atlantique
Carmen Chaillou, psychologue, Direction Diocésaine de l’Enseignement Catholique de Loire-Atlantique
Correspondance :
Didier Acier
Professeur en Psychologie clinique
Laboratoire de Psychologie des Pays de la Loire
Université de Nantes
Chemin de la Censive-du-Tertre BP 81227
44312 Nantes Cedex 3
didier.acier@univ-nantes.fr

Résumé

Introduction. L’orientation temporelle est une donnée essentielle du psychisme humain, qui module notre façon de nous situer par rapport aux temps de la vie. Elle est la perception subjective, dans l’ici et maintenant, du positionnement psychique à l’égard du passé, du présent et du futur. Plusieurs jeunes rencontrés en consultation psychologique présentent une orientation confuse au temps, étant quelquefois englués dans des souvenirs ou dans une suite incessante d’activités sans temps d’arrêt. Le test d’orientation temporelle (TOT) vise à mesurer ce rapport au temps de la vie, à partir de quatre dimensions : 1) le court terme ; 2) l’anticipation ; 3) l’immédiateté ; 4) le long terme. Objectifs. Cette étude présente les liens entre différentes dimensions de l’orientation temporelle et la consommation de substances psychoactives (tabac, alcool et cannabis). Elle présente aussi une façon d’utiliser le test d’orientation temporelle dans le travail auprès d’adolescents et de jeunes adultes en situation à risque. Méthodes. L’échantillon est constitué de 507 jeunes âgés de 15 à 26 ans résidents de la région nantaise et issus de plusieurs établissements d’enseignement. Les outils utilisés sont le test d’orientation temporelle et des mesures de consommation de substances. Résultats. Les résultats montrent des corrélations significatives entre la consommation et plusieurs dimensions de l’orientation temporelle. Ainsi, les orientations centrées sur l’immédiateté et le court terme sont des prédicteurs de la consommation d’alcool, de tabac et de cannabis. Conclusion. Cette étude avance que l’orientation temporelle est un construit psychologique utile pour travailler avec des jeunes à risques.

Mots-clés : orientation temporelle ; consommation de substances ; adolescents ; jeunes adultes

Temporal orientation and consumption of psychoactive substances by adolescents and young adults.

Abstract

Introduction. Temporal orientation is an essential data of the human psyche that modulates how we relate to the times of life. It is the subjective perception, in the here and now, of our positioning with respect to the past, the present and the future. Many young people met in psychological consultation have confused temporal orientation, being sometimes trapped in memories or incapable to stop from activities. The temporal Orientation Test (TOT) aims to measure this position to the time of life, based on four dimensions: (1) Short term ; (2) Anticipation ; (3) Immediateness ; (4) Long term. Objectives. This survey explores the links between psychoactive substance use (tobacco, alcohol and cannabis) and temporal orientation of French teenagers and young adults. It also describes a way to use the temporal orientation test in working with adolescents and young adults at risk. Methods. The sample is based of 507 young adults aged of 15 to 29 years living in Nantes (France). Instruments are the Test of Temporal Orientation and substance use measures, including the AUDIT. Results. The results show significant relationships between the substance use and several temporal orientations. The temporal orientation centered on the “Immediateness” and the “Short term” can predict alcohol, tobacco and cannabis use. Conclusion. This survey advances that temporal orientation is a psychological construct that must be considered as a risk factor in the addiction field.

Keywords: temporal orientation, substance use, adolescent, young adults

La orientación temporal y el consumo de sustancias psicoactivas en adolescentes y adultos jóvenes

Resumen

Introducción. La orientación temporal es un dato esencial del psiquismo humano, que modula nuestra manera de situarnos con respecto a los tiempos de la vida. Es la percepción subjetiva, en el aquí y ahora, del posicionamiento psíquico con respecto al pasado, al presente y al futuro. Numerosos jóvenes vistos en consulta psicológica presentan una orientación confusa del tiempo, a menudo inmovilizados en recuerdos o en una seguidilla incesante de actividades sin tiempo de reposo. El Test de Orientación Temporal (TOT) está destinado a medir la relación con el tiempo de la vida, a partir de cuatro dimensiones: 1) el corto plazo, 2) la anticipación, 3) la inmediatez, 4) el largo plazo. Objetivos: Este estudio presenta vínculos entre diferentes dimensiones de la orientación temporal y el consumo de sustancias psicoactivas (tabaco, alcohol, cannabis). Propone también una manera de utilizar el test de orientación temporal en el trabajo con los adolescentes o los adultos jóvenes en situación de riesgo. Métodos: La muestra está compuesta por 507 jóvenes, de 15 a 26 años, residentes en la región de Nantes y originarios de diversos establecimientos de enseñanza. Las herramientas utilizadas son el test de orientación temporal y medidas de consumo de sustancias. Resultados: los resultados muestran correlaciones significativas entre el consumo y varias dimensiones de la orientación temporal. Las orientaciones centradas en la inmediatez y el corto plazo predicen el consumo de alcohol, de tabaco y de cannabis. Conclusión: este estudio propone que la orientación temporal es un constructo psicológico útil para trabajar con jóvenes en situación de riesgo.

