SARAH EL GUENDI /
Sarah El Guendi, Ph. D, chercheuse en criminologie et professeure associée, Faculté de Droit, de Science politique et de Criminologie – Département de criminologie, Université de Liège
Correspondance
Sarah El Guendi
Université de Liège
Faculté de Droit, de Science politique et de Criminologie
Département de criminologie
Quartier Agora, Place des Orateurs 1, Bâtiment B33, Boîte 8
4000 Liège (Sart-Tilman), Belgique
Courriel : Sarah.elguendi@uliege.be
Téléphone : +32 483 50 17 57
Résumé
Cet article tente de comprendre les dynamiques de genre qui influencent l’accès aux soins et aux services de réduction des risques chez les femmes consommatrices de substances en quête de traitement en Belgique. Alors que les recherches antérieures tendent à se centrer sur les expériences masculines ou à adopter des approches standardisées, cette recherche propose une lecture située en mobilisant la théorisation ancrée comme cadre méthodologique. L’objectif est de mettre en lumière les expériences subjectives des femmes, leurs représentations de leur consommation, ainsi que les freins spécifiques auxquels elles sont confrontées dans leur parcours d’accès aux services de santé et de réduction des risques.
L’article repose sur une enquête qualitative menée auprès de quinze femmes, âgées de 19 à 55 ans, recrutées dans trois villes belges (Liège, Charleroi et Bruxelles). Les données ont été recueillies à partir d’entretiens semi-structurés, puis analysées à l’aide de la méthode par théorisation ancrée.
Les résultats révèlent d’une part la diversité des rapports que ces femmes entretiennent à leur consommation, marqués par des enjeux identitaires, et d’autre part les significations qu’elles attribuent aux obstacles rencontrés dans les services : jugements moraux, attentes genrées, expériences de rejet. L’analyse met en évidence la convergence de plusieurs problématiques intersectionnelles qui renforcent la stigmatisation et complexifient l’accès des femmes aux services de réduction des risques.
En conclusion, la présente contribution souligne l’importance de repenser les politiques et les pratiques d’intervention en tenant compte des trajectoires spécifiques des femmes et de l’imbrication de facteurs de vulnérabilité (précarité, troubles psychiques, errance, appartenance minoritaire ou origine ethnique) qui renforce les inégalités d’accès.
Mots-clés : genre, addiction, accès aux soins, stigmatisation, violences
Addiction and Access to Care : A Qualitative Study Among Women Who Use Substances
Abstract
This article looks at how gender affects access to healthcare and harm reduction services for women who use drugs and are seeking treatment in Belgium. Unlike many earlier studies, which tend to focus on men’s experiences or rely on standard approaches, this research takes a more grounded and context-based perspective. Using grounded theory, the aim is to better understand how women experience addiction, how they make sense of it, and what specific barriers they face when trying to access appropriate support.
The article is based on qualitative research involving fifteen women aged between 19 and 55, interviewed in three Belgian cities: Liège, Charleroi, and Brussels. Data were collected through semi-structured interviews and analysed using an approach inspired by grounded theory.
The results reveal, on the one hand, the diversity of these women’s relationships with their consumption, marked by identity issues, and, on the other hand, the meanings they attribute to the obstacles they encounter in services: moral judgements, gendered expectations, experiences of rejection. The analysis highlights the convergence of several intersectional issues that reinforce stigma and complicate women’s access to harm reduction services.
In conclusion, this paper highlights the need to rethink policies and practices by considering women’s specific paths and the overlapping vulnerabilities (poverty, mental health problems, homelessness, minority status, or ethnic background) that make access more unequal.
Keywords: gender, addiction, access to care, stigma, violence
Adicción y acceso a la atención sanitaria : una encuesta cualitativa entre mujeres consumidoras de sustancias
Resumen
En este artículo se trata de comprender las dinámicas de género que influyen en el acceso a la atención sanitaria y a los servicios de reducción de riesgos entre las mujeres consumidoras de sustancias que buscan tratamiento en Bélgica. Mientras que las investigaciones anteriores tienden a centrarse en las experiencias masculinas o a adoptar enfoques estandarizados, esta investigación propone una lectura que utiliza la teorización anclada como marco metodológico. El objetivo es poner de relieve las experiencias subjetivas de las mujeres, las representaciones que tienen de su propio consumo, así como los obstáculos específicos que deben enfrentar en su camino hacia el acceso a los servicios de salud y de reducción de riesgos.
