SYLVIA KAIROUZ, MARILYN FORTIN /
Marilyn Fortin, M. Sc., Doctorante au département de sociologie, Université de Montréal et Institut de recherche en santé publique de l’Université de Montréal (IRSPUM)
Correspondance : Sylvia Kairouz, PhD, Professeure agrégée, Université Concordia, Département de sociologie et d’anthropologie, H-1125-31, 1455, boul de Maisonneuve Ouest, Montréal (Québec) H3G 1M8, Téléphone : (514) 848-2424 ext. 2162, Fax : (514) 848-4539 , Courriel : sylvia.kairouz@concordia.ca
Résumé
Objectif : Cette étude vise à évaluer un modèle de médiation mettant en relation l’engagement dans le mouvement des AA, tant dans le programme qu’au sein de la fraternité, et le niveau de bien-être psychologique des membres, tout en tenant compte de la qualité de l’expérience positive de l’abstinence.
Sélection des études et extraction des données : L’échantillon était composé de 168 membres AA de longue date, appelés « old-timers », avec un taux de réponse de 49 %. Un questionnaire autoadministré a permis d’évaluer l’engagement dans le mouvement, le niveau de bien-être psychologique ainsi que l’évaluation subjective de l’expérience d’abstinence.
Résultats : Les membres AA rapportent généralement un niveau élevé de bien-être psychologique, un engagement dans la fraternité et une adhésion aux principes des 12 étapes. La socialisation avec les membres a un effet significatif et important sur le sentiment de bonheur et de satisfaction dans la vie, alors que l’application des étapes de maintien tend à influencer positivement le degré de satisfaction dans la vie et le sens donné à la vie grâce à l’expérience positive de l’abstinence.
Conclusion : Les membres « old-timers » abstinents rapportent être heureux, satisfaits dans la vie et donner un sens à leur vie. La relation d’entraide qui se développe dans la fraternité et l’expérience de donner et de recevoir de l’aide contribuent de façon significative à ce bien-être psychologique.
Mots-clés : Alcooliques Anonymes, old-timers, engagement, bien-être psychologique, 12 étapes
Commitment in AA movement : a guarantee of happiness
Abstract
Context : Alcoholics Anonymous remains one of the most commonly used sources of support for alcoholics worldwide. It offers rehabilitation process based on the twelve-step program and sustained by an anonymous fellowship for mutual support, and besides remission aims to rebuild the individual’s life without alcohol and help him or her achieve a state of well-being. Few studies have explored the quality of life of abstinent members. Instead most literature has focused on analyzing the success in achieving and maintaining abstinence among the members.
Objectives : This study aims to assess a mediation model exploring the relationship between involvement in the AA movement, both in the program and the fellowship, and psychological well-being of old-timers, while taking into account the quality of their experience with abstinence.
Study selection and data extraction : The sample consisted of 168 AA members, who have been abstinent and members of AA for an extended period of time, called ‘old-timers’, for a response rate of 49 %. A self-administered questionnaire assessed involvement in the fellowship, involvement in the 12-step program, level of psychological well-being, including happiness, life satisfaction and meaning in life, and the subjective evaluation of the experience of abstinence.
Results : AA members reported a high level of psychological well-being, strong involvement in the fellowship, and an adherence to the 12 steps. Socialization with members seems to have a greater effect on happiness and life satisfaction, while the application of the maintenance steps allowed a positive experience of abstinence, and mediated positively the effect on life satisfaction and meaning in life.
Conclusion : Old-timers members reported to be happy, satisfied in life and finding meaning in living. The mutual support in the fellowship through experiences of giving and receiving help appear to contribute significantly to the psychological well-being of old-timers.
Key words : Alcoholics Anonymous, Old-timers, Commitment, Well-Being, Twelve-steps.
El compromiso con el movimiento de AA : una garantía de felicidad
Resumen
Contexto : el movimiento de Alcohólicos Anónimos (AA) continúa siendo la fuente de ayuda más utilizada en el mundo en materia de alcoholismo. El mismo propone un modelo de remisión basado en los principios de las 12 etapas y sostenido por una comunidad de ayuda mutua que, más allá de la abstinencia, tiene como objetivo la reconstrucción de una vida sin alcohol y el logro del bienestar. La literatura sobre el logro y el mantenimiento de la abstinencia es muy abundante pero pocos estudios han explorado la calidad de vida de los miembros abstinentes.
Objetivo : Este estudio se dirige a evaluar un modelo de mediación que relacione el compromiso con el movimiento de los AA, tanto en el programa como dentro de la fraternidad, con el nivel de bienestar psicológico de sus miembros, teniendo en cuenta la calidad de la experiencia positiva de la abstinencia.
Selección de estudios y extracción de datos : La muestra estuvo compuesta por 168 miembros de larga data de AA, llamados “old-timers” (los antiguos), con un porcentaje de respuesta del 49 %. Un cuestionario autoadministrado permitió evaluar el compromiso con el movimiento, el nivel de bienestar psicológico y la evaluación subjetiva de la experiencia de abstinencia.
Resultados : Los miembros de AA declaran generalmente gozar de un nivel elevado de bienestar psicológico, estar comprometidos con la fraternidad y adherir al principio de las 12 etapas. La socialización con los miembros tiene un efecto significativo e importante en el sentimiento de bienestar y satisfacción en la vida, mientras que las etapas de mantenimiento tienden a influir positivamente en el grado de satisfacción en la vida y en el sentido que se le da a la vida gracias a la experiencia positiva de la abstinencia.
Conclusión : Los miembros “old-timers” abstinentes declaran ser felices, estar satisfechos con su vida y afirman haberle dado un sentido a la misma. La relación de ayuda mutua que se desarrolla en la fraternidad y la experiencia de brindar ayuda y de recibirla contribuyen de manera importante con el bienestar psicológico.
Palabras clave : Alcohólicos Anónimos, “old timers”, compromiso, bienestar psicológico, 12 etapas.