Palabras clave: orientación temporal, consumo de sustancias, adolescentes, adultos jóvenes

Introduction

Cet article présente une démarche originale, débutant par le constat clinique que les adolescents consommateurs de substances psychoactives, particulièrement lorsqu’ils sont dans des prises de risques, vivent dans une temporalité altérée. La première partie est théorique, situant le concept de temporalité au sein de la littérature scientifique. La deuxième partie présente les résultats de recherche à partir d’un échantillon d’adolescents et de jeunes adultes issus d’établissements scolaires. Les résultats empiriques présentent les profils d’usage sur un continuum de consommation de récréatif à problématique et s’intéressent particulièrement au niveau des liens entre temporalité et consommation de substances (tabac, alcool et cannabis).

La temporalité

Les conceptualisations concernant la temporalité ont été abordées à partir de nombreux champs scientifiques. Les phénoménologues mettent en avant que le temps n’est pas un objet et que l’important réside dans la temporalité de la conscience. Seul notre vécu subjectif peut révéler notre unique expérience, qui est celle du présent (Berger, 1950). Dans une perspective physiologique, la temporalité correspond aux cycles circadiens associés aux rythmes de notre environnement, c’est-à-dire des journées, du sommeil ou des saisons (Fraisse, 1967). En psychologie, Darasse en 1986, définit la perspective temporelle comme les « représentations que les individus se font des relations qui existent entre le passé, le présent et l’avenir, le présent étant le moment où s’actualisent et se confrontent les expériences et les possibles ». Autrement dit, le passé, le présent et le futur sont intrinsèquement liés et influent de manière synchronique et diachronique sur notre vécu, nos perceptions, nos ressentis et nos représentations.

Plusieurs disciplines de la psychologie se sont penchées sur ces notions.En psychologie clinique, la notion de temporalité permet de renseigner la vie psychique du sujet et sa manière d’être au monde, particulièrement au niveau des psychoses (Heerey, Matveeva, Gold, 2011). En psychologie du développement, il s’agit de s’intéresser à l’évolution de la perspective temporelle à travers les âges de la vie, et cette sensation du temps qui s’accélère au cours de la vieillesse. En psychologie culturelle, l’intérêt est mis sur l’influence des valeurs culturelles quant à la perception du temps. En psychophysiologie, il s’agit de s’intéresser à la durée du temps au sens chronologique. En psychologie de la santé, l’orientation temporelle a donné lieu à un grand nombre de publications et elle est souvent associée à des comportements de santé et des pratiques à risques. Ainsi pour Wills, Sandy, & Yaeger (2001), la perspective temporelle future permet l’engagement dans la planification et le contrôle comportemental, afin d’atteindre des objectifs prévus dans le futur. Cette perspective se développe chez des sujets ayant appris à obtenir une récompense demandant plus d’efforts, mais étant plus intéressante à long terme. Les conceptualisations sur la temporalité changent selon les disciplines, provoquant des résultats plus ou moins précis au niveau théorique, mais souffrent également d’un défaut d’opérationnalisation : le passage de la définition théorique à la définition opérationnelle est difficile, particulièrement en ce qui a trait à une possible mesure de ces construits.

Les mesures de temporalité

Les chercheurs ont utilisé plusieurs méthodes pour mesurer la temporalité, notamment à l’aide de choix de mots liés au temps, des dessins d’expériences passées, présentes ou futures, à l’aide de tests projectifs, comme le Thematic Apperception Test ou d’histoire de vies. Ces mesures permettent d’approcher le concept, mais s’inscrivent dans une subjectivité qui représente aussi une limite, particulièrement en termes de reproductibilité. Plusieurs mesures objectives de temporalité existent, uniquement en anglais, comme la Daltrey Future Time Perspective (Daltrey, 1982), la Consideration of futur consequences (CFC, Strathman, Gleicher, Boninger & Edwards, 1994) ou la Zimbardo Time Perspective Inventory (ZTPI). En termes d’études basées sur ces échelles, les deux premières ne comportent pas d’autres publications que l’étude originale. Pour cette raison, nous de décrirons ici que la ZTPI qui est au contraire régulièrement utilisée dans les publications scientifiques. La ZTPI mesure la perspective temporelle, dans un modèle initial à deux dimensions (orientation vers le présent et orientation vers le futur) (Zimbardo, Keough, & Boyd, 1997), puis un modèle à cinq dimensions (Zimbardo & Boyd, 1999) : 1) le passé positif (construction nostalgique et positive du passé) ; 2) le passé négatif (une attitude pessimiste, négative ou une aversion envers le passé) ; 3) le présent hédoniste (une orientation vers le plaisir et l’excitation du moment) ; 4) le futur (la planification et la réalisation des buts) ; 5) le présent fataliste (croyance que le futur est écrit et une absence d’investissement dans les quatre autres dimensions) (Zimbardo et coll., 1999, p. 1277-8, traduction libre). Cependant, cette échelle comporte un certain nombre de limites. La dimension « présent hédoniste » est la plus robuste au niveau psychométrique. Elle est composée de 15 items, principalement en lien avec l’impulsivité, la prise de risque et la recherche de sensations, dimensions qui ont déjà été validées dans des mesures de nombreux comportements à risques et particulièrement la consommation de substance psychoactive (Creemers et al., 2009 ; Franqueset al., 2003). En tant que tel, une limite de la ZTPI est de mesurer la recherche de sensation et l’impulsivité plutôt que la perspective temporelle (par exemple l’item « je prends des risques pour mettre de l’excitation dans ma vie »). Un autre élément problématique de ces instruments psychométriques est de mettre de côté la question du développement de l’orientation temporelle au cours des âges de la vie. Elle évolue au cours du développement, de l’enfance vers l’âge adulte, puis vers la vieillesse. D’une pensée très teintée des perceptions de l’environnement et dans l’instant présent pour les jeunes enfants, la notion de temps s’étire et devient plus concrète et objective à la fin de l’enfance. De l’adolescence à la maturité adulte, elle atteint progressivement un niveau formel et abstrait. Si l’orientation temporelle d’un préadolescent s’étend souvent jusqu’aux vacances de l’été suivant, l’orientation d’un adulte lui permet généralement de se projeter sur un grand nombre d’années et sa propre finitude.