El artículo se basa en una encuesta cualitativa realizada con quince mujeres, de entre 19 y 55 años, reclutadas en tres ciudades belgas (Lieja, Charleroi y Bruselas). Los datos se recopilaron a partir de entrevistas semiestructuradas y se analizaron utilizando el método de teorización anclada.
Los resultados revelan, por un lado, la diversidad de las relaciones que estas mujeres mantienen con su consumo, marcadas por cuestiones de identidad, y por el otro los significados que atribuyen a los obstáculos que encuentran en los servicios : juicios morales, expectativas de género, experiencias de rechazo. El análisis pone de relieve la convergencia de varias problemáticas interseccionales que refuerzan la estigmatización y complican el acceso de las mujeres a los servicios de reducción de riesgos.
En conclusión, la presente contribución subraya la importancia de replantearse las políticas y prácticas de intervención teniendo en cuenta las trayectorias específicas de las mujeres y la imbricación de factores de vulnerabilidad (precariedad, trastornos psíquicos, vagabundeo, pertenencia a una minoría u origen étnico) que refuerzan las desigualdades de acceso.
Palabras clave: género, adicción, acceso a la atención sanitaria, estigmatización, violencia
Introduction
L’intégration des rapports de genre dans l’analyse des usages de drogues reste tardive et partielle. Ce n’est qu’à la fin des années 1970, avec l’intervention de femmes ethnographes telles que Patricia Morningstar ou Jennifer James, que le champ académique commence à développer des études sur les femmes consommatrices de substances (Page et Singer, 2010). Longtemps, les effets différenciés du genre sur les pratiques de consommation et sur les réponses sociales qui leur sont associées ont été relégués au second plan. Or, les recherches montrent que les trajectoires de consommation, les contextes d’usage ainsi que les vulnérabilités associées, notamment en matière de besoins, varient sensiblement selon le genre (Bertrand et Nadeau, 2006 ; Neff, 2018).
Malgré cela, les enquêtes empiriques continuent, dans leur grande majorité, à traiter le genre comme une donnée secondaire, voire à l’ignorer, alors que, selon la sociologue française Laure Bereni, le genre est une construction sociale qui hiérarchise les individus selon des représentations liées aux sexes, instaurant à la fois un rapport de pouvoir et une dimension identitaire (Bereni et al., 2020). Le négliger ou le réduire à une simple donnée compromet la compréhension des phénomènes sociaux en neutralisant leur dimension ancrée dans ces rapports de pouvoir et d’identité (Bereni et al., 2020 ; Cardi et Pruvost, 2015).
Représentations sociales et usages de substances psychoactives : une construction genrée de la déviance
Les représentations sociales de l’usage de substances psychoactives ne reflètent pas seulement les pratiques, elles produisent aussi des catégories de perception, de jugement et d’intervention. Construites dans des rapports sociaux marqués par les normes de genre traversant politiques, discours médicaux et savoirs scientifiques (Bergeron, 2010), elles orientent la compréhension des consommations et leurs modalités de prise en charge.
Les données disponibles montrent que les femmes demeurent sous-représentées dans les dispositifs de réduction des risques, où elles ne représentent qu’environ 20 à 30 % des usagers à l’échelle européenne (Greenfield et al., 2010 ; Kalema et al., 2017 ; Perrin, 2023). En Belgique, l’enquête Gender-Sensitive Treatment and Prevention Services for Alcohol and Drug Users (GEN-STAR) souligne la faiblesse structurelle de l’offre : seul un service sur dix propose une initiative explicitement sensible au genre (Schamp et al., 2021). Selon Sciensano, l’institut scientifique fédéral de santé publique en Belgique, les femmes représentent 30 % des personnes en traitement, avec des disparités régionales (23 % à Bruxelles et 34 % en Wallonie) (Sciensano, 2023a). Elles sont davantage présentes dans les hôpitaux (35 %) que dans les structures résidentielles hors milieu hospitalier (19 %), ce qui traduit des inégalités d’accès et l’influence des représentations sociales sur les parcours de soin (Sciensano, 2023a).