Introduction
Le mouvement des Alcooliques Anonymes (AA) demeure la source d’aide la plus importante au monde avec, à son actif, près de 1,2 million de membres et 57 000 groupes de soutien aux États-Unis et au Canada (Kaskutas, 2008). Cette organisation d’entraide anonyme met à la disposition des personnes alcooliques un service d’aide gratuit fondé essentiellement sur trois composantes : un système de valeur, un programme d’action en 12 étapes et une fraternité de soutien (Borkman, 2008). Selon la philosophie des AA, la voie vers la rémission, quoique variable d’un membre à l’autre (Borkman, 2008 ; Tonigan et coll., 1995), se réaliserait à la fois par l’application des 12 étapes et le recours au soutien du groupe. En reconnaissant son impuissance devant l’alcool et la perte de maîtrise de sa vie, le membre AA amorcerait un inventaire moral et, par le recours à une Puissance supérieure, s’engagerait à corriger ses défauts et le tord qu’il a causé à autrui. Par l’application des étapes de maintien et grâce au soutien du groupe, il cheminerait vers la sobriété et la sérénité pour venir à son tour en aide aux autres membres alcooliques (Cloud, Ziegler & Blondell, 2004).
Force est de constater que la rémission, selon la philosophie des AA, est un processus de changement qui, tout en valorisant l’atteinte de l’abstinence, s’insèrerait plus largement dans un projet de vie. Le membre serait ainsi amené à cheminer progressivement dans un mode de vie nouveau, visant l’expérience d’une paix intérieure, d’un sentiment de bonheur et l’atteinte d’une joie de vivre (AA, 1976). Malgré l’importance accordée dans la philosophie des AA à l’amélioration de la qualité de vie comme facteur intrinsèque à la rémission, peu d’études ont examiné comment des membres AA abstinents évaluent leur qualité de vie et les liens qui existeraient entre leur implication dans le mouvement et cette expérience de bien-être. Pour répondre à ces questions, la présente étude propose : 1) d’explorer le niveau de bien-être psychologique de membres qui sont abstinents depuis une longue période de temps, c’est-à-dire ceux et celles communément connus sous le vocable « old-timers », leur sentiment de bonheur, de satisfaction par rapport à la vie et le sens qu’ils lui donnent ; et 2) d’examiner l’effet de leur implication dans le mouvement, la fraternité et le programme et sur leur niveau de bien-être psychologique.
Un modèle tripartite du bien-être psychologique
L’expérience de bien-être psychologique est particulièrement importante en contexte de rémission ; une perturbation du bien-être semble caractériser les épisodes d’abus ou la dépendance à l’alcool. La présence d’états anxieux (Hesselbrock, Meyer & Keener, 1985 ; Kranzler et Liebowitz 1988 ; Mullaney et Trippett, 1979), l’incapacité à donner un sens à sa vie (Brickman, 1987 ; Crumbaugh, 1968 ; Waisberg et Porter, 1994) et l’apparition de sentiments négatifs (Brown et Schuckit, 1988 ; Caetano, 1987 ; Lippman et coll., 1987 ; McMahon et Davidson, 1986), constituent souvent des raisons importantes pour la recherche d’aide et la persistance dans le traitement (Krampen, 1989). Par ailleurs, les personnes qui complètent avec succès un traitement rapportent une diminution des émotions négatives (Brown et Schuckit, 1988 ; Carroll, 1993 ; White, 2010) ainsi qu’une plus grande capacité à donner un sens à leur vie (Jacobson, Ritter & Mueller, 1977 ; Waisberg et Porter, 1994).
Le bien-être psychologique (BEP) se définit comme la combinaison de réactions affectives et de jugements cognitifs par rapport à sa vie (Diener, 1984), fondés sur l’expérience individuelle et subjective. La composante affective de « sentiment de bonheur » indique une prépondérance des affects positifs de joie sur les affects négatifs de tristesse au cours d’une période donnée (Bradburn, 1969). La « satisfaction dans la vie », quant à elle, est définie comme une évaluation générale de sa vie (Veenhoven, 1991, p. 10), une comparaison subjective entre la vie réelle et celle désirée par l’individu (Diener, 1984 ; Shin et Johnson, 1978). Les approches théoriques reconnaissent que l’évaluation de sa vie peut s’effectuer de façon globale considérant « la vie comme un tout » ou par une sommation du niveau de satisfaction perçu dans des domaines spécifiques (Andrews et Withey, 1976 ; Schwartz et Strack, 1991). Enfin, la composante cognitive de « sens donné à la vie » répond à un besoin fondamental de « percevoir sa vie comme ayant un but et un sens » (Ryff , 1989, 1995) et d’être en mesure de réaliser une « intégration de son monde intérieur avec les demandes du monde extérieur » (Yalom, 1980) de façon cohérente (Antonovsky, 1987).
Un des facteurs qui contribue positivement au niveau de bien-être psychologique est l’engagement dans les différentes sphères de la vie (Brickman, 1987 ; Csikszentmihalyi, 1990) soit dans le domaine du travail (Meyer & Maltin, 2010), dans les études (Brault-Labbé & Dubé, 2010), dans les relations interpersonnelles (Lehmiller, 2009) et dans la parentalité (Knoester, Petts & Eggebeen, 2007) Son effet se transmet à travers les générations (Dubé, Kairouz & Jodoin, 1997). Dans un contexte de rémission, plusieurs formes d’implication dans le mouvement des AA ont été identifiées comme étant des moyens de prédire l’atteinte de l’abstinence et son maintien à plus long terme (Cloud, Ziegler & Blondell, 2004 ; Donovan et Floyd, 2008 ; Galanter, 2007 ; Montgomery, Miller & Tonigan, 1995 ; Piderman et coll., 2007). Ces formes d’implication sont, plus particulièrement, l’engagement cognitif par l’identification et la perception d’appartenance au mouvement (Morgenstern et McCrady, 1993), l’engagement comportemental sous forme de participation aux réunions et d’implication auprès des membres (Cloud, Ziegler et Blondell, 2004 ; LeBron McBride, 1991 ; Olafsdottir, 1992) et l’engagement idéologique dans le programme à travers l’application des 12 étapes (Zemore, 2008 ; Alcoholics Anonymous, 1952). Toutefois, peu de travaux ont examiné la relation entre ces formes d’engagement et le niveau de bien-être psychologique des membres. C’est à cette question que tente de répondre la présente étude.