L’orientation temporelle

Aucun des instruments objectifs existants ne prend en compte cet aspect, ce qui constitue une limite importante. Si la temporalité renvoie à la manière personnelle dont le sujet conçoit le temps, le gère et le ressent, l’orientation temporelle est la perception, dans le ici et maintenant, du ressenti à l’égard de situations passées, présentes ou futures. L’orientation temporelle est une dimension subjective à travers laquelle l’ensemble des expériences de vie est intériorisé afin de donner de la cohérence et du sens à ces expériences. En tant que tel, il s’agit d’une dimension psychique faisant appel à des aspects cognitifs, comportementaux et émotionnels.

Dans cette étude, notre postulat est que l’orientation temporelle est une dimension mesurable de la psyché humaine, relativement stable dans le temps, tout en étant capable d’évolution, tel un trait de personnalité. Cette dimension n’est pas consciente et se situe plutôt sur un aspect non conscient, disponible, mais pas toujours accessible pour le jeune. Afin de mesurer l’orientation temporelle, le Service de Psychologie de la Direction Diocésaine de l’Enseignement Catholique de Loire-Atlantique (Nantes, France) a développé le test d’orientation temporelle (TOT), adapté et validé par Acier et al. (sous-presse). Il s’agit d’un instrument de 30 items qui interroge quatre dimensions : 1) le court terme (CT), qui fait référence à une orientation centrée sur des moments proches temporellement (pause entre les cours, organisation des repas et loisirs, etc.) et qui peuvent se situer dans un passé récent ou un futur proche ; 2) l’anticipation (ANT), qui fait référence à la capacité d’anticiper une situation pour des projets, problèmes, travaux scolaires et la possibilité de se positionner par rapport à la gestion des problèmes du quotidien ; 3) l’immédiateté (IMM), qui fait référence à l’orientation dans l’instant présent, c’est-à-dire au continuum qui va de la prise de risques jusqu’à la capacité de temporiser en sachant se protéger. L’immédiateté est en lien avec la promptitude, la rapidité d’action et le besoin de rechercher la rupture du continuum temporel ; 4) le long terme (LT), qui fait référence à des éléments lointains (vie future, passée, enfance …) et à la capacité à se situer par rapport à ces évènements (Acier, et all., sous-presse).

