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ERIC GONDARD /

Eric Gondard, maître de conférences, Laboratoire d’Études Interdisciplinaires sur le Réel et les Imaginaires Sociaux, Université Paul-Valéry Montpellier 3

Correspondance
Eric Gondard
18, rue des Cinsaults
34090 Montpellier
France
Courriel : eric.gondard@univ-montp3.fr


Résumé

Dans le cadre de notre contemporanéité occidentale, usage de drogues et voyage sont deux pratiques sociales qui prennent un sens particulier et parfois conjoint. Il semble même que les deux puisent dans certaines valeurs communes et se retrouvent ainsi irrésistiblement liés, entretenant de réelles « affinités électives ». L’engouement actuel pour les techniques exotiques de néo-chamanisme nécessitant parfois l’ingestion de plantes psychotropes parle très clairement en ce sens. Nous pensons notamment à l’enthousiasme des Occidentaux pour les rituels d’ayahuasca depuis une vingtaine d’années. À partir du concept d’affinité élective, il est possible de complexifier notre regard sur ces deux aspects de nos sociétés et de dépasser une lecture monocausale et un déterminisme unilatéral. Drogues et voyages sont à la fois un pur produit de notre modernité, ils en révèlent donc le sens, mais aussi une démarche de dépassement, voire de refus de cette dernière. En ce sens, ces deux formes sociales peuvent être comprises comme des techniques de réenchantement du monde.

Mots-clés : ayahuasca, backpacker, désenchantement, réenchantement, modernité, rite de passage

Drugs and travel: a desire to re-enchant the world

Abstract

In contemporary Western society, drugs and travel are two social practices that take on a particular and sometimes joint meaning. It even seems that both draw on certain shared values and thus find themselves closely linked, maintaining real “elective affinities”. The current craze for exotic neo-shamanism techniques, sometimes involving the ingestion of psychotropic plants, is clearly in line with this. We are thinking of Westerners’ enthusiasm for Ayahuasca rituals over the past twenty years or so. Starting from the concept of elective affinity, it is possible to make our view of these two aspects of our societies more complex, and to go beyond a monocausal reading and unilateral determinism. Drugs and travel are both a pure product of our modernity, revealing its meaning, but also a way of overcoming it, or even rejecting it. In this sense, these two social forms can be understood as techniques for re-enchanting the world. 

Keywords: ayahuasca, backpacker, disenchantment, re-enchantment, modernity, rite of passage

Drogas y viaje : voluntad de encantar al mundo

Resumen

n el marco de nuestra contemporaneidad occidental, el consumo de drogas y los viajes son dos prácticas sociales que adquieren un significado particular y a veces conjunto. Parece incluso que los dos se basan en ciertos valores comunes y se encuentran así irresistiblemente vinculados, manteniendo verdaderas «afinidades electivas». El entusiasmo actual por las técnicas exóticas de neochamanismo que, a veces, requieren la ingestión de plantas psicotrópicas habla muy claramente en este sentido. Pensamos en particular en el entusiasmo de los occidentales por los rituales de ayahuasca desde hace unos veinte años. A partir del concepto de afinidad electiva, es posible hacer más compleja nuestra mirada sobre estos dos aspectos de nuestras sociedades y superar tanto una lectura monocausal como un determinismo unilateral. Drogas y viajes son a la vez producto puro de nuestra modernidad, por lo que revelan su sentido, pero también proceso de superación, incluso de rechazo de esta última. En este sentido, estas dos formas sociales pueden ser entendidas como técnicas de re-encantamiento del mundo.

Palabras clave: ayahuasca, backpacker, desencanto, modernidad, rito de iniciación


Introduction

Comment expliquer le rapprochement, presque intuitif, qui semble exister entre drogue et voyage ? Nous sommes en présence de deux formes sociales qui partagent des « affinités électives » au sens explicité par Michael Löwy (2004) à la suite de Max Weber (2002). Comme si, dans notre contemporanéité occidentale, les deux phénomènes se rencontraient pour mieux se renforcer et s’éclairer l’un l’autre. Voyage et drogue vont effectivement souvent de pair, qu’il s’agisse de l’errance ou l’itinérance de l’usager de substances psychoactives contemporain (Gondard, 2017) ou du voyage en quête de sens, voire même du voyage initiatique ou encore, dans la sémantique utilisée pour décrire le voyage intérieur ou trip que permet l’utilisation de certaines substances psychédéliques. 

Dans cet essai, nous nous focaliserons plus particulièrement sur les individus âgés de 20 à 30 ans. Ce choix méthodologique est à mettre en relation avec notre propre parcours et donc avec une part de subjectivité (mais assumée et, autant que faire se peut, maîtrisée). 

Depuis le début de notre formation en sociologie en 2004, nous avons eu en effet l’occasion de voyager à travers différentes destinations dans le monde et tout particulièrement en Amérique du Sud. D’abord en simple touriste, nous avons par la suite continué cette dynamique dans le cadre de notre master et de notre doctorat. En ce sens, la majeure partie de notre terrain de recherche s’est portée sur la clinique Takiwasi[1] au Pérou dans la ville de Tarapoto, ainsi que sur les techniques d’un ayahuasquero (guérisseur ayant recours à la potion ayahuasca[2]) installé à Puyo en Équateur et fondateur de la fondation SachaWarmi[3]. 