Un modèle multidimensionnel de l’engagement dans le mouvement des AA
Bien que l’engagement dans le mouvement puisse prendre des formes multiples et amener des expériences variées, il se réaliserait généralement à travers les deux facettes constitutives du mouvement : le programme et la fraternité (Kurtz, 1982 ; Nowinski, 1993 ; Room, 1993). En effet, le « gros livre » des AA (Alcooliques Anonymes , 2003) définit le mouvement comme une structure double , une communauté ou fraternité qui assure un soutien social et un programme en 12 étapes qui établit les principes de base pour atteindre et maintenir un état de sobriété. Cette structure bidimensionnelle, qui fait écho dans la littérature scientifique (Kurtz, 1982 ; Nowinski, 1993 ; Room, 1993), est celle que nous avons retenue pour examiner l’engagement des membres dans le mouvement à travers leurs engagements social et idéologique.
Engagement social dans le mouvement. L’engagement social dans le mouvement a souvent été mesuré par le « soutien aux membres » ou « reaching out », c’est-à-dire la prise en charge de tâches et de responsabilités, l’assistance régulière aux réunions (Krippenstapel, 1987 ; LeBron McBride, 1991), l’exécution de fonctions officielles pendant les réunions (raconter une histoire ou présider la réunion) et le parrainage de membres (Cloud, Ziegler & Blondell, 2004). Par ailleurs, la « socialisation avec les membres » est une autre forme importante d’implication dans la fraternité sachant que le mouvement est une communauté de personnes, communément appelée fraternité , qui fournit un réseau social (Room, 1993) et qui permet le développement de relations interpersonnelles et d’amitiés (Olafsdottir, 1992 ; Robinson, 1979). C’est un moyen d’engagement dans lequel parler et discuter avant et après les réunions sont des formes de soutien au rétablissement.
Engagement idéologique dans le mouvement. Les 12 étapes constituent un des fondements idéologiques du mouvement des AA, et il existe un lien positif entre l’application des étapes, le maintien de l’abstinence et la diminution de l’obsession de boire (Donovan et Floyd, 2008) en particulier entre l’étape d’admettre sa « croyance en une Puissance supérieure » et le rétablissement (Connors, Walitzer & Tonigan, 2008 ; Forceimes, 2004 ; Galanter, 2007 ; Piderman et coll., 2007 ; Zemore, 2008). Cette implication dans les étapes 2 et 3 est une forme de spiritualité et une volonté de reconnaitre l’existence d’une force plus grande que soi, souvent appelée Puissance supérieure (Martin et Carlson, 1988 ; Miller et Martin, 1988). Par ailleurs, pour les « old-timers », l’application des étapes de maintien, les étapes 10, 11 et 12 (Alcoholics Anonymous, 1952), est une forme d’engagement centrale pour effectuer un travail de réparation du soi et des relations avec le monde, ainsi que pour l’élargissement des principes des AA aux divers domaines de la vie. Orientées vers le présent, ces mesures soulignent la dépendance continue à une Puissance supérieure, l’honnêteté, l’humilité, la déférence, la gratitude et la responsabilité d’aider les autres (Brown, 1993). La prise et la reprise de ces étapes permettraient une réflexion continue sur soi et le maintien de la rémission (Cloud, Ziegler & Blondell, 2004 ; Denzin, 1987 ; Emrick, 1987 ; Galanter, 2007 ; Montgomery, Miller & Tonigan, 1995 ; Sheeren, 1988).
Plus généralement, cette étude s’appuie conceptuellement sur la théorie de l’engagement psychologique (Brickman, 1987) pour cerner une forme d’engagement général dans le mouvement des AA. Selon ce modèle, l’engagement se définit comme la capacité de ressentir un attrait et un enthousiasme envers l’objet d’engagement malgré les renoncements et les sacrifices que cet engagement implique (Brickman, 1987). Cet équilibre entre les aspects positifs et négatifs de l’engagement contribuerait à accroitre le sentiment de bien-être. Sans enthousiasme, l’engagement est aliénation et, sans persévérance, il devient passion. Dans le cadre du mouvement des AA, l’engagement est défini par une intégration de deux composantes : notamment la composante affective d’enthousiasme ou le « sentiment positif par rapport à son appartenance au mouvement » et la composante cognitive de persévérance, la volonté de « maintenir son adhésion au mouvement » malgré les efforts et les renoncements que cela implique. Selon Morgenstern et McCrady (1993), l’engagement personnel dans le mouvement constituerait un processus actif dans un parcours de rémission.
En bref, cette étude s’appuie principalement sur la théorie de l’engagement psychologique pour définir et mesurer l’engagement par rapport au mouvement et les diverses formes d’implication dans la fraternité et le programme qui sont déjà identifiées dans les travaux de recherche sur le mouvement des AA. Elle propose un modèle global regroupant trois formes d’engagement : un engagement psychologique, un engagement social dans la fraternité et un engagement idéologique dans le programme.