Consommation problématique de substances psychoactives et temporalité

La consommation d’alcool, de tabac et de cannabis chez les jeunes est un phénomène bien étudié, surtout au niveau des conséquences psychologiques, sociales et de santé. L’Institut national de prévention et d’éducation à la santé (France) considère que la consommation de jusqu’à trois unités d’alcool pur par jour pour un homme (soit 30 grammes) et jusqu’à deux unités pour une femme (soit 20 grammes), ne présente pas de risque significatif (Latino-Martel et et al., 2011). Au-delà de ce volume, la probabilité de développer une pathologie liée à la consommation d’alcool devient significative (O’Connor & Schottenfeld, 1998). Cette définition est une piste qui permet de considérer qu’au-delà de ces normes, la consommation devient excessive. Certaines modalités de consommation peuvent également être problématiques, notamment l’alcoolisation massive et rapide (binge drinking), phénomène qui semble se développer chez les jeunes (Adams, Beenstock, White, 2010). En effet, selon l’étude menée par Guagliardo, Peretti-Watel Combes, Obadia & Verger (2009) auprès de 1723 étudiants universitaires de la région de la Provence-Alpes-Côte d’Azur, 22,8 % des jeunes ont rapporté avoir été ivre au moins une fois dans le dernier mois. Enfin, la dépendance à l’alcool est aussi présente : dans deux études utilisant l’Alcohol Use Disorders Identification Test (AUDIT) comme instrument de mesure, Simmat-Durant (2008) montre que 4,9 % des 875 étudiants de son échantillon présente des symptômes de dépendance à l’alcool, tout comme 4 % des 1 815 jeunes de l’étude de Choquet & Com-Ruelle (2009). En ce qui concerne la consommation de cannabis, substance perturbatrice du système nerveux central (SNC), il s’agit du produit illicite le plus consommé en France. Chez les jeunes, l’expérimentation de cannabis augmenterait depuis 1993, autant chez les hommes que chez les femmes (Choquet et al. 2004). On considère désormais que plus de 50 % des jeunes de 18 ans et plus ont expérimenté le cannabis, 20 % environ sont des fumeurs réguliers et 10 % seraient dépendants (OFDT, 2006). En ce qui concerne le tabac, stimulant mineur du SNC, il s’agit d’une substance psychoactive légale particulièrement consommée : d’après les données de l’enquête Escapad de 2011 (Spilka, Le Nezet, Tolvar, 2012) réalisée auprès de 27 402 jeunes de 17 ans lors de la journée Défense et Citoyenneté, plus de quatre jeunes sur dix (42,0 %) déclarent avoir consommé du tabac au cours des trente derniers jours. L’usage quotidien du tabac a augmenté entre 2008 et 2011 (respectivement 28,9 % et 31,5 %), avec une légère prédominance masculine (30,2 % parmi les filles et 32,7 % parmi les garçons) (Spilka et coll., 2012).

Dans une perspective qualitative, Le Garrec (2002) estime que la consommation de substances psychoactives chez les jeunes est le signe d’un mal-être et d’une pression du quotidien qui, par conséquent, les empêchent de vivre sereinement le présent. À l’heure actuelle, l’avenir des jeunes serait angoissant et consommer permettrait de se créer un « temps à côté », un temps où il serait plus facile de supporter les difficultés et la routine de leur vie. Elle nomme ce phénomène « palliatif au quotidien ». Consommer de l’alcool de façon importante crée une rupture dans l’orientation temporelle du sujet et entraîne une coupure avec la réalité où le passé et le futur sont plus diffus. Consommer peut leur donner l’impression d’être quelqu’un d’autre et de dépasser les problèmes qu’ils n’auraient pas pu résoudre en étant sobres. Finalement, boire serait un moyen de créer une nouvelle réalité où le jeune fuit le lendemain et les souvenirs angoissants en préférant vivre un présent décalé.

Au niveau quantitatif et empirique, de plus en plus d’études s’intéressent aux liens entre la consommation de substances psychoactives et la temporalité. Ainsi le modèle de Strathman et al. (1994), qui s’intéresse au futur comme prédicteur du présent, avec l’hypothèse qu’une orientation temporelle permettant de penser aux conséquences futures d’un comportement est une variable prédictive importante. En utilisant cette hypothèse, Beenstock, Adams, & White (2012), dans un échantillon de 322 étudiants universitaires du nord de l’Angleterre, montrent qu’une orientation importante vers les conséquences futures est en lien avec une plus faible consommation d’alcool. Plus les étudiants sont susceptibles d’imaginer les conséquences futures de la consommation, moins ils prennent de substances.

Dans deux études s’intéressant aux liens entre perspectives temporelles, avec le modèle de Zimbardo à cinq dimensions, et consommation de substances (alcool, tabac et autres drogues), Keough, et coll. (1999) démontrent qu’il existe des liens significatifs entre ces deux variables au sein d’un échantillon de 2 627 participants (r = 0,34, p <.001). Dans le cadre de ces deux études, la perspective temporelle était constituée de deux dimensions (présent et futur). Les étudiants qui consommaient le plus montraient un score important sur l’échelle de présent et un score faible sur l’échelle de futur, bien que les résultats sur cette dernière échelle soient peu consistants au regard de l’ensemble des échantillons. Autrement dit, plus les participants sentent un besoin de nouveauté et de nouvelles sensations, plus ils consomment.

Dans un échantillon de 454 jeunes de New York avec une moyenne d’âge de 11 ans et 10 mois (E.T. = 0,7), Wills, Sandy & Yaeger (2001) montrent également des liens significatifs entre la consommation de substances psychoactives (alcool, cannabis et tabac) et l’orientation vers le présent avec une corrélation positive, ainsi qu’entre la consommation de substances psychoactives et l’orientation vers le futur avec une corrélation négative. Ces derniers résultats corroborent les deux études précédentes.