En plus de ce terrain, en tant que sociologue, nous fréquentons le monde associatif de la prise en charge des addictions en France depuis maintenant plus de 10 ans[4]. Nous nous rapprochons donc d’une méthodologie de la théorisation enracinée (grounded theory). Que ce soit pour les voyages ou pour la question des usages de drogues, notre observation et nos enquêtes nous ont amenés à nous orienter vers une population adolescente / jeune adulte qui se retrouverait assez bien dans la dénomination de backpacker (Demers, 2011). 

Incontestablement, voyages et drogues trouvent un écho particulier chez les jeunes adultes. Le backpaker est bien souvent un individu qui se situe dans un entre deux de sa vie sociale, un ensemble de lignes biographiques entre l’enfance et les futures éventuelles activités salariées. C’est aussi à cette période qu’apparaissent bien souvent les premières utilisations de toxiques.

Tout au long de nos différents voyages en Amérique du Sud, nous avons pu rencontrer et interviewer des dizaines de personnes tant de manière formelle qu’informelle. La majorité des entretiens réalisés au cours de nos différents voyages ont été effectués dans le cadre du centre de réhabilitation pour toxicomanes Takiwasi. Les entretiens formels étaient pensés soit selon la méthodologie des récits de vie, soit comme des entretiens semi-directifs. Ils ont été réalisés avec des patients locaux ou étrangers ou avec des Occidentaux en voyage en Amérique du Sud.

Dans cet article, nous cherchons à montrer une triple affinité élective entre voyage et usages de substances psychotropes. Si la première affinité que nous verrons est directement liée aux valeurs occidentales contemporaines, les trois sont tout de même à penser dans une continuation directe avec « l’esprit du temps ». Ainsi, notre deuxième affinité renverra plus particulièrement à la diminution des rites de passage aujourd’hui. La troisième, quant à elle, s’enracinera dans la question des imaginaires sociaux, notamment autour de la question sémantique du « voyage psychédélique ». 

Toutes actions sociales rationnelles s’enracinent dans un double mouvement, entre valeurs et positionnement individuels face à ces mêmes valeurs. Aussi, nous montrerons que les Occidentaux qui s’engagent dans cette démarche particulière, à la croisée entre drogues et voyages, répondent à une logique qui leur est propre et que nous pouvons penser à travers une modélisation « idéal-typique ». Nous développerons ce point à la fin de cet article, notamment en donnant des exemples tirés de différents entretiens que nous avons pu réaliser. Toutefois, parce qu’ils sont directement en lien avec la question des affinités et permettent d’en mieux saisir le sens, nous souhaitons d’ores et déjà présenter brièvement chacun de cesidéaux-types :

  • Le « mystique » est un individu à la recherche de spiritualité dans un univers sécularisé.
  • Dans un monde globalisé, l’« expérimentateur » est un individu qui connaît très bien les drogues et qui est en quête d’une nouvelle substance psychotrope.
  • Le « souffrant » est à la recherche d’une médecine qui pourrait a minima donner du sens à sa maladie ou, peut-être, même le guérir.

Mais, avant toute chose, nous pouvons penser une première affinité centrée autour des valeurs de la modernité occidentale où pratiques de drogues et voyages sont à la fois fruits et rejet de ces mêmes valeurs.

De quelques affinités électives entre pratiques de substances psychoactives et voyage

Comme annoncé en introduction, nous comprenons ce concept d’affinité élective à la suite de Max Weber, cité par Michael Löwy (2004) : « quand deux éléments sont liés par un «degré d’adéquation particulièrement élevé» et entrent en rapport d’affinité élective, ils s’adaptent ou s’assimilent réciproquement (aneindander anzugleichen trachten), jusqu’à ce que, «finalement, un développement d’une intime et inébranlable unité s’installe» ». 

Ce concept possède l’avantage d’éviter une interprétation en termes de monocausalité et un déterminisme unilatéral si peu adéquat dans le cadre des sciences sociales. Ainsi, drogue et voyage seraient comme deux amants qui s’attirent irrésistiblement, dont les âmes possèdent des affinités électives comme dans le roman de Goethe (2010).

Première affinité : entre valeurs modernes et contestation individuelle latente. La question du désenchantement / démagification et réenchantement du monde

Selon Max Weber (2002), la modernité occidentale est marquée par un élan d’intellectualisation et de rationalisation scientifique qui lui donne sa spécificité au sein de l’Histoire humaine. Ce mouvement entraîne dans son sillage un désenchantement du monde. Le concept originel, entzauberung der welt, trouve en français une double traduction particulièrement pertinente : désenchantement ou démagification. Double acception que nous retrouvons très clairement chez Raymond Aron (1976) qui a l’avantage de bien éclairer la différence que nous entendons entre ces deux traductions : « La science positive, expérimentale et mathématique a progressivement chassé le sacré de ce monde [démagification] et nous a laissés dans un univers utilisable, mais vide de sens [désenchantement]. » Car c’est bien à travers ces deux propositions que nous devons comprendre le concept originel ; les deux sont utiles à la compréhension des deux pratiques sociales.