Les différences apparaissent aussi selon les substances. Au niveau européen, les femmes sont proportionnellement plus nombreuses dans les traitements liés aux sédatifs et hypnotiques (32 %) que dans ceux liés aux opioïdes (20 %) ou au cannabis (14 %) (Montanari et al., 2011). En Belgique, les données confirment cette tendance avec 50,4 % de femmes parmi les personnes entrant en traitement dont la substance principale est un hypnotique ou un sédatif, et environ 32 % pour l’alcool, des proportions nettement supérieures à celles observées pour les opioïdes et le cannabis (18 à 20 %) (Schamp et al., 2018).
Les données belges issues de l’Enquête de santé 2023 montrent également des différences selon le sexe et des évolutions temporelles. Les femmes présentent des profils de consommation et de recours aux soins distincts de ceux des hommes ; elles sont proportionnellement moins nombreuses à déclarer consommer des substances psychoactives, mais davantage à signaler des obstacles dans l’accès aux soins (Sciensano, 2024). À l’échelle européenne, la Belgique se situe à un niveau proche de la France et de l’Allemagne, tandis que l’Italie et l’Espagne affichent des proportions plus basses et l’Irlande des taux plus élevés (European Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction, 2023).
Enfin, les données de consommation nuancent l’idée d’une moindre implication des femmes. Certaines pratiques apparaissent proches de celles des hommes : la cocaïne est consommée à 30 % de façon hebdomadaire et 70 % mensuellement indépendamment du genre, et un usage hebdomadaire de l’ecstasy est rapporté par 8 % des hommes et 7 % des femmes. La kétamine montre même une inversion, avec 30 % des femmes contre 20 % des hommes la consommant chaque semaine (Sciensano, 2023)
Derrière ces chiffres se révèlent des réalités sociales différenciées. Les trajectoires féminines, souvent invisibilisées, concernent surtout des femmes marginalisées, fréquemment en situation d’itinérance, exposées à la violence de rue et consultant pour des problèmes physiques et psychologiques liés à des expériences de victimisation (Coppel et Perrin, 2024 ; Coscas et al., 2022). Ces constats s’inscrivent dans une histoire marquée par des rapports de pouvoir et des représentations sociales qui influencent la perception des usages et orientent les réponses institutionnelles.
Historiquement, les politiques en matière de drogues ont longtemps appréhendé les consommations féminines principalement sous l’angle de la moralité, de la déviance, ou de la vulnérabilité psychologique (Bertrand et Nadeau, 2006 ; Jauffret-Roustide et al., 2008 ; Simmat-Durand, 2007). Cet héritage contribue encore aujourd’hui à reléguer les trajectoires des femmes au second plan, en privilégiant une lecture morale plutôt qu’une compréhension des réalités sociales et sanitaires. Ce traitement genré a façonné la prise en charge en invisibilisant les usages féminins et en maintenant un référentiel centré sur le sujet masculin (Neff, 2018), dont l’hégémonie a marginalisé des trajectoires et a réduit la diversité et la complexité des usages.
En ce sens, l’invisibilisation des expériences féminines et la centralité du sujet masculin nourrissent une représentation globale des drogues et de leurs enjeux, encore largement marquée par une vision androcentrée et cishétéronormée (Germes et al., 2022). Réduites à des figures de vulnérabilité (mères, victimes, travailleuses du sexe), les femmes sont stigmatisées et freinées dans l’accès aux soins, alors même que les recherches montrent qu’elles sont pleinement concernées par les problématiques de dépendance (Bryant et Treloar, 2007 ; Coppel et Perrin, 2024).
Face à ce constat, plusieurs institutions belges intègrent la dimension de genre dans les politiques de santé et de justice. L’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (IEFH) l’a rappelé dans un rapport produit en 2022 et portant sur les violences sexuelles (L’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, 2022), tandis que l’étude belge GEN-STAR, financée par le Belgian Science Policy Office (BELSPO) et le Service Public Fédéral (SPF) Santé publique, a évalué l’offre de services sensibles au genre dans le champ de la prévention et du traitement de la dépendance et a identifié des obstacles structurels et symboliques à l’accès des femmes (Schamp et al., 2018).