La centralité de l’expérience positive de l’abstinence
L’objet ultime de l’expérience dans le mouvement des AA demeure, avant tout, l’atteinte et le maintien de l’abstinence (Alcoholics Anonymous, 1976 ; Borkman, 2008), ce qui se traduit, chez les membres de longue date, en la capacité de vivre positivement et agréablement son abstinence (Ferri, Amato & Davoli, 2006 ; Kaskutas, 2008) et un processus de rémission dynamique (Brown, 1993) pour maintenir l’abstinence à plus long terme. On reconnaît que c’est grâce à cette expérience positive de l’abstinence que les membres parviennent à reconstruire leur bien-être psychologique (Bean-Bayog, 1993), car cet état positif est recadré dans une perspective temporelle de 24 heures (Bean-Bayog, 1993 ; Cloud, Ziegler & Blondell, 2004 ; Donovan et Floyd, 2008 ; Groh, Jason & Keys, 2008 ; Kammeier et Anderson, 1976 ; Patton, 1979 ; Sheeren, 1988 ; Witbrodt et coll., 2011). La poursuite de buts dans la vie contribuerait positivement au bien-être psychologique (Emmons, 1986 ; Klinger, 1977, 1987), et la présence d’objectifs clairs et de règles précises pour les atteindre permettrait de donner un sens à la vie (Csikszentmihalyi, 1990).
Pour certains chercheurs (Brown, 1993 ; Ferri, Amato & Davoli, 2006), le mouvement des AA offre un contexte de rémission qui poursuit un objectif clair d’abstinence et qui fournit des moyens précis pour l’atteindre, notamment par une implication soutenue dans la fraternité et par la pratique des 12 étapes. C’est dans un tel contexte qu’une des hypothèses de l’étude soutient que les membres qui parviennent à vivre leur abstinence comme une expérience positive seraient plus en mesure de vivre à plus long terme un bien-être psychologique (Ferri, Amato & Davoli, 2006). C’est ce modèle de médiation que l’on tente d’estimer dans cette étude.
Cette étude propose de décrire le niveau de bien-être psychologique des « old-timers » du mouvement des AA et d’examiner la relation entre les engagements psychologique, social et idéologique dans le mouvement et le niveau de bien-être psychologique. Une des hypothèses de l’étude est qu’il existerait un effet direct de l’engagement dans le mouvement sur le niveau de bien-être et que cet effet serait partiellement médiatisé par la capacité des membres à vivre l’abstinence comme une expérience positive (Figure 1).
Figure 1. Modèle des effets direct et indirect de l’engagement dans le programme des Alcooliques Anonymes sur le bien-être psychologique
Méthodologie
Participants
À la suite de l’obtention du consentement du bureau central des services des Alcooliques Anonymes à New York, du bureau du Québec et celui de la région métropolitaine de Montréal (région 87), trois cents questionnaires ont été remis aux représentants des arrondissements de la région métropolitaine de Montréal et de ses banlieues nord et sud lors de la rencontre des représentants. Ces derniers ont procédé à la distribution des questionnaires aux membres fréquentant leurs groupes respectifs. Chaque participant a reçu, sur une base volontaire et anonyme, une enveloppe contenant une lettre d’invitation décrivant les objectifs de l’étude, un questionnaire et une enveloppe de retour affranchie et adressée à l’équipe de recherche. Cette étude avait obtenu l’approbation du comité d’éthique de l’Université de Montréal.
Au total, 173 questionnaires ont été retournés par voie postale pour un taux de réponse de 49 %. Cinq questionnaires ont été éliminés dont quatre en raison d’épisodes de consommation excessive d’alcool au cours des six derniers mois et un autre à cause de certaines réponses inappropriées indiquant une mauvaise compréhension des questions. L’échantillon final est composé de 168 participants (57 femmes et 111 hommes) qui sont membres du mouvement des AA depuis 11,3 ans en moyenne (É-T = 7,8), abstinents en moyenne depuis 10,6 ans (É-T = 7,7) et sans rechute depuis au moins six mois, ce qui nous permet de conclure de façon a posteriori que l’échantillon est composé de membres communément appelés « old-timers ». En ce qui a trait à la sociodémographie, la moyenne d’âge est de 50 ans (SD = 11,2), et la majorité des participants (51 %) sont mariés alors que 31 % sont séparés ou divorcés, 14 % sont célibataires et 4 % veufs ou veuves. Près de 33 % des répondants détiennent un diplôme universitaire alors que 20 % ont un niveau secondaire et 44 % ont un niveau d’éducation primaire ou secondaire non complété. Finalement, 58 % des répondants sont des travailleurs à temps plein, 13 % à temps partiel et 29 % sont sans emploi ou retraités, et le revenu moyen par ménage se chiffre à 47 907 $ (CAN) (SD = 25 129).
Matériel
Le questionnaire comporte trois sections mesurant l’engagement dans le mouvement des AA, le bien-être psychologique et l’évaluation de l’expérience d’abstinence.
Engagement dans le mouvement des AA
Par le croisement de connaissances théoriques (Alcoholics Anonymous, 1952, 1975 ; Alibrandi, 1985 ; Brickman, 1987 ; Emrick, 1989 ; Tonigan, Ashcroft & Miller, 1995) et une adaptation d’instruments de mesure disponibles (Tonigan, Connors & Miller, 1986 ; Tonigan, Connors & Miller, 2003), nous avons généré un instrument couvrant les trois formes d’engagement dans le mouvement, notamment les engagements psychologique, social et idéologique. Les mesures déjà disponibles ont été partiellement adaptées alors que des questions nouvelles ont été développées par le premier auteur pour mesurer les dimensions pour lesquelles aucune mesure n’existe. L’instrument final, regroupant les trois formes d’engagement, a fait l’objet d’une évaluation psychométrique en ce qui a trait à sa validité apparente (« face validity ») et de construit.
La mesure de l’engagement psychologique a été adaptée à partir de l’instrument d’engagement général proposé par Brickman (1987) pour évaluer le sentiment d’engagement à être membre du mouvement. Le questionnaire inclut les dimensions d’enthousiasme ou de sentiment positif par rapport à l’appartenance au mouvement (« Je trouve cela agréable d’être un membre du mouvement AA » ; « Je considère mon adhésion au mouvement AA comme un aspect positif de ma vie » ; « Je crois aux principes du mouvement AA ») et de persévérance, qui reflète la volonté d’assumer les efforts et les sacrifices que commande l’adhésion au mouvement (« Je m’investis complètement dans le mouvement des Alcooliques Anonymes » ; « Même si mon adhésion aux AA nécessite beaucoup de sacrifices, je ne vais pas y renoncer » ; « J’investis beaucoup de temps et d’énergie dans le mouvement AA »). Les réponses sont rapportées sur une échelle de Likert allant de 0 (« Pas du tout en accord ») à 8 (« Complètement en accord »).