Le désenchantement est en lien avec les désillusions du progrès. Ce dernier nous offre un monde utile, mais vide de sens où l’individu contemporain peine à s’épanouir quand il n’est pas clairement en souffrance psychique ou sociale, écrasé par un monde qui le dépasse. Seule la consommation, emplie d’un fétichisme pour des marchandises sans cesse renouvelées, semble éclairer d’une lumière blafarde l’horizon de l’individu contemporain. 

La démagification, de son côté, renvoie à l’idée que le cadre de référence privilégié des sociétés occidentales, c’est-à-dire la rationalité scientifique et ses débouchés techniques, s’est construit dans un processus de refoulement d’une acception magique de l’univers, de la vie et de la mort. Face à ce vide, nous pouvons d’ailleurs parler de vide existentiel (ou même ontologique ?), l’individu contemporain des sociétés occidentales cherche à redonner du sens avec des techniques plus ou moins conventionnelles, c’est-à-dire plus ou moins socialement légitimées, et selon une biographie qui lui est propre. Il s’agit d’autant de techniques de réenchantement du monde[5].

Ainsi, le réenchantement est, en grande partie, une démarche individualiste ou, au mieux communautaire, qui vise à se frayer un chemin dans le dédale des valeurs contemporaines avec pour objectif principal une quête de sens. Dès lors, les voyages et les pratiques de substances psychoactives (encore plus celles nécessitant de se confronter justement à des voyages ou à des cultures différentes) prennent tout leur sens pour des populations de jeunes adultes. L’âge d’or du mouvement psychédélique porté par les hippies des années 60 aux États-Unis parle clairement en ce sens (Monneyron et Xiberras, 2008). 

Regarder nos deux pratiques sociales avec ce prisme là c’est donc les considérer comme une promesse de (re)valorisation de son identité et plus largement d’une possible réappropriation de son univers. Il faut tout de même souligner une nuance d’importance : si le voyage est largement valorisé dans une hiérarchie des valeurs occidentales, c’est bien entendu moins le cas des pratiques de substances psychoactives, surtout quand ces dernières sont considérées comme illégales dans un contexte juridique donné.

Toutefois, les deux vont aussi dans le sens de certaines valeurs de la modernité occidentale, notamment dans leur rapport à la « sacro-sainte consommation ». Les phénomènes sociaux ne sont jamais tout noirs ou tout blancs. Aussi, si nous pouvons comprendre les usages de substances psychoactives comme une quête de sens (particulièrement dans les démarches adolescentes et avant que d’éventuelles problématiques d’addiction puissent apparaître) et une possible contestation face aux structures qui nous façonnent, elles sont aussi le fruit de ces dernières. Ainsi, lors d’un entretien dans un centre de prise en charge, un usager de drogues me disait : « On n’arrête pas de nous dire de consommer et le jour où quelqu’un s’y met vraiment on l’engueule ! » L’usager de drogue contemporain, comme d’ailleurs le backpacker, est un pur produit de son temps. Il s’agit dans les deux cas d’individus consommateurs, bien souvent individualistes et hédonistes qui recherchent l’instantanéité du présent et la liquidité de l’existence (Bauman, 2013).

Marc Augé (1992) parle ainsi de pulsion viatorique, un désir de voyage qui est le propre de l’être humain et qui, dans une dimension anthropologique, a toujours existé. Pourtant, pour cet auteur, la pulsion viatorique s’explique, ou plutôt se renforce, par l’expérience de l’urbanisation et de la modernité qui ont créé des « non-lieux » : des espaces de transit et de circulation qui n’ont pas de sens ou de fonction symbolique particulière. Pour le dire autrement, les espaces urbains contemporains et particulièrement la démesure des très grandes métropoles correspondent à des espaces non investis socialement et symboliquement par les individus. 

Ces non-lieux génèrent un mal-être, une potentielle angoisse existentielle et donc un désir d’ailleurs, de voyage, de découverte. Dans cette acception, la pulsion viatorique serait bien une réponse à la condition moderne dans une quête de sens individuelle. Nous retrouvons donc potentiellement, tant chez l’usager de substances psychotropes que chez le voyageur contemporain, une réponse individualiste face aux valeurs de la modernité occidentale. Nous pouvons d’ailleurs rapprocher cela de ce qu’Émile Durkheim appelait le « mal de l’infini » dans son étude sur le suicide (2014), c’est-à-dire la contrepartie tragique et le malaise individuel qui découle du progrès de la société industrielle qui n’offre pas de règle sociale capable de contenir l’insatiabilité des désirs humains.

Deuxième affinité : du problème de l’initiation dans les sociétés occidentales contemporaines

En même temps que nos sociétés se sécularisaient, les rites de passage ont eu tendance à s’affaiblir ou même disparaître. Dans ce même mouvement apparaissait l’adolescence, c’est-à-dire cette période qui s’étale toujours plus, entre dirons-nous en grossissant les traits, la puberté, la volonté de sortir du cadre familial classique et la vie active avec la création d’un foyer à son tour. C’est justement parce que notre société ne propose plus de rite de passage en lien avec une cosmogonie structurée et structurante que cette durée surgit. Là où, dans les sociétés dites traditionnelles, le rite de passage servait à donner sa future fonction sociale à l’individu en l’arrachant à son ancienne condition d’enfant, les sociétés actuelles proposent un temps d’initiation indéterminé en lien avec un système bureaucratique légal. 