Concrètement, dans certains territoires belges, des services proposent des programmes exclusifs pour femmes (groupes de soutien, accompagnement parental, gestion de la grossesse, soins adaptés), tandis que d’autres initiatives mixtes intègrent une sensibilité au genre dans leurs démarches (Schamp et al., 2018). Toutefois, la mise en œuvre de ces programmes demeure très inégale. Ces initiatives restent marginales, insuffisamment financées, peu diffusées et souvent concentrées dans des zones spécifiques, ce qui souligne l’écart persistant entre discours et pratiques.
Le passage de la reconnaissance à l’opérationnalisation montre à quel point les logiques d’indifférenciation — pourtant présentées comme égalitaires — peuvent se révéler inadaptées, voire excluantes, pour certains publics. En reconduisant des modèles d’intervention conçus sur un référent androcentré, les structures de prise en charge échouent à saisir la singularité des parcours féminins et, ce faisant, contribuent à invisibiliser les inégalités qu’elles prétendent pourtant prévenir (Coppel et Perrin, 2024 ; Schamp et al., 2018).
Aujourd’hui, le paysage institutionnel évolue avec l’émergence d’initiatives locales sensibles au genre. Leur évaluation ne peut toutefois se limiter aux seuls indicateurs quantitatifs, car elle doit également intégrer des changements qualitatifs, tels que le renforcement de l’accompagnement psychosocial, l’amélioration du bien-être et de la santé, ou encore la stabilisation de la situation économique de personnes aux besoins multiples (Mutatayi et al., 2025).
Réduction des risques et inégalités de genre dans l’accès aux soins
La réduction des risques constitue une approche pragmatique et humaniste, inscrite dans la logique du care (Bartlett et al., 2013). Elle vise à protéger la santé des consommateurs en leur donnant les moyens de limiter eux-mêmes les pratiques à risque, grâce à des outils concrets tels que l’information, les conseils, le matériel d’injection stérile ou encore les traitements par agonistes opioïdes (Beauchet et Morel, 2015).
Développée dans les années 1980 en réponse à l’épidémie de VIH/sida, elle a marqué un tournant en privilégiant la santé publique et les droits de la personne plutôt que la seule répression de l’usage (Elliot et Devine, 1994). Aujourd’hui, soutenue par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Organisation des Nations Unies pour le Sida (ONUSIDA), elle s’impose comme une réponse politique dominante face aux usages problématiques, articulant prévention, accompagnement médico-social et inclusion des publics marginalisés (Wodak, 2009).
De fait, l’efficacité de ces dispositifs dépend de leur réelle accessibilité (Iversen et al., 2015). Notons toutefois que d’importantes inégalités persistent. Les rapports sociaux de genre influencent l’accès aux soins et les usages des services, exposant les femmes à des obstacles spécifiques : contraintes sociales et économiques, stigmatisation liée à la criminalisation (Frigon, 2001), aux logiques institutionnelles et médicales (Neff, 2018), ou encore aux jugements sociaux et moraux (Wolfson et al., 2021).
En Belgique, par exemple, seuls 10 % des services de réduction des risques intègrent une approche explicitement sensible au genre (Schamp et al., 2021). Cette rareté structurelle contribue à la sous-représentation des femmes, déjà largement documentée dans les recherches internationales (Greenfield et al., 2010 ; Kalema et al., 2017 ; Perrin, 2023). Quelques études nuancent toutefois ce constat en montrant que les femmes sollicitent davantage de suivis pour certaines substances, comme l’alcool ou les stimulants (Bryant et Treloar, 2007 ; Obradovic, 2010), tandis qu’elles demeurent majoritaires dans d’autres domaines de la santé préventive, notamment parmi les personnes éligibles au dépistage du cancer du col de l’utérus (54 % de participation chez les femmes âgées de 25 à 64 ans) ; du sein (60 %) ou dans le recours à la contraception (84 %) (Healthy Belgium, 2021).
Au-delà des statistiques, ces résultats invitent à interroger les logiques sociales qui façonnent la demande et l’offre de soins. Les modalités de consommation, les risques encourus et les impacts sociaux s’inscrivent dans des configurations inégalitaires où le genre se combine à d’autres dimensions comme l’âge, le statut socio-économique, la condition migratoire ou les trajectoires carcérales. C’est à l’intersection de ces facteurs que se construisent les inégalités d’accès aux services.