En France, avec le modèle de Zimbardo & Boyd (1999), Fieulaine & Martinez (2010), au sein d’un échantillon de 690 jeunes (âge moyen = 16 ans et huit mois, E.T. = 1,42), Apostolidis, Fieulaine, Simonin & Rolland (2006), au sein d’un échantillon de 198 étudiants universitaires (âge moyen 21 ans et neuf mois ; E.T. = 1.96) et Apostolidis, Fieulaine & Soulé (2006) au sein d’un échantillon de 276 jeunes (âge moyen 15 ans et six mois ; E.T. = n.d.) ont démontré l’existence de liens entre les dimensions de « présent hédoniste » et « futur » et la consommation de cannabis. La dimension « présent hédoniste » est composée de 15 items principalement en lien avec l’excitation du moment, la prise de risques, une philosophie carpe diem, une importance mise sur les émotions plutôt que les cognitions : plus les jeunes ont un résultat important sur cette échelle, plus ils consomment. La dimension « futur » est composée de 13 items, principalement en lien avec la capacité à anticiper, respecter un échéancier, planifier et être ponctuel : plus le score est élevé, moins les jeunes consomment.

En somme, les jeunes qui se situent particulièrement dans le présent présentent généralement une consommation plus importante, alors que ceux qui se projettent dans le futur peuvent moduler leur consommation. Néanmoins, ces résultats sont construits avec l’échelle ZTPI qui présente trois limites importantes : 1) la variance totale expliquée par cette échelle reste faible, soit 36 % pour cinq facteurs ; 2) la dimension « présent » montre une ressemblance importante avec l’échelle de recherche de sensation de Zuckerman (2006) ; 3) elle ne tient pas compte de l’orientation temporelle qui se développe au cours des âges de la vie, la perspective au temps n’étant pas la même à 20 ans, 40 ans ou 60 ans.

Objectifs

Cette étude vise à : 1) dresser un portrait de la consommation de substances psychoactives de l’échantillon (alcool, tabac, cannabis), car la consommation d’alcool des jeunes dans la région des Pays de la Loire est l’une des trois plus élevées en France (parmi 21 régions) (Beck et coll., 2005) ; 2) vérifier la présence de liens entre l’orientation temporelle et la consommation de substances psychoactives sur un continuum d’usage (tabac, alcool, cannabis) ; 3) explorer la capacité de chacune des quatre orientations temporelles du TOT à être en lien avec une consommation de substances psychoactives (alcool, tabac, cannabis).

Méthode

Participants

L’échantillon est composé de 507 jeunes de la région nantaise (France), soit 193 lycéens d’un établissement de l’Enseignement Catholique de Loire-Atlantique et 313 étudiants de l’Université de Nantes. Dans l’optique de diversifier la population d’étude, les élèves lycéens proviennent de plusieurs cycles et de plusieurs disciplines (filières générales et professionnelles). Les étudiants sont inscrits en Licence 1 de Psychologie. L’échantillon est constitué de 375 filles et 132 garçons, âgés de 15 à 29 ans (M = 19 ans et deux mois ; É.T. = deux ans). Le recrutement s’est effectué sur une base volontaire et un chercheur a toujours été sur place durant la passation.

Procédure

La passation était collective et durait environ 15 minutes. Les participants avaient la possibilité de ne pas remplir le livret.Il a été précisé que les réponses resteraient confidentielles. Avant de remplir le livret, les consignes standardisées ont été lues à l’ensemble des étudiants par l’expérimentateur qui s’est assuré aussi de leur bonne compréhension. Les tests, en version papier-crayon, ont été passés en classe. L’étude a ainsi été présentée comme étant une enquête sur la santé et la temporalité en général. Le test était composé des volets suivants : a) une partie sociodémographique (genre, âge, établissement) ; b) des outils mesurant la consommation (AUDIT et DEP-ado-modifié) ; c) le test d’orientation temporelle (TOT). Il a été demandé aux participants de répondre le plus sincèrement possible à l’ensemble des questions.

Outils

L’Alcohol Use Disorders Identification Test (AUDIT)

La consommation d’alcool a été évaluée à partir de la version française de l’AUDIT, comprenant dix propositions cotées de 0 à 4 (Babor, Higgins-Biddle, Saunders & Monteiro, 2001). L’AUDIT permet de distinguer les consommateurs d’alcool « sans problème », « avec une consommation excessive » et « problématique ». Cet instrument comporte trois sous-échelles et a été développé et validé par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Une méta-analyse récente démontre que l’AUDIT est plus efficace qu’un vaste nombre d’outils existants, y compris le CAGE ou le MAST, qui sont également des outils de dépistage très réputés (Fiellin, Reid, & O’Connor, 2000). Quant aux propriétés psychométriques, la consistance interne varie entre .70-.90 (selon la culture) et démontre une bonne fidélité temporelle (r = .86) (Babor, et al., 2001).