Cet affaiblissement des rites de passage n’est pas sans conséquence. En effet, l’individu va bien souvent vouloir créer des rites qui lui sont propres ou qui prennent sens au sein de petites communautés (Le Breton, 2005). Là encore les expériences de substances psychotropes ou les voyages sac sur le dos à travers des pays inconnus prennent tout leur sens ! Et que dire alors des expériences qui cumulent les deux ?

À ce propos il est intéressant de noter que ces rites de passage sont potentiellement non reconnus par le système de valeurs dominantes. Aussi, à la suite de l’anthropologue Roger Bastide qui aborde la question d’un sacré sauvage et d’un sacré domestique, nous pourrions à notre tour parler de rites de passage sauvages et domestiques. 

Mais enfin n’assiste-t-on pas aujourd’hui à une nouvelle recherche passionnée du sacré chez les jeunes – comme si nos contemporains, après une assez longue période de développement de l’athéisme, ou seulement d’abandon à l’indifférence, se rendaient de nouveau compte de l’existence en eux d’un vide spirituel à combler, et constataient à partir de ce sentiment de vide qu’une personnalité qui ne s’enracinerait pas dans une sorte d’enthousiasme sacré ne serait en définitive qu’une personnalité châtrée de ce qui constitue une dimension anthropologique universelle et constante pour tout homme vivant, la dimension religieuse ? Seulement, ce sacré que l’on voit à nouveau réapparaître dans la culture et dans la société d’aujourd’hui se veut un sacré sauvage. (Bastide, 1997) 

Le sacré domestique est institué et partagé par l’ensemble de la société alors que le sacré sauvage est socialement instituant et moins fortement partagé. Nous avançons donc que cette configuration du sacré convient parfaitement pour éclairer nos phénomènes adolescents et/ou jeunes adultes. La dénomination de rite de passage sauvage nous semble plus pertinente que celle, proposée parfois dans la prise en charge médico-sociale, de rites de passage transgressifs[6]. 

En effet, d’un point de vue sémantique, et quand on connaît la généalogie du concept explicitée ci-dessus, l’idée de sauvage fonctionne très bien avec la question de la sécularisation de nos sociétés. De plus, l’idée de décrire ces phénomènes en évitant la question de la transgression, et donc du légal, permet d’éviter une stigmatisation supplémentaire dont souffre très largement cette population par ailleurs.

Enfin, si nous voulons compléter ce trop rapide tour d’horizon de la question de l’initiation dans les sociétés occidentales, nous sommes bien obligés d’admettre qu’il n’existe pas d’initiation autour des usages psychotropes alors que l’économie de marché donne toujours plus l’occasion de s’en procurer une diversité difficilement imaginable. 

Restent les usages d’alcool au sein de fêtes votives, patronales, kermesses ou autres carnavals, qui sont bien souvent pour les jeunes Français l’occasion de connaître leur première expérience avec l’alcool, sous l’œil plus ou moins attentif des plus âgés. Toutefois, ces expériences largement instituées ne permettent pas l’expérience d’une socialisation secondaire différenciée, en dehors du réseau familial. Le voyage est par contre la possibilité d’expériences de ce genre que ce soit autour des drogues ou autres, d’ailleurs.

Troisième affinité : voyages, substances psychotropes, imaginaires et sémantique

Pour éclairer cette troisième affinité, nous pouvons aborder la question des imaginaires telle que présentée par G. Auclair dans son article : Le double imaginaire de la modernité dans la vie quotidienne (1981). 

Pour cet auteur, deux imaginaires sont à l’origine de la manière dont les individus vivent, appréhendent et rêvent leur vie quotidienne dans la modernité occidentale : le faustien et le franciscain. Ils expriment en leur creux et de multiples façons, bien que particulièrement à travers le langage, les manières dont l’Homme moderne cherche à maîtriser la nature. 

L’imaginaire faustien correspond à l’imaginaire technique de domination de la nature, il est donc particulièrement présent dans la modernité occidentale. De manière antagoniste se réalise l’imaginaire franciscain qui prône plutôt un retour ou même une symbiose avec la nature. Pour les présenter, l’auteur va avoir recours à un exemple particulièrement précieux en ce qui concerne notre sujet. 

En effet, pour Auclair (1981) le lien entre ces deux imaginaires ne se manifeste nulle part peut-être aussi nettement que chez les adeptes de la drogue :

[…] Le faustien : ils veulent agir par des herbes et des plantes, mais aussi par des produits chimiques, sur l’esprit et forcer sa nature ; ils lui font violence pour obtenir hic et nunc – et c’est là que se retrouve le franciscain – de vivre dans un paradis où s’épanouiraient librement les vertus, à l’ordinaire bridées ou censurées, d’une imagination toute de douceur et d’harmonie : les hallucinations produites artificiellement, avec une efficacité qui s’apparente à la brutalité de la domination de l’homme sur la nature, ne sont recherchées que pour fuir les contraintes, vécues comme intolérables, propres à notre société productiviste, et échapper à l’anxiété qu’elles engendrent. (p. 193)

Aussi, il existe derrière la prise de substances psychotropes une réelle motivation de s’extirper des contraintes de la société moderne tout en prônant une certaine maîtrise et alliance avec la nature. Force est de constater que cette citation de Georges Auclair garde aussi tout son sens pour parler du touriste qui s’arrache à sa condition moderne par le moyen d’avions, toujours de plus en plus puissants, en direction d’une hypothétique « nature-sauvage-des origines » et qui, une fois arrivée à sa destination entreprendra un autre voyage, psychédélique cette fois.