Pour les mesures d’engagement social et idéologique, l’instrument visait à évaluer des dimensions communément appelées les « AA six pack » : « ne pas boire », « aller aux réunions », « demander de l’aide », « avoir un parrain », « joindre un groupe » et « être actif dans le mouvement » (Caldwell et Cutter, 1998).
L’engagement social a été mesuré à travers les dimensions de soutien aux membres (« reaching out »), notamment le parrainage et le partage (« nombre de personnes parrainées », « nombre de fois que la personne a effectué la 12e étape », « nombre de fois ayant fait un partage lors de réunions »). Le résultat final est calculé par la somme totale du nombre de parrainages et de partages. Il a aussi été mesuré à travers une dimension de socialisation avec les membres (Olafsdottir, 1992) en mettant de l’avant les relations sociales à l’intérieur et à l’extérieur de la fraternité ainsi que le maintien des liens avec des alcooliques (Groh, Jason & Keys, 2008 ; Kurtz, 1982). (« Pendant la pause café, je parle avec d’autres membres du groupe » ; « Je reste après la réunion pour parler aux autres membres du groupe » ; « Je vois quelques membres à l’extérieur des réunions » ; « Je m’investis complètement dans mes relations avec les autres membres AA »). Les réponses sont rapportées sur une échelle allant de 0 (« Jamais ») à 8 (« Très souvent »). Le résultat final est calculé par la moyenne de la fréquence rapportée pour les trois activités.
L’engagement idéologique englobe d’abord les deux dimensions de croyance en une Puissance supérieure telles que formulées dans les 12 étapes (« Je crois en une Puissance supérieure » ; « J’ai besoin de me tourner vers la Puissance supérieure pour résoudre mes problèmes avec l’alcool » ; « Je me suis tourné vers Dieu » ; « C’est avec ma foi que je réussis à être sobre »). Les réponses sont rapportées sur une échelle allant de 0 (« Pas du tout en accord ») à 9 (« Tout à fait en accord »). Elle englobe aussi celle de l’application des étapes de maintien, notamment les étapes 10 (« Je continue à prendre des notes personnelles » ; « Je l’admets lorsque je suis dans l’erreur »), 11 (« Je cherche par la méditation à augmenter mes relations avec Dieu ») et 12 (« J’essaie de transmettre ce message aux alcooliques » ; « J’essaie de pratiquer les principes des AA dans toutes les facettes de ma vie »). Les réponses sont rapportées sur une échelle allant de 0 (« Pas du tout en accord ») à 8 (« Complètement d’accord »). Le résultat final est calculé par la moyenne des réponses fournies à chacune des questions.
Pour évaluer la validité apparente de l’instrument, nous avons consulté 3 membres « old-timers », 2 membres AA ayant une expertise professionnelle dans le domaine des dépendances et 2 professionnels experts dans le champ de l’alcoolisme quant à l’adéquation du contenu des mesures pour capter l’expérience d’engagement dans le mouvement.
Pour estimer la validité de construit de l’instrument, une analyse en composantes principales a été réalisée sur les vingt-trois questions de la mesure d’engagement dans le mouvement. La solution a révélé les cinq dimensions proposées : l’engagement psychologique dans le mouvement (valeur propre = 7,28), la socialisation avec les membres (valeur propre = 2,12), la croyance en une Puissance supérieure (valeur propre = 1,89), l’application des étapes de maintien (valeur propre = 1,61) et l’implication dans les réunions (valeur propre = 1,27) (mesure d’échantillonnage de Kaiser-Meyer-Olkin = 0,83). Les items présentaient un coefficient de saturation supérieur à 0,50 sur leur facteur principal, excepté un des items mesurant l’application de la 12e étape (« J’essaie de transmettre ce message aux alcooliques »). Ce dernier montrait une faible valeur discriminante, présentant des saturations élevées sur quatre facteurs. Nous avons choisi de maintenir cet item sous sa dimension théorique. Le coefficient de consistance interne révèle un niveau de fidélité satisfaisant pour les cinq dimensions, variant entre 0,78 et 0,80, celle de la mesure globale s’établissant à 0,90.
En raison de la variabilité importante dans le niveau d’éducation des membres AA, une évaluation linguistique a été menée auprès de 3 personnes possédant un niveau d’éducation secondaire (2 non-membres AA et un membre AA). Les commentaires recueillis ont permis de générer la version définitive du questionnaire.
Mesures de bien-être
Le concept tridimensionnel de bien-être psychologique (Diener, 1984 ; Veenhoven, 1991) incluait : la mesure de sentiment de bonheur, notamment la fréquence au cours du dernier mois d’affects positifs (« Contentement » ; « Bonheur » ; « Joie ») et d’affects négatifs (« Dépression » ; « Confusion » ; « Tristesse » ; « Malheur ») (0 = « Jamais » à 6 = « Presque tout le temps ») (Diener et Emmons, 1984 ; Russell, 1979, 1980 ; Russel et Mahrabian, 1977), la mesure de satisfaction dans la vie dans huit domaines spécifiques (« Relation avec la famille » ; « Qualité des activités de loisir » ; « Quantité des activités de loisir » ; « Bien-être physique » ; « Évolution personnelle » ; « Temps passé à aider les autres » et « Vie religieuse ou spirituelle ») (0 = « Pas du tout comme je voudrais » à 8 = « Exactement comme je voudrais ») et la mesure de sens donné à la vie (« Je ne crois pas que ma vie ait une signification pour moi » ; « La vie vaut vraiment la peine d’être vécue » ; « Je vois que ma vie a un but et une signification précise » ; « Je me sens neutre face à ma vie » ; « Il n’y a pas beaucoup de choses à comprendre dans le monde ») (0 = « Pas du tout en accord » à 8 = « Complètement d’accord »). Le résultat final est calculé par la moyenne des réponses fournies à chacune des questions.