Malgré ces limites structurelles, certaines femmes parviennent à recourir aux dispositifs de réduction des risques, mais selon des modalités fortement conditionnées par leurs situations de vie : maternité, engagement dans le travail du sexe, conditions de grande précarité ou autres vulnérabilités sociales (Bertrand et Nadeau, 2006). En Belgique, ces profils sont particulièrement présents dans les centres de jour et les services mobiles (Schamp et al., 2018). En France, plusieurs études montrent que les femmes en situation de précarité ou exerçant un travail du sexe figurent parmi les principales femmes consommatrices de ces services, ce qui accroît leur visibilité dans les données disponibles (Coppel et Perrin, 2024 ; Obradovic, 2010). Toutefois, ces situations ne reflètent pas l’ensemble des expériences féminines, certaines femmes cumulant plusieurs réalités tandis que d’autres ne s’y reconnaissent pas. Il importe d’éviter de figer ces vécus dans des catégories étroites et de rendre visible l’hétérogénéité des trajectoires.
La littérature sur l’accès des femmes aux dispositifs de réduction des risques demeure limitée et souvent sélective. Lorsqu’elle existe, elle cible prioritairement les mères consommatrices, dont l’usage est perçu comme un facteur de danger pour l’enfant à naître, susceptible d’entraîner négligence ou maltraitance (Armstrong, 2005 ; Chasnoff, 1986 ; Lewis, 2001 ; Rosenblum, 2009 ; Simmat-Durand, 2007). Certaines recherches montrent pourtant que le renforcement du soutien (accompagnement psychosocial, interventions en parentalité, maintien dans les services) améliore leurs trajectoires de soin et agit aussi comme facteur protecteur pour l’enfant (Barriault et al., 2025 ; Goldstein et Font, 2025). Si cette focalisation se justifie par la volonté de protéger l’enfant, elle a aussi conduit à privilégier les études sur les effets prénataux de l’exposition aux substances, au détriment d’une compréhension plus globale de l’accompagnement des femmes consommatrices (Bandstra et al., 2010 ; Hans, 2002). Ainsi, en structurant durablement l’intérêt scientifique autour de cette seule figure maternelle, ces travaux tendent, par défaut, à invisibiliser et à disqualifier d’autres trajectoires féminines de consommation et leurs besoins spécifiques.
En définitive, les catégories d’analyse traditionnelles peinent à rendre compte de la pluralité des expériences. De nombreuses recherches soulignent l’importance d’une prise en charge intégrant les dimensions physique, psychique et sociale, afin de mieux s’adapter aux trajectoires individuelles (Coppel et Perrin, 2024 ; Neff, 2018). Parmi les principaux obstacles, la stigmatisation sociale demeure un déterminant majeur. Les approches intersectionnelles rappellent que seule une analyse articulant le genre, la consommation et d’autres dimensions sociales permet de saisir la complexité des vécus et d’éviter de reproduire des inégalités dans l’accès aux soins (Bowleg, 2008).
C’est dans cette perspective que le présent article documente ces inégalités, analyse les expériences et discute les conditions d’une réponse réellement sensible au genre.
Matériel et méthode
La recherche qualitative cherche à comprendre les phénomènes sociaux dans leur contexte en privilégiant le registre du vécu, du ressenti et des représentations, ce qui constitue le cœur de notre enquête auprès de femmes consommatrices de substances.
Cadre méthodologique et posture interprétative
Comprendre le vécu de femmes face à la consommation de substances
Sans viser une portée généralisable, notre contribution éclaire la complexité des expériences vécues et montre comment les femmes consommatrices suivies par un dispositif d’accompagnement négocient les contraintes, les normes sociales et les stigmates qui jalonnent leur parcours de vie.
Dans cette perspective, la théorisation ancrée sert à la fois de cadre et de méthode pour saisir, au plus près des récits, des expériences situées (Glaser et Strauss, 1967). Elle permet de mettre en lumière ce que les dispositifs laissent hors champ, notamment la difficulté pour les femmes d’accéder à des espaces conçus pour elles et de formuler une demande dans des lieux pensés pour d’autres. Conçue comme un processus comparatif et continu, elle s’inscrit dans une démarche qualitative où problématisation, immersion empirique, conceptualisation et écriture se répondent ; tandis que les observations, lectures et hypothèses provisoires s’alimentent mutuellement dans un ajustement permanent (Paillé et Mucchielli, 2021).