La DEP-ADO-modifié

La grille originale de Dépistage de consommation problématique d’alcool et de drogues pour les adolescents(es) (DÉP-ADO) permet de faire très rapidement une première détection de la consommation problématique ou à risque (Landry, Tremblay, Guyon, Bergeron & Brunelle, 2004). Autorisée par le groupe de Recherche et Intervention sur les Substances psychoactive – Québec (RISQ), la version modifiée est une adaptation au public scolaire français et qui se centre sur les items les plus significatifs de la DEP-ADO originale. L’utilisation réalisée dans cette étude concerne uniquement les deux premiers items de fréquence en lien avec la consommation d’alcool et de cannabis (« Au cours des 12 derniers mois, as-tu consommé l’un de ces produits et si oui quelle a été la fréquence de ta consommation ? »), avec des propositions cotées de 0 à 5. Un item supplémentaire a été ajouté concernant le tabac. Ces scores ont été utilisés dans les analyses de régression et de corrélations qui suivent.

Le test d’orientation temporelle (TOT)

Il s’agit d’un instrument de 30 items construit pour mesurer l’orientation temporelle, composé de quatre dimensions : 1) le court terme (CT) (n = 7 items) ; 2) l’anticipation (ANT) (n = 9 items) ; 3) l’immédiateté (IMM) (n = 8 items) ; 4) le long terme (LT) (n = 6 items). Le test propose des attitudes et des modes de réactions individuelles face à la gestion du temps, avec une modalité de réponse en « choix forcé », c’est-à-dire qu’un item se compose de deux phrases et le participant doit choisir spontanément celle qui lui correspond le mieux (Acier et al., sous-presse). De façon générale, un résultat élevé à l’une des dimensions indique une aisance plus importante à s’orienter dans le temps. Par exemple, un score élevé sur le court terme indique un individu davantage capable d’être en lien avec des évènements qui se sont déroulés récemment et d’autres qui vont se dérouler dans les prochains jours. Par rapport aux autres instruments disponibles dans la littérature, il est spécifiquement centré sur l’étude de l’orientation temporelle des jeunes, et non à toutes les phases de la vie (comme le CFC ou la ZTPI). Le postulat sous-jacent étant que l’orientation au temps n’est pas la même à l’adolescence qu’au mitan de la vie (voir section sur les mesures de la temporalité). Ces quatre facteurs expliquent 31,7 % de la variance et la consistance interne de trois des quatre échelles (alpha de cronbach) est satisfaisante (IMM = 0,72 ; CT = 0,71 ; ANT = 0,69 et LT = 0,60). La dernière sous-échelle Long-terme présente un alpha de 0,60 considéré comme passable par George & Mallery (2003, p231), et nécessite d’être révisée dans une prochaine version de l’outil.

Ce modèle a été testé par le biais d’une analyse en composante principale avec rotation varimax. Le pourcentage de variance expliqué est de 31 %, ce qui correspond à ce que l’on retrouve dans la littérature internationale : en comparaison avec la ZTPI, qui explique entre 31 % et 36 % de variance selon les études (Zimbardo & Boyd, 1999 ; Klingemann, 2001. Le TOT s’inscrit donc dans les standards de la littérature scientifique actuelle (pour plus de détails sur la procédure de validation, voir Acier et al., sous-presse).

Résultats

Consommation de substances

La consommation de substances rapportée à l’aide de la DEP-ADO-modifiée est décrite au tableau 1. La substance la plus consommée quotidiennement est le tabac (26,7 %), puis le cannabis (1,9 %) et enfin l’alcool (0,39 %).


Pour le dépistage d’une consommation problématique d’alcool avec l’AUDIT, les résultats s’échelonnent de 0 à 28 avec une moyenne à 6,51 (ET = 4,89) (tableau 2). Les seuils de cet instrument pour la population française sont pour les hommes 0-6 : Consommation sans risque ; 7-12 : consommation excessive ; 13+ : Dépendance à l’alcool et pour les femmes 0-5 : Consommation sans risque ; 6-12 : consommation excessive ; 13+ : Dépendance à l’alcool. La moyenne indique que plus de la moitié de l’échantillon des jeunes se situe dans une consommation excessive d’alcool. De façon classique, l’échantillon présente une différence significative entre les hommes (M = 8,25, ET = 5,46) et les femmes (M = 5,89, ET = 4,52) au niveau des moyennes de l’AUDIT, t(492) = 4,81, p = .003.


Il y a donc un certain décalage avec les données rapportées par la DEP-ADO-modifié en termes de fréquence de consommation, qui peuvent donner l’impression d’une consommation plutôt récréative. En effet, en terme de volume de consommation déclaré, environ 90 % de l’échantillon s’inscrit dans un continuum allant de l’abstinence jusqu’à un ou deux moments de consommation. Les données de l’AUDIT, qui comprennent des questions sur le volume, mais surtout sur les conséquences de la consommation, sont plus inquiétantes puisqu’il situe 50,2 % de l’échantillon dans une consommation excessive ou une dépendance.