L’analyse en composantes principales de la mesure de bien-être psychologique a révélé une solution à quatre facteurs (k.m.o. = 0,87). Le premier facteur dominant mesurant le sentiment de bonheur (valeur propre = 6,69) expliquait 33,5 % de la variance, alors que les trois facteurs suivants (valeurs propres de 2,22, 1,60 et 1,10), expliquaient au total 24,6 % de la variance, traduisant respectivement les dimensions d’affects négatifs, de sens donné la vie et d’affects positifs. Les coefficients de Cronbach estimant la consistance interne des mesures variaient entre 0,74 pour la mesure de sens donné à la vie et 0,81 pour la mesure des affects positifs.
Expérience positive de l’abstinence
Trois items ont permis de mesurer l’expérience subjective de l’abstinence (« Je m’organise pour intégrer les aspects positifs et négatifs de ma vie sans l’alcool » ; « Sans l’alcool, ma vie est enthousiaste » ; « C’est facile pour moi de trouver des choses intéressantes depuis que je vis sans l’alcool ») (0 = « Pas du tout en accord » à 8 = « Complètement d’accord ») (alpha de Cronbach = 0,61). Le résultat final est calculé par la moyenne des réponses fournies à chacune des questions.
Stratégie d’analyse
Des analyses descriptives ont été menées pour évaluer le niveau d’engagement et de bien-être des membres « old-timers » du mouvement des AA. Pour estimer le modèle exploratoire de médiation entre l’engagement, le bien-être et l’expérience positive de l’abstinence (Figure 1), l’analyse a été effectuée en trois étapes. À la première étape, une matrice de corrélation entre les variables du modèle a été produite pour identifier les relations significatives qui feront l’objet d’une analyse de médiation exploratoire à l’étape 2 (Tableau 1). L’exploration du modèle de médiation a été effectuée en quatre étapes, selon les recommandations de Baron et Kenny (1986) : 1) une analyse de régression des variables indépendantes (les variables d’engagement) sur les variables dépendantes (les variables de bien-être) (Tableau 2, étape 1) ; 2) une analyse de régression des variables indépendantes sur la variable médiatrice (expérience positive de l’abstinence) (résultat rapporté dans le texte) ; 3) une analyse de régression de la variable médiatrice (expérience positive d’abstinence) sur la variable dépendante (étape 2) ; 4) une analyse de régression des variables indépendantes et de la variable médiatrice sur la variable dépendante (étape 3). Il est possible de conclure sur une relation de médiation lorsque les trois conditions suivantes sont observées : 1) la variable indépendante affecte la variable dépendante ; 2) la variable indépendante affecte la variable médiatrice ; 3) la variable médiatrice affecte la variable dépendante. De plus, il faut que l’association entre la variable indépendante et la variable dépendante diminue lorsque la variable médiatrice est contrôlée dans le modèle (étape 3 versus étape 1). Finalement, nous avons validé les relations observées à l’étape 2 en estimant un modèle d’analyses acheminatoires (« path analysis ») (Bollen & Long, 1993) qui intègre de façon simultanée les variables d’engagement, les variables de bien-être et la variable d’expérience positive de l’abstinence (Figure 2).
Résultats
Les résultats révèlent que les membres « old-timers » rapportent des niveaux élevés d’engagement dans les diverses facettes du mouvement. Près de 94 % des participants ont déclaré assumer au moins une tâche à l’intérieur de la fraternité et avoir terminé les 12 étapes alors que 91 % avaient déjà fait un partage et 98 % avaient des amis au sein du mouvement (Tableau 1).
Tableau 1. Moyennes, écart-type, mesures de fidélité et corrélations pour les variables principales de l’étude
Les « old-timers » sont satisfaits dans les divers domaines de leur vie (M = 5,37) et donnent un sens à leur vie (M = 6,58). Par ailleurs, ils déclarent ressentir des affects positifs (M = 4,55) et des affects négatifs (M = 3,37) de façon modérée, indiquant un niveau moins élevé de bonheur. Finalement, ils expriment vivre positivement leur expérience d’abstinence (M = 7,13).
L’inspection des corrélations entre les dimensions d’engagement et celles du bien-être psychologique montre que ces associations ne sont pas uniformes à travers les dimensions d’engagement (Tableau 1). L’engagement psychologique est significativement et modérément associé à toutes les dimensions du bien-être psychologique, l’application des étapes de maintien et la socialisation avec les membres ne sont pas corrélées significativement avec les affects négatifs. La croyance en une Puissance supérieure et le soutien aux membres sont uniquement associés à la satisfaction dans la vie.
Une première série d’analyses de régressions multiples (voir Tableau 2, étape 1) ont montré que la socialisation avec les membres de la fraternité et l’application des étapes de maintien prédisaient significativement le niveau de satisfaction dans la vie ; l’implication sociale prédisait uniquement la fréquence des affects positifs et l’application des étapes de maintien prédisait le sens donné à la vie. Aucune mesure d’implication dans le mouvement n’a permis de prédire la fréquence des affects négatifs. Par conséquent, cette mesure ne sera pas considérée dans les analyses subséquentes.
Tableau 2. Régression sur la satisfaction de la vie, le sens donné à la vie et le sentiment positif provenant des mesures d’engagement chez les AA L’expérience positive de l’abstinence et les mesures d’engagement chez les AA, contrôlées par l’expérience positive de l’abstinence
Une deuxième série d’analyses de régressions multiples révèle que seule la variable d’application des étapes de maintien prédisait de façon significative l’expérience positive de l’abstinence (b = 0,53, p < 0,000) laissant les quatre autres dimensions à l’écart de l’hypothèse de médiation.