Du fragment au sens : itinéraire en trois temps
Notre analyse s’est articulée autour de trois phases (Paillé, 1994) complémentaires dans leur finalité et dans leur portée interprétative.
Le codage ouvert a fait émerger des catégories sur les besoins, les rapports aux institutions et les expériences de reconnaissance ou d’effacement. Le codage axial a relié ces catégories et le codage sélectif en a dégagé les lignes de force, aboutissant à une lecture transversale qui articule expérience vécue, trajectoires et logiques institutionnelles, restituant la complexité du réel (Lejeune, 2019 ; Paillé, 1994).
Échantillonnage théorique
L’élaboration de l’échantillon au fil du terrain
La sélection des participantes dans trois villes belges (Liège, Charleroi et Bruxelles) ne visait pas à comparer les contextes locaux, mais à diversifier les points de vue recueillis. Ces villes partagent en effet un certain nombre de caractéristiques communes (forte présence de dispositifs de réduction des risques et concentration de publics en situation de précarité) qui en faisaient des terrains pertinents pour explorer les expériences féminines de consommation. Le choix de ce triple ancrage visait donc moins à établir des distinctions territoriales qu’à renforcer la portée de l’« essai de sens » (Paillé, 2006) élaboré à partir des récits recueillis.
En constituant ce corpus, l’objectif n’était pas de rechercher la représentativité statistique, mais bien de construire un échantillon pertinent au regard de la problématique de recherche. La démarche a ainsi suivi une logique d’échantillonnage théorique : l’ordre et le rythme des entretiens ont été ajustés au fil de l’enquête, chaque rencontre venant nourrir la suivante selon les hypothèses issues de l’analyse en cours (Charmaz et Thornberg, 2021 ; Lejeune, 2019 ; Paillé et Mucchielli, 2021). Ce choix méthodologique visait à explorer les variabilités d’expériences et à les approfondir au fur et à mesure de leur apparition, afin de rendre intelligible un rapport au monde construit depuis des positions sociales souvent disqualifiées (Charmaz, 2006 ; Lejeune, 2019).
Les participantes ont été rencontrées dans divers contextes institutionnels (hébergement d’urgence, centres de santé mentale, services spécialisés en toxicomanie, associations communautaires), grâce à un recrutement assuré par les intervenants qui présentaient la recherche, recueillaient l’accord des femmes et facilitaient la mise en contact. Si cette modalité exclut de fait celles éloignées de tout dispositif, elle souligne néanmoins la multiplicité des lieux de recours structurant leurs trajectoires. Par ailleurs, le fait d’avoir travaillé uniquement avec un échantillon féminin limite les possibilités de comparaison avec les trajectoires masculines et ne permet pas d’analyser les différences ou les similitudes entre les expériences des hommes et celles des femmes.
Enfin, la démarche a respecté un cadre éthique garantissant le consentement éclairé, la confidentialité et l’anonymisation des données, tout en prévoyant, lorsque possible, une restitution aux participantes, offrant ainsi un espace de validation ancré dans leur expérience.
Le portrait des participantes.
Le Tableau 1 présente les caractéristiques sociodémographiques et cliniques des quinze femmes consommatrices de substances ayant participé à l’étude. Les participantes, âgées de 19 à 55 ans, présentaient des profils divers en termes de statut matrimonial, parentalité et conditions socio-économiques. Une majorité d’entre elles étaient célibataires ou séparées, plusieurs étaient mariées et deux étaient veuves. Plus de la moitié étaient mères, dont certaines en garde partagée. Les types d’accompagnement variaient, allant des maisons d’hébergement aux centres de santé mentale, en passant par des consultations spécialisées en toxicomanie, des centres communautaires, des centres d’intervention psychosociale et des centres de planification familiale.
Sur le plan clinique, les récits recueillis révèlent une pluralité de vulnérabilités rarement dissociables les unes des autres : troubles psychologiques tels que dépression et anxiété, antécédents de violence, pathologies chroniques ou troubles alimentaires.
Les informations recueillies révèlent que l’usage simultané ou combiné de plusieurs substances constitue une réalité fréquente. L’alcool et le cannabis apparaissent comme les substances les plus consommées en comparaison avec la cocaïne, le crack, les amphétamines, la MDMA, la kétamine, l’héroïne ou le LSD. L’usage de médicaments (benzodiazépines, antidépresseurs, anxiolytiques ou antalgiques opioïdes) est également courant, parfois en combinaison avec des drogues illégales.