Comme nous l’avons vu les imaginaires sont particulièrement perceptibles à travers le langage. Or, il se trouve qu’en français, des expressions comme « faire un trip » ou « bad trip » renvoient très explicitement à la question du voyage, particulièrement avec les substances hallucinogènes. Nous pouvons aussi retrouver l’expression, qui s’est généralisée, avec d’autres types de substances. 

Dès lors, la question à se poser est : pourquoi parler de voyage ? Il s’agit très clairement de ce temps entre deux, en dehors de la réalité quotidienne, un moment « extra-ordinaire » au sens littéral du terme. Comme durant un voyage où nous pouvons sortir de nos responsabilités quotidiennes, n’étant ni dans celles du départ et pas encore dans celles d’arrivée. Il s’agit clairement d’une position que nous pourrions qualifier de touristique. Quelqu’un de passage qui va chercher du merveilleux ou, pour le moins, des aspects différents de sa réalité ordinaire. Tout comme Simmel dans sa réflexion sur l’étranger (qui est dans une relation objective à l’espace et à la culture d’accueil), nous pourrions dire que le touriste n’est que de passage et qu’il n’entretient pas de réelle objectivation de ses rapports tant à l’espace qu’aux individus de la culture qu’il traverse. 

Cette distinction entre l’étranger et le touriste peut être transposée à la question des pratiques de substances psychotropes. Notamment entre l’usager hédoniste qui se promène dans cette « réalité non-ordinaire » et les praticiens aguerris qui tentent, entre autres, de cartographier ces voyages, ce qui demande clairement le support d’une cosmogonie et une légitimité forte de la pratique. Car tous les individus qui décident volontairement d’entreprendre un voyage psychédélique n’y vont pas avec les mêmes intentions. À l’inverse de la pratique occidentale, de nombreux témoignages d’ethnologues[7] attestent que les ayahuasqueros amazoniens, par exemple, ont une véritable cartographie du monde spirituel et que l’ayahuasca peut être perçue comme un moyen et un véhicule pour s’y rendre.

Ainsi, dans les approches traditionnelles, quand les Indiens prennent la potion, il y a une volonté d’explorer et de rentrer en contact avec le monde spirituel à des fins divinatoires (chasse, rite de passage, divination, médecine, etc.). De ce que nous avons pu observer lors de nos différents terrains, quand la grande majorité des Occidentaux prennent de l’ayahuasca il s’agit en réalité d’explorer son monde intérieur, comme si, par avance la possibilité de l’existence d’un monde spirituel était niée et/ou que le seul monde digne d’être exploré était le sien. Ceci correspond d’ailleurs très bien à l’individualisme contemporain qui caractérise, entre autres, nos sociétés occidentales. 

De plus, dans une logique médicale, les Occidentaux sont arrivés auprès des curanderos (guérisseurs) avec la pensée plutôt intuitive pour eux qu’ils devaient prendre la potion pour se soigner ; alors que dans le monde amazonien, et dans la grande majorité des cas, seul le guérisseur ingère l’ayahuasca. Il entre en contact avec les esprits d’où il tire une connaissance ou un acte en vue de la guérison du patient. 

L’exemple des voyages d’Occidentaux à la recherche de l’ayahuasca

Si nous avons approché le contexte de société qui peut pousser de jeunes (ou moins jeunes aussi il est vrai) Occidentaux à entreprendre des voyages à l’autre bout du monde ou à tenter l’expérience des substances psychotropes, nous pouvons maintenant essayer de réfléchir au sens que ces actions peuvent avoir pour ces individus. Par là même, nous pourrons aussi envisager un lien de causalités multiples entre drogue et voyage. 

Pour répondre à cette double interrogation, et comme annoncé en introduction, nous appuierons notre réflexion sur l’engouement actuel autour des pratiques d’ayahuasca pour un nombre croissant d’Occidentaux depuis une vingtaine d’années.

Force est de constater qu’un tourisme chamanique s’est largement développé en Amazonie autour de la pratique de l’ayahuasca. Mais ce mouvement n’est pas isolé et n’est pas sans rappeler non plus les usages de peyotl ou champignons en Amérique centrale (dans la lignée d’un Castaneda par exemple) ou les voyages en Inde à la grande époque des hippies. 

Aujourd’hui, il est possible en se baladant dans les pays amazoniens de trouver des agences de voyages spécialisées dans des excursions chamaniques où pour quelques centaines de dollars il est possible d’aller « danser avec les esprits » à la rencontre de « vrais chamanes ». Ces agences de voyages pullulent par exemple dans une ville fortement touristique comme Cuzco, pourtant en plein milieu des Andes et donc bien éloignée de la zone traditionnelle d’utilisation de l’ayahuasca. 

Dans ce cadre, pas de préparation nécessaire si ce n’est d’avoir des dollars avec soi… Pas de prise en charge non plus en « post-expérience » pour débreffer des expériences qui peuvent parfois être extrêmement fortes et/ ou traumatisantes pour des gens peu habitués ou aguerris. Il est aussi possible, à partir de quelques clics sur Internet, d’organiser son voyage depuis son canapé avec prise en charge totale depuis l’aéroport de Lima, par contre il faudra cette fois compter des milliers de dollars. 