Une troisième série d’analyses de régressions multiples (voir Tableau 2, étape 2) révèle que l’expérience positive de l’abstinence prédisait significativement toutes les variables de bien-être. Finalement, une troisième analyse de régression, combinant l’effet de la variable d’application des étapes de maintien ainsi que la variable médiatrice d’expérience positive de l’abstinence, révèle une diminution importante de l’effet de la variable d’application des étapes de maintien sur les variables de satisfaction dans la vie et de sens donné à la vie lorsque la variable médiatrice (expérience positive de l’abstinence) était incluse dans le modèle (b = 0,33 contre 0,26) (b = 0,29 contre 0,13). L’effet de la variable médiatrice (expérience positive de l’abstinence) sur les variables de satisfaction dans la vie et de sens donné à la vie était significatif (b = 0,41, p < 0,0001) et (b = 0,42, p < 0,0001).
Modèle intégrateur de la relation entre l’engagement dans le mouvement, l’expérience positive d’abstinence et le bien-être psychologique
Des analyses acheminatoires (« path analysis ») (Bollen & Long, 1993) ont été réalisées afin d’estimer de façon intégrée le modèle de médiation retrouvé dans les analyses de régressions hiérarchiques. Ce modèle a l’avantage de permettre la modélisation simultanée de toutes les variables du modèle. Le modèle obtenu a été bien ajusté par les données : χ² (6, N = 151) = 16,74, p = 0,01 ; GFI = 0,96 ; RMRC = 0,09 ; NFI = 0,94. Comme le montre la Figure 2, l’application des étapes de maintien qui a un effet significatif sur l’expérience positive de l’abstinence contribue indirectement à la satisfaction dans la vie et au sens donné à la vie. Par ailleurs, la socialisation avec les membres a un effet direct sur le niveau de satisfaction dans la vie et sur la fréquence des sentiments positifs liés au bonheur.
Figure 2. Modèle d’analyses acheminatoires1 de la relation entre le rôle médiateur dans la relation entre l’engagement dans le mouvement des Alcooliques Anonymes et l’expérience positive de l’abstinence et le bien-être psychologique
Discussion
Cette étude visait à examiner, à travers un modèle de médiation, l’effet des différentes formes d’engagement dans le mouvement des AA sur le bien-être psychologique (BEP) des membres et l’effet de médiation que joue l’expérience positive liée à l’abstinence dans ces relations. Les résultats ont démontré que les « old-timers » sont engagés dans le mouvement tant au niveau social dans la fraternité qu’au niveau de leur adhésion aux principes des 12 étapes. Bien que toutes les formes d’engagement dans le mouvement aient contribué à promouvoir le bien-être psychologique, l’engagement social avec les membres et l’application des étapes de maintien favorisent davantage l’atteinte des dimensions positives du bien-être. En effet, l’engagement social avec les membres dans la fraternité est directement associé à un sentiment positif de bonheur et à la satisfaction dans la vie alors que l’application des étapes de maintien, en permettant aux membres de vivre positivement leur abstinence, a un effet positif et indirect sur le sentiment de satisfaction dans la vie et de sens donné à la vie. Les « old-timers » rapportent toutefois une fréquence moyenne d’affects négatifs de tristesse, de confusion ou de détresse, qui est moins élevée lorsque les membres se sentent psychologiquement engagés dans le mouvement.
De façon générale, les résultats appuient une des prémisses des théories dynamiques de rémission (Mulford, 1977 ; Rubington, 1980 ; Wiseman, 1981) soit de considérer le rétablissement, dont les ingrédients actifs varieraient selon l’étape de guérison, comme un processus plutôt qu’un état stable (Bean, 1975). Pour les « old-timers », bien que toutes les formes d’engagement aient un effet sur le bien-être psychologique, certaines dimensions, comme celle de la « croyance et le recours à une Puissance supérieure », sont moins contributives au bien-être des « old-timers ». Selon McGrath (1996), l’acquisition et le maintien de la relation à une Puissance supérieure sont particulièrement prédominants au début du processus de rémission et leur rôle s’estomperait avec le temps. Pour les « old-timers », le processus de rémission afficherait un équilibre à travers deux formes d’engagement : notamment l’implication dans un réseau social de soutien et la pratique des étapes de maintien, un travail thérapeutique plutôt personnel. Il est possible de considérer qu’avec une plus longue durée d’abstinence se développe une focalisation plus importante sur les interactions environnementales plutôt que sur l’alcool et sa consommation (Brown, 1985). Selon Spalding et Metz (1997), c’est cette augmentation de la participation sociale et la présence de relations positives qui contribueraient à la qualité de vie des membres AA (Spalding & Metz, 1997).
Pour Brown (1985), l’implication dans le mouvement des AA représenterait un moyen d’exploration de soi pour cheminer vers une meilleure qualité de vie. Cette hypothèse théorique a été corroborée par l’effet positif de l’adhésion aux étapes de maintien sur le niveau de satisfaction dans la vie et le sens donné à la vie. Étant donné la nature même de ces étapes, qui constituent un guide de vie dans la relation aux autres et à l’Univers, il est fort attendu que leur application peut amener un sentiment de satisfaction dans divers domaines de la vie : par rapport au soi (p. ex. évolution de soi), aux autres (p. ex. relation avec les amis) et à la spiritualité (p. ex. religieuse ou vie spirituelle), soutenant une quête d’un sens existentiel.
Il est important de noter la présence de sentiments négatifs de tristesse et de détresse chez les membres AA. Cette dimension de « mal-être » était négativement liée à l’engagement psychologique. Certaines études suggèrent une relation plus importante entre l’implication sociale dans le mouvement et la dimension positive du BEP plutôt que sa dimension négative (Harding, 1982). La présente étude a permis de décrire cette divergence dans le vécu des émotions négatives et des émotions positives, mais sans pouvoir les expliquer. Les résultats nous rappellent la complexité du tableau clinique lorsque la rémission d’une dépendance s’accompagne d’autres troubles, notamment les troubles de l’humeur, de sentiments de tristesse et de dépression. Cette comorbidité commande des pratiques cliniques qui doivent tenir compte de cette concomitance des troubles pour assurer leur succès et éviter les situations de rechute (Santé Canada, 2002).