Orientation temporelle et consommation de substances

Le tableau 3 présente les liens entre la consommation de substances (alcool, tabac et cannabis) et les quatre orientations temporelles. Ces corrélations sont significatives et varient de -.16 à -.55 à travers les groupes sur les dimensions de perspective à court terme, anticipation et immédiateté. Elles indiquent que plus les scores évaluant la consommation de substances sont élevés, plus les scores sur ces trois dimensions de l’orientation temporelle sont faibles. Ainsi, plus le score associé à l’immédiateté est élevé, plus l’individu est capable de prendre une distance avec des évènements qui se produisent rapidement ou instantanément, par exemple une situation sur la route ou une interaction avec des amis. De façon générale, un score élevé aux dimensions indique une meilleure adaptation à l’orientation temporelle considérée. La dimension de perspective à long terme n’est pas liée à la consommation.

Analyses de régression

Des analyses de régression de type pas à pas (stepwise) ont été réalisées en tenant compte des quatre dimensions de l’orientation temporelle, le genre, l’âge et le lieu de passation comme variables indépendantes et de la consommation de substances comme variable dépendante (alcool, tabac, cannabis). La méthode descendante a été utilisée, car il s’agit d’une régression exploratoire qui vise à retirer les variables ayant la plus faible contribution au modèle afin de conserver le modèle le plus robuste. Ces analyses s’intéressent à la capacité des dimensions de l’orientation temporelle à covarier avec la consommation de substances psychoactives à partir des facteurs intégrés au modèle et de vérifier leur contribution indépendante en contrôlant leur colinéarité. Concernant la consommation de tabac, les résultats de la régression indiquent que trois facteurs expliquent 26,1 % de la variance (R2 = 0.26, F(3,478) = 56.33, p<.001) : la dimension d’immédiateté est significativement associée avec la consommation (b = -0,38 ; p<.001), de même que le court terme (b = -0,22 ; p<.001) et l’âge (b = 0,14 ; p<.001). Ainsi le genre ou le lieu n’est pas associé avec la consommation de tabac, au contraire d’une orientation centrée sur l’immédiateté, d’une gestion difficile du court terme et du fait d’être plus âgé. Concernant la consommation de cannabis, les résultats indiquent que trois facteurs expliquent 11,7 % de la variance (R2 = 0.11, F(3,478) = 22.32, p<.001) : la dimension d’immédiateté est significativement associée avec la consommation (b = -0,23 ; p<.001), de même que le genre (b = -0,15 ; p<.001) et le court terme (b = -0,11 ; p<.001). Enfin, pour la consommation d’alcool, les résultats indiquent également que trois facteurs expliquent 33,5 % de la variance (R2 = 0.33, F(3,467) = 80.01, p<.001) : la dimension d’immédiateté est significativement associée avec la consommation (b = -0,42 ; p<.001), de même que le court terme (b = -0,14 ; p<.001) et le genre (b = 0,12 ; p<.001). Ainsi, la consommation de cannabis et d’alcool est associée avec le fait d’être un homme et de présenter des scores plus élevés au niveau de l’immédiateté et du court terme.

Discussion

Consommation de substances psychoactives

Concernant la consommation, les données de l’étude Escapad de 2011 montrent que 31,5 % des jeunes interrogés fument tous les jours du tabac, 0,9 % boit tous les jours et 3 % consomment tous les jours du cannabis (Spilka et coll., 2012). Au niveau de la mesure de la DEP-ADO-modifié, notre échantillon rapporte une répartition de la consommation légèrement inférieure aux données d’ESCAPAD (alcool, tabac et cannabis). En comparant nos résultats aux données nationales concernant la consommation d’alcool, nous obtenons des résultats en accord avec ceux de Vautier, Jmel, Fourio et Moncany (2007) avec des participants étudiants de psychologie de Toulouse. Notre échantillon rapporte une consommation problématique de grande ampleur puisque 50,2 % de l’échantillon présente une consommation excessive ou une dépendance à l’alcool. Ces résultats sont confirmés par les données du Baromètre Santé réalisé dans les Pays de la Loire avec un effectif aléatoire de 1 430 jeunes de 15 à 25 ans, qui montrent des résultats légèrement supérieurs, avec 42 % de jeunes abstinents ou sans risque, 44 % à risque et 15 % avec une dépendance (Observatoire Régional de la Santé Pays de la Loire, 2012). Notre échantillon paraît donc comparable aux résultats généralement obtenus à l’égard de la consommation de SPA. Il reste que la sensibilité de l’AUDIT à dépister un tel pourcentage de consommateurs problématiques reste discutable, et il paraît raisonnable de penser qu’un certain nombre de participants sont des faux positifs. Les analyses a postériori sur les résultats des items de l’AUDIT montrent que les participants présentent peu de critères de dépendance à l’alcool (Items 4 à 7). Outre les items de fréquence de consommation (1 et 2), les jeunes présentent plutôt des items en lien avec des critères de consommation à risque (items 3, 9 et 8), d’où des scores importants de consommation problématique.