Résultats et discussion
Notre contribution cherche à éclairer les conditions qui favorisent ou, au contraire, entravent un accès effectif aux dispositifs de soins et de réduction des risques, en s’appuyant sur l’expérience vécue de femmes consommatrices de substances bénéficiant d’un accompagnement spécifique.
Les obstacles à l’accès au traitement
Dans les trajectoires des femmes consommatrices de substances prises en charge, la stigmatisation apparaît comme une structure permanente de disqualification (Grenier et al., 2019 ; Murphy et Rosenbaum, 1999). Comme l’a montré Erving Goffman (1963), sociologue canadien considéré comme l’un des penseurs majeurs de la sociologie du XXe siècle, le processus de stigmatisation fonctionne à la fois comme étiquetage social et comme un mécanisme d’intériorisation des hiérarchies morales. Loin de se limiter à un regard extérieur dépréciatif, elle élabore les conditions mêmes dans lesquelles se joue (ou échoue) la rencontre avec les dispositifs de soins. L’identité assignée aux femmes consommatrices de substances induit une forme d’autocontrôle, où la peur d’être perçue comme déviante se traduit par un évitement de la demande.
Ce n’est pas tant la consommation que sa transgression de l’ordre symbolique du genre qui est sanctionnée. Les récits révèlent une violence faite de jugements implicites et d’attitudes condescendantes visant à la fois leur identité de femmes, leur rôle maternel et leur valeur morale. Ces attitudes créent une distance vis-à-vis des institutions et de soi-même, affectant le rapport au soin, au corps et à la légitimité d’exister comme patiente.
La parole recueillie ci-dessous témoigne de la charge silencieuse de devoir se rendre acceptable pour exister comme bénéficiaire légitime.
Une femme qui se drogue, on te le fait sentir. Moi, j’ai perdu mes enfants, et depuis, j’ai l’impression que je suis marquée. Même quand je parle avec des médecins, c’est comme si je devais prouver que je suis encore une mère. Alors je fais attention, je parle bien, je montre que je veux m’en sortir. Mais dedans, j’ai peur qu’ils me referment la porte. (P14, Femme, 50 ans, consommatrice d’alcool et d’héroïne, centre de santé mentale, Bruxelles [en logement stable]).
Il résulte d’une configuration où le soin devient lui-même un espace d’exposition au jugement. Dans ce contexte, les femmes apprennent à se taire, à différer leur demande ou à la formuler avec discrétion. Même lorsque l’accès aux dispositifs s’opère, il reste marqué par des efforts pour correspondre à l’image attendue de la « bonne bénéficiaire ». Comme l’ont montré Edland-Gryt et Skatvedt (2013), les structures dites à « bas seuil » reposent elles aussi sur des seuils implicites d’enregistrement, de compétence et de confiance qui conditionnent l’accès effectif aux soins (Edland-Gryt et Skatvedt, 2013).
Ce rapport au soin s’inscrit plus largement dans un processus de disqualification sociale, nourri par la répétition de jugements dépréciatifs et de discours dévalorisants. À force d’exposition, ces représentations négatives s’intègrent peu à peu à l’image que la personne se fait d’elle-même (Goffman, 1963 ; Lacaze, 2008). Cette intériorisation ne se manifeste pas uniquement par un sentiment de honte ou de rejet, mais participe aussi à une redéfinition identitaire marquée par l’appropriation des stéréotypes associés à la marginalité, en particulier ceux liés à la consommation de substances. Ce constat interroge les logiques de disqualification qui impactent les femmes consommatrices, assimilées à des figures d’irresponsabilité et écartées des rôles socialement valorisés (Meyer et Verlhiac, 2004 ; Meyers et al., 2021).