De même, il existe de nombreux sites relatant des expériences d’ayahuasca parfois heureuses, parfois plus difficiles, mais presque toujours très romancées et esthétisées à l’excès. L’offre existe, c’est indéniable, et nous comprenons que Jean-Loup Amselle dans son ouvrage Psychotropiques (2013) en arrive à parler d’une « filière du chamanisme amazonien ». Pour autant, cela n’explique pas nécessairement qu’un Occidental lambda saute sur l’occasion. Dans sa thèse de doctorat, Nadège Chabloz (2011) propose une construction idéale typique des Occidentaux entreprenant le voyage vers des expériences chamaniques. Elle relève trois explications causales non excluantes les unes des autres, trois idéaux-types. À titre d’exemple nous proposerons pour chaque catégorie des passages d’entretiens réalisés durant nos différents voyages :

Les mystiques

Ce sont des individus qui recherchent clairement une dimension spirituelle qui leur fait défaut dans leur vie quotidienne. Dans un élan très proche du nouvel âge, ils pensent trouver dans les expériences du type ayahuasca une révélation proprement mystique. Aux yeux d’un sociologue, leur démarche a ceci de touchant qu’elle se rapproche d’une lecture très durkheimienne du phénomène religieux : ces derniers pensent se rapprocher d’une sorte de « religion des origines » qui serait commune à toute l’humanité. Insatisfaits par l’offre spirituelle instituée et domestiquée des sociétés occidentales, ces baroudeurs se tournent vers l’exotisme des sociétés dites traditionnelles dans une démarche très proche des voyages aux Indes des années 60 et 70 du siècle dernier. Il existe aussi dans cet idéal typique une dimension de souffrance puisque cette quête est aussi tentative de combler un vide existentiel que leur quotidien ne sait appréhender. Nous retrouvons ici le dualisme entre sacré sauvage et sacré domestique explicité plus haut autour de la question des rites de passage.

Petit on m’a bien un peu emmené à l’église, mais je n’ai jamais cherché à aller plus loin… Alors là, c’est vrai qu’avec l’ayahuasca ben cela devient très difficile de ne pas penser à un monde spirituel qui existe. En fait, tu en fais l’expérience, au moins avec les esprits[8].

Moi j’ai toujours été croyant et le fait qu’ils proposent des messes pour les patients [dans la clinique Takiwasi], c’est une bonne chose, après chacun fait ce qu’il veut. Et pour répondre à ta question non les sessions [d’ayahuasca] cela ne me dérange pas, tout cela c’est un peu la même chose. Bon t’es pas en train de parler avec Dieu, mais il y a quelque chose[9].

Les expérimentateurs

Ils recherchent une expérience psychédélique, celle-ci ou une autre. Ce sont des gens qui ont souvent eu recours aux substances psychotropes et qui en recherchent une nouvelle. Ils sont très informés et on longtemps compulsé Internet et les différents témoignages qui y pullulent pour se renseigner sur les différentes possibilités de prises. Là encore il y a derrière cette démarche la volonté de combler un vide plus ou moins présent dans leur vie quotidienne. Littéralement ces individus cherchent un « trip ».

L’aya, je connaissais pas, mais j’ai déjà testé tellement de prodes [produits] en teufs ou ailleurs que j’avais vraiment envie de tester. En fait, en venant, enfin avant de partir je savais déjà que je voulais essayer. On [avec sa copine] a aussi testé le san Pedro en Équateur, avec un chamane on est resté 15 jours chez lui dans la forêt[10].

Les souffrants

Ils ont des problèmes psychologiques parfois lourds ou encore, une maladie incurable ou non reconnue par la médecine positiviste et classique. Aussi, dans une volonté d’échapper à une « gouvernance des corps » au sein d’une biopolitique propre à l’Occident (Foucault, 1976), ces acteurs se tournent vers des alternatives propres à d’autres contextes historiques et sociaux. C’est d’ailleurs cette catégorie qui est l’explication la plus fréquente dans les discours des individus. Aussi, cela est certainement à mettre en relation avec le réductionnisme thérapeutique à l’œuvre actuellement dans le chamanisme amazonien et particulièrement urbain[11].

Le truc c’est qu’avant de venir ici [àTakiwasi] j’ai pris la plante avec un gars et ça s’est pas bien passé. Alors j’ai entendu parler de Takiwasi et j’espère qu’ils pourront me soigner. Franchement j’ai fait deux sessions depuis que je suis là et c’est vraiment la merde[12].

En fait j’ai des règles douloureuses depuis que je suis ado et personne n’a jamais rien pu faire. Du coup je me suis dit pourquoi pas, j’ai déjà essayé tellement de choses. Et puis mon copain voulait venir depuis longtemps, du coup c’était l’occase[13].

Comme nous le soulignions dans l’introduction, ce modèle idéal-typique est à mettre en relation avec les valeurs de nos sociétés, leur sécularisation, ainsi qu’avec la tentative d’une quête de réenchantement du monde. À la catégorie du mystique correspond particulièrement la problématique de la démagification du monde telle que nous l’avons abordée ci-dessus, tandis que cellle de l’expérimentateur correspond à son tour très bien à la question du désenchantement. Enfin, le souffrant se retrouve potentiellement à la croisée des deux, notamment quand sa souffrance se trouve être plus particulièrement d’origine sociale.