Orientation temporelle et consommation de SPA

Les recherches sur la temporalité affirment qu’il s’agit d’un prédicteur d’une variété de comportements de santé (Zimbardo, et al.., 1997 ; Zimbardo & Boyd, 1999). La présente étude confirme la présence de liens négatifs entre la consommation d’alcool, de tabac et de cannabis et trois des orientations temporelles du TOT (Immédiateté, Court terme et Anticipation). Ainsi, plus les jeunes consomment des substances, moins ils présentent une orientation temporelle adaptée. Elle dégage aussi que les orientations temporelles de l’immédiateté et du court terme sont des facteurs associés avec la consommation. Autrement dit, les jeunes qui consomment – tant l’alcool, le tabac que le cannabis – sont aussi ceux qui présentent une orientation temporelle tournée vers des activités décidées au dernier moment et où l’instantanéité est importante. C’est cette dimension de l’immédiateté qui est la plus associée avec la consommation, c’est-à-dire d’une orientation temporelle tournée vers un maintenant qui est vécu dans l’instantanéité. La dimension court Terme suit en ordre d’importance, avec une orientation où les moments du quotidien sont subis et peu investis. La dimension d’anticipation est liée négativement à la consommation, mais ne la prédit pas. Fait surprenant, il n’y a pas de lien entre le long terme, soit le rapport aux évènements éloignés du présent, et la consommation de substances psychoactives.

Bien qu’il s’agisse d’une étude transversale qui ne permet pas de faire de liens de causalité ou d’ordre d’apparition des facteurs, il est néanmoins possible de dire que ce sont les jeunes avec une orientation immédiateté faible qui présentent la probabilité la plus élevée d’avoir une consommation d’alcool importante.

Limites de l’étude

Plusieurs limites sont présentes dans cette étude. Les réponses « à choix forcé » du test de temporalité ont l’avantage d’obliger le participant entre deux possibilités bien distinctes, mais ne permettent pas une réponse sur un continuum se déroulant entre les deux possibilités. On peut penser que, pour certains participants, la réponse la plus sincère se situe dans un entre-deux. Une autre limite concerne l’échantillon de validation, composé de jeunes inscrits dans un processus scolaire ou universitaire. Bien que cette population soit relativement homogène, il serait nécessaire d’inclure des échantillons plus variés afin de permettre une plus grande validité externe. Dans l’état actuel, cette étude n’est comparable qu’auprès de jeunes scolarisés et ne constitue pas un échantillon représentatif, mais bien de convenance. De plus, cette étude pose le postulat d’une orientation temporelle comme un trait et un état de personnalité. Or, elle pourrait être un élément précédant la consommation, être concomitante ou être une conséquence de la consommation de substances. Les recherches ultérieures devront se pencher sur les rôles qu’elle joue dans la consommation de substances psychoactives.

Comme l’inventaire d’orientation temporelle de Zimbardo (Zimbardo et al., 1999), le TOT présente une proportion de variances expliquées relativement modeste, cela amène à penser qu’il paraît difficile, pour des outils psychométriques s’intéressant à la mesure de la temporalité, d’obtenir un modèle factoriel expliquant une portion élevée de variance.

Enfin, il convient de rappeler que les mesures de consommation sont autorapportées, ce qui représente la façon de procéder de la quasi-totalité des études, mais qui comporte néanmoins une marge d’erreur. En effet, les jeunes peuvent être amenés à modifier leur consommation réelle par des biais de désirabilité sociale ou simplement d’oubli.

Conclusion

L’orientation temporelle, tout comme la recherche de sensations, l’agressivité, l’anxiété, la dépression ou l’estime de soi, est une variable à prendre en compte dans l’évaluation de la consommation de substances psychoactives. L’orientation temporelle serait un construit psychologique susceptible de mieux expliquer la présence d’une consommation d’alcool, de tabac ou de cannabis, depuis une consommation récréative jusqu’à une consommation excessive. Outre le volet scientifique présenté dans cet article, le test d’orientation temporelle a aussi été utilisé dans des activités de prévention. Les psychologues de la Direction Diocésaine de l’Enseignement Catholique de Loire-Atlantique s’en servent depuis plusieurs années comme point de départ à des échanges à propos des données recueillies. Un constat étonnant a été de prendre conscience de l’intérêt des jeunes pour ces discussions, et ce, même s’ils sont des consommateurs avérés. Le test est proche du vécu des jeunes et permet d’aborder de manière détournée certains thèmes de prévention alors qu’une approche frontale ferme toute discussion. Dans notre expérience, même si elle demeure anecdotique, le test d’orientation temporelle peut être utilisé par les acteurs des actions de prévention auprès des collégiens et lycéens. C’est un outil bien accepté par les jeunes, qui proposent des questions en lien avec leur vécu quotidien et de leurs interrogations. Assez souvent, les discussions permettent l’élaboration progressive de nouvelles réactions concernant les risques liés aux consommations excessives comme à la conduite d’une automobile ou d’un scooter en état de vigilance affaiblie. Nombre d’oublis, de retards répétés, de difficultés de concentration, de réactions impulsives incontrôlées peuvent être interprétés comme des difficultés relationnelles ; elles portent aussi la marque de difficultés chroniques de gestion du temps. Savoir les repérer évite des incompréhensions et permet la recherche des solutions adaptées.

Conflit d’intérêt : aucun.

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