Lorsque cette stigmatisation se combine avec d’autres facteurs de vulnérabilité comme la précarité, la maladie mentale, l’errance, l’appartenance à une minorité ou l’origine ethnique, elle renforce les inégalités d’accès et nourrit une défiance structurelle envers les institutions, en particulier celles de santé (Carini-Belloni et Vuattoux, 2020). Divers travaux montrent que les usages de substances psychoactives participent à ce processus en renforçant les dynamiques discriminatoires, notamment lorsque genre, origine ethnique et santé mentale se superposent, produisant des obstacles spécifiques au soin selon une logique d’intersectionnalité (Carini-Belloni et Vuattoux, 2020 ; Crenshaw, 2005 ; Flynn et al., 2017 ; Mutatayi et al., 2025). Dans ce contexte, le discours dominant ne se limite pas à constater leur altérité, mais la construit comme une évidence, assignant à ces femmes une place marginale et contribuant à leur exclusion.
Selon les mots d’une participante de 41 ans, consommatrice de crack et de médicaments, qui consulte un centre de planification familiale à Liège :
Même quand, tu sais, parfois, j’essaye de jouer la fille clean, mais la toxico, ça va me coller à la peau. À force, tu te dis que t’es peut-être vraiment comme ça. Et puis y’a ce truc… Tu finis par croire que t’es qu’une junkie. Même quand tu veux t’en sortir, tu pars avec cette voix dans la tête : tu n’y arriveras pas, que t’as déjà perdu. (P5, Femme, 41 ans, consommatrice de crack et de médicaments [analgésiques opioïdes], centre de planification familiale, Liège [en hébergement temporaire]).
La stigmatisation et la discrimination à l’égard des femmes consommatrices se croisent fréquemment avec des problèmes de santé mentale tels que l’anxiété, la dépression ou les troubles alimentaires (Volkow et Blanco, 2023). L’absence de réponses adaptées dans les systèmes de santé contribue à renforcer ces difficultés et à en aggraver les conséquences. Les préjugés liés à l’usage de drogues, particulièrement lorsqu’il s’agit de femmes, mettent ainsi à l’épreuve les logiques d’intervention en matière de réduction des risques (Austin et al., 2023). Ces femmes ne sont pas simplement confrontées à un regard réprobateur. Elles se savent, d’emblée, disqualifiées, tant en raison de leur consommation que des problèmes de santé mentale qui y sont fréquemment associés (Fernández et al., 2023), comme l’explique cette femme de 45 ans, consommatrice d’alcool, de cannabis et de médicaments (anxiolytiques), vivant dans un logement, et rencontrée dans un centre communautaire de Liège. « Quand je parle de ma consommation, on me regarde avec mépris. Et si j’ajoute que j’ai des crises d’angoisse et des grosses baisses d’humeur qui me font prendre des antidépresseurs, c’est encore pire » (P11).
Le fait de parler de leur consommation confronte les femmes à un double jugement, à la fois lié à l’image de l’addiction et à une présumée incompétence morale, particulièrement lorsqu’elles sont mères. Ce cumul de stigmates fragilise leur légitimité sociale, limite l’accès au soutien et entraîne des stratégies de retrait, le soin étant retardé ou évité pour se protéger, tandis que la crainte d’être réduite à une figure déviante persiste. Ce qui est en jeu ici, ce n’est pas uniquement une image sociale dégradée, mais un risque réel de retrait de légitimité sociale. On comprend dès lors les stratégies de retrait et de contournement. Les personnes retardent ou évitent parfois le recours aux soins, non par manque de volonté, mais pour se préserver. Même lorsque les conditions de vie sont stabilisées, la crainte d’être réduite à une figure déviante reste présente.
Âgée de 33 ans, l’une des participantes à l’étude, mère d’un jeune enfant et accueillie dans un centre de court séjour pour usagers de drogues, décrit ainsi les effets concrets de cette menace permanente sur sa relation aux institutions et à la prise de parole :
Moi j’ai un appart, un « taf » à mi-temps, j’élève mes deux filles. Mais si je dis que je prends parfois de la MD ou un peu de ké, direct on me juge. On ne va pas chercher si je gère. On va juste retenir : « c’est une tox ». Même chez le médecin, j’hésite. Ce que je dis peut être utilisé contre moi. (P6, Femme, 33 ans, consommatrice d’alcool, cannabis, MDMA, kétamine, Centre communautaire, Charleroi [en logement stable]).
Des demandes rendues inaudibles : quand la protection devient menace
Une réponse aux femmes consommatrices enceintes et mères
Les témoignages révèlent que l’usage de substances par des femmes suscite des réactions sociales et institutionnelles marquées par la stigmatisation, où elles sont