Un des résultats intéressants de cette étude est l’effet positif de l’expérience positive de l’abstinence sur toutes les dimensions positives du BEP, cette variable qui semble jouer un rôle de médiation dans la relation entre la pratique des étapes de maintien et la satisfaction et le sens donné à la vie. Il est important de se questionner sur la nature même de cette variable et, à cet égard, on ne peut exclure la possibilité qu’elle soit un reflet de l’expérience de sobriété. En effet, la lecture des livres du mouvement indique que la sobriété incarnerait une manière de vivre caractérisée par la diminution d’une attitude égoïste au profit d’une plus grande humilité et d’une plus grande responsabilité envers les autres. L’état de sobriété impliquerait donc une restructuration de sa vie sans alcool et un affranchissement réel de l’obsession de boire. Vu sous cet angle, il est plus facile de comprendre pourquoi la pratique des étapes de maintien, qui constitue un moyen de réaliser cette restructuration de la relation au soi et aux autres, affecterait le BEP à travers sa relation à la sobriété. En effet, ces étapes sont, d’une certaine façon, un guide de vie pour maintenir une réflexion sur soi et sur la vie qui permet de vivre une sobriété et, conséquemment, un bien-être.
Cette étude présente plusieurs limites qu’il importe de souligner. L’étude est principalement de nature exploratoire tant au niveau des concepts qu’elle examine que dans la modélisation des relations qu’elle établit entre ces concepts. Le modèle relationnel entre les concepts d’engagement et de bien-être est construit à partir d’une théorie abondante, mais largement fragmentaire par rapport à la nature du rétablissement dans les AA et une connaissance quasi inexistante quant à la qualité de vie des membres AA. La construction et l’analyse du modèle de relation entre l’engagement et le bien-être ont été largement menées de façon empirique et a posteriori sur la base des données observées. Il importe donc d’interpréter ces résultats comme une description exploratoire d’une certaine réalité du mouvement plutôt que le test d’un modèle bien établi.
Il est également important de reconnaitre la nature exploratoire des mesures utilisées de l’engagement. Malgré les efforts de validation, les mesures d’engagement requièrent une validation qui confirme leur structure factorielle et une analyse plus élaborée de leur valeur discriminante pour assurer leur validité. Ces formes de validation sont d’autant plus nécessaires étant donné l’imbrication et le chevauchement de ces différentes formes d’engagement dans l’expérience quotidienne des membres. En effet, les facettes du mouvement ne semblent pas exister en vases clos tel qu’on les mesure dans les travaux scientifiques, mais plutôt comme un vécu intégré aux expériences variées.
Il faut également noter les limites que pose la nature même de l’échantillon au niveau de la validité externe de l’étude et au niveau de la généralisation des résultats. Ces résultats sont le reflet de l’expérience propre à des membres qui fréquentent le mouvement et qui sont abstinents depuis une longue période de temps. Les travaux de recherche rappellent que l’expérience des « old-timers » est unique et que la rémission est un processus qui évolue au fil du temps (Brown, 1985) avec des problématiques spécifiques et distinctes à chaque étape. L’expérience de bien-être et d’engagement qui est décrite dans cette recherche est uniquement celle de membres qui ont réussi leur expérience au sein du mouvement et qui ont réussi à arrêter de boire et à demeurer abstinents pendant longtemps. Plusieurs autres types de membres qui ont suivi une autre trajectoire sont exclus de l’étude, notamment ceux et celles qui ont quitté le mouvement, qui vivent des rechutes ou qui se rétablissent ailleurs. L’inclusion unique des membres « old-timers » dans cette étude indique l’importance de ne pas généraliser le portrait observé dans l’étude à d’autres membres du mouvement.
D’une façon générale, tout échantillon de convenance recueilli au sein du mouvement des AA peut être le produit d’un biais de sélection. En effet, l’attrition des membres dans le mouvement est souvent associée à la gravité des problèmes d’alcool. Selon Boscarino (1980), les membres de groupes AA qui ont le plus de problèmes avec l’alcool tendent à moins participer aux activités proposées par le mouvement AA, de moins accepter les croyances de base du mouvement et de s’affilier beaucoup moins longtemps aux AA. Par conséquent, la possibilité d’avoir obtenu un échantillon initialement moins hypothéqué demeure plausible.
Le débat sur l’efficacité des traitements en toxicomanie est toujours d’actualité et, malgré un bilan mitigé sur l’efficacité à long terme des diverses approches, il est possible d’identifier des ingrédients importants dans le processus de rémission. Selon Vaillant (2005), on retrouve dans les mécanismes d’action du mouvement des AA quatre facteurs jugés efficaces dans la prévention des rechutes : la supervision externe, la substitution de dépendance, le développement de nouvelles relations d’entraide et la spiritualité. Cette étude révèle que ces facteurs contribuent également à la qualité de vie des membres de longue date qui, au-delà de l’abstinence, les aident à être satisfaits et à donner un sens à leur vie. Ces résultats incitent à considérer ces formes d’entraide et de soutien qu’offrent les AA en tant que ressources complémentaires au traitement d’accompagnement à plus long terme pour les alcooliques abstinents.
La recherche du bonheur est un objectif ultime de toute société humaine. Dans les termes de William James, « how to gain, how to keep, how to recover happiness is in fact for most men at all time the secret motive of all they do ». Cette étude permet de conclure sur l’importance du programme AA et de la fraternité à faire de l’abstinence une expérience positive et à contribuer au bien-être psychologique des membres abstinents. Elle nous indique avant tout que l’engagement est effectivement un gage de bonheur qui se construit et se maintient probablement une journée à la fois.
Remerciements
Nous remercions l’organisation des Alcooliques Anonymes, son comité de coopération avec les professionnels, tous les membres et spécialement Francine G., André C. et Jacques L. pour leur support et leur généreuse contribution à cette recherche. Nous tenons aussi à remercier Dre Louise Nadeau pour ses suggestions constructives et pour son aide précieuse dans la réalisation de cette étude.
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