La lecture qui est faite par A. Ehrenberg[14] de notre contemporanéité correspond bien à ce que nous essayons d’exprimer ici. En effet, si la souffrance psychique de nombre de nos contemporains est bien réelle, son explication est de plus en plus à chercher dans le monde social lui-même. 

Ainsi, la montée de l’individualisme, le culte de la performance, l’idéologie de la concurrence, l’obligation à l’utilité sociale, l’injonction à l’autonomie ou à la responsabilité et la sécularisation de notre temps créent une impossibilité à être qui touche potentiellement chacun d’entre nous. Ces valeurs sont une explication centrale pour comprendre le malaise de l’esprit du temps : « À l’implosion dépressive répond l’explosion addictive, au manque de sensation du déprimé répond la recherche de sensations du drogué » (Ehrenberg, 1998). 

Et, pour notre part, nous pouvons aussi rajouter cette quête du voyage ou tout simplement de l’ailleurs. Partir, c’est aussi laisser derrière soi ce qui encombre, ce qui dérange ou gêne, dans une forme d’échappatoire social, prémices potentielles d’une auto-exclusion au sens où le psychiatre Jean Furtos l’entend (Furtos, 2009).

Enfin, et en guise de conclusion, nous sommes amenés à penser un rapport aux valeurs au sens wébérien du terme. En effet, nous avons été ce même backpacker dont nous évoquons certains aspects dans cet essai. De même nous avons été amenés à expérimenter l’ayahuasca à de nombreuses reprises. Cela soulève un double problème épistémologique :

  1. Le problème de l’objectivité dans toute démarche scientifique et particulièrement dans les sciences de l’esprit. Ainsi, si nous sommes le produit de notre temps, si nous sommes nécessairement emportés dans « l’esprit du temps », il est toutefois possible de remettre en question notre propre rapport aux valeurs. C’est ce que nous cherchons à faire ici dans une perspective compréhensive évitant, autant que faire se peut, les jugements de valeur et assumant une démarche axiologique où le chercheur (Max Weber aurait parlé de savant) peut appréhender les actions sociales de ses contemporains dans un double mouvement : à la fois empathique et rationnel. 
  2. Le problème de l’initiation à des pratiques néo-chamaniques, de surcroît si celles-ci impliquent l’ingestion d’un hallucinogène classé au tableau des stupéfiants dans la société d’origine du chercheur[15]. Partant du principe que la potion est autorisée dans la culture d’accueil, il devient légal de la consommer, mais cela a-t-il du sens pour autant ?

L’anthropologue Deshayes (2000) apporte des éléments de réponse vis-à-vis de ce double problème : 

Il est vrai que lorsque l’on essaye d’aborder cet aspect de la connaissance que sont les aspects cognitifs d’une société, en particulier sur tout ce que l’on appelle l’au-delà, la recherche est encore plus délicate. Et je ne crois pas qu’il suffise, comme le prétendent certains chercheurs, de refuser l’initiation aux pratiques chamanistiques, pour bénéficier d’une certaine objectivité. Entre l’objectivisme distancié et le subjectivisme total, la question de la connaissance se pose. Serons-nous tiraillés éternellement par ces deux approches ? 

Somme toute, le voyageur comme l’usager de substances psychotropes, et a fortiori l’individu qui cumule ces deux aspects de la vie, se retrouvent dans une position ambiguë : pendant la durée de leur pratique, ils disparaissent des rapports sociaux ordinaires pour se tourner à la fois vers quelque chose de plus grand et de plus intime. Ils explorent de nouveaux horizons au-delà des illusions de la modernité, de la banalité et de la potentielle souffrance du quotidien. Voyages et drogues correspondent à une pulsion viatorique, un désir de voyage et d’errance inhérent à l’être humain. Une forme sociale duelle et réunie par des affinités électives qui, dans le contexte de la modernité occidentale, prend des contenus très particuliers. 

L’approche via les affinités électives permet enfin de très bien saisir l’engouement actuel des Occidentaux pour les prises de psychédéliques dans le cadre d’un néo-chamanisme, mais aussi l’errance psychédélique des nomades du vide comme les nomme Chobeaux (1996), ou encore le mouvement hippie des années 60. 

Ces trois mouvements sont emblématiques de ce rapport entre drogue et voyage et se construisent tous dans un refus des valeurs de la modernité occidentale, en même temps qu’ils en sont le produit. Drogues, voyages et modernité forment ainsi un triptyque significatif de notre époque. 


Notes

[1] ^https://takiwasi.com/indexfr.php Takiwasi est une clinique de prise en charge des individus en situation d’addiction. Elle peut accueillir une vingtaine de patients à l’année, aussi bien locaux qu’occidentaux, avec un public majeur, mais relativement jeune, et uniquement masculin. Takiwasi propose aussi des retraites/diètes inspirées de la médecine traditionnelle amazonienne et ouvertes à tous.

[2] ^L’ayahuasca est une liane (Banisteriopsis caapi, classe naturelle des ß-carbolines), le terme renvoie aussi à un breuvage dans lequel la décoction concentrée de cette plante est mélangée avec celle d’une autre plante, en général la chacruna (psychotria viridis). Cette potion est purgative et, selon l’acception que l’on voudra retenir, puissamment hallucinogène, visionnaire ou même enthéogène.

[3] ^https://sachawarmi.org/es/inicio/

[4] ^En France, les deux principales structures sont le CAARUD (Centre d’Accueil et d’Accompagnement à la Réduction des risques des Usagers de drogues) qui est l’accueil de première ligne avec une forte dimension sociale et le CSAPA (Centre de Soin, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie) avec des prérogatives plus centrées autour de la question sanitaire.

[5] ^Nous aborderons plus tard la question, encore différente bien que liée, d’un processus de désacralisation à l’œuvre dans les sociétés occidentales contemporaines. Notamment quand nous aborderons lors de la présentation de la troisième affinité, la différence entre un sacré sauvage et un sacré domestique. Toutefois, nous considérons que ces phénomènes de sécularisation et de transformation du sacré sont avant tout une conséquence du processus plus vaste de démagification révélé par Max Weber.

[6] ^C’est ainsi que l’ancien directeur d’un CSAPA (Jean-Marie Ferrari à « Arc-en-Ciel », Montpellier, France) nous avait présenté ces passages à l’acte adolescents autour des substances psychotropes lors d’un entretien.

[7] ^À ce propos voir : Chaumeil, J-P. (1983). Voir, savoir, pouvoir. Georg éditeur.

[8] ^A est un homme suisse de 24 ans présent dans la clinique Takiwasi pour une double addiction : héroïne et jeux-vidéos.

[9] ^B est un homme péruvien de 32 ans, après avoir été arrêté par la police pour possession de marijuana, il a préféré réaliser un séjour au à Takiwasi. Les traductions sont de l’auteur.

[10] ^C est un homme français de 24 ans, polyconsommateur qui dit ne pas avoir de problème avec la drogue.

[11] ^Rappelons que le terme chamanisme n’est pas du tout endémique à l’Amérique du Sud, qu’il a été popularisé par les ethnologues et les touristes, et que ce dernier comportait une dimension sociale au sein des tribus bien plus large que son évolution contemporaine. À ce propos, voir Les praticiens du rêve de M. Perrin (2011).

[12] ^D est un homme français de 25 ans, il a essayé l’ayahuasca sans savoir à quoi s’attendre et est persuadé d’avoir été ensorcelé. Depuis, il a essayé de prendre avec un autre « chamane » et maintenant à Takiwasi pour tenter de « guérir ».

[13] ^E est une femme française de 21 ans qui n’a jamais essayé d’autres substances que l’alcool.

[14] ^Nous nous référons particulièrement à sa trilogie Le culte de la performance (1991), L’individu incertain (1995) et La fatigue d’être soi (1998).

[15] ^L’ayahuasca a été classée comme patrimoine culturel au Pérou en 2008, alors qu’en France elle est classée au tableau des stupéfiants depuis 2004.


Références

Amselle, J-L. (2013). Psychotropiques. Albin Michel.

Aron, R. (1976). Les étapes de la pensée sociologique. Gallimard.

Auclair, G. (1981). Le double imaginaire de la modernité dans la vie quotidienne. L’Homme et la société. N. 59-62. https://doi.org/10.3406/homso.1981.3173

Augé, M. (1992). Non-lieux : Introduction à une anthropologie de la surmodernité. Seuil.

Bauman, Z. (2013). La vie liquide. Fayard.

Bastide, R. (1997). Le sacré sauvage. Stock.

Chabloz, N. (2011). Voyages salvateurs. Thèse de doctorat. EHESS.

Chaumeil, J-P. (1983). Voir, savoir, pouvoir. Georg éditeur.

Chobeaux, F. (1996). Les nomades du vide. La Découverte.

Demers, J-C. (2011). Pour une typologie de l’expérience backpacker. Papeles del CEIC. 2011/1. # 68.

Deshayes, P. (2000). Les mots, les images et leur maladie. Chez les Indiens Huini Kuin de l’Amazonie. Éditions Loris Talmart.

Durkheim, E. (2014). Le suicide. Flammarion

Ehrenberg, A. (1998). La fatigue d’être soi. Odile Jacob.

Foucault, M. (1976). La volonté de savoir. Gallimard.

Furtos, J. (2009). De la précarité à l’auto-exclusion. Éditions Rue d’Ulm.

Gondard, E. (2017). La temporalité toxicomane : du discours à l’identité sociale. Sociétés. 138.
https://doi.org/10.3917/soc.138.0041

Goethe, J. W. (2010). Les affinités électives. Gallimard.

Le Breton, D. (2005). Rites personnels de passage. Jeunes générations et sens de la vie. Hermès, La Revue. 43. https://doi.org/10.4267/2042/23995

Löwy, M. (2004). Le concept d’affinité élective chez Max Weber. Archives de sciences sociales des religions. 127 | juillet – septembre 2004. https://doi.org/10.4000/assr.1055

Monneyron, F. et Xiberras, M. (2008). Le monde hippie. Imago.

Perrin, M. (2011). Les praticiens du rêve. PUF.

Simmel, G. (1999). Sociologie. Études sur les formes de la socialisation. PUF.

Weber, M. (2002). Le savant et le politique. Éditions 10/18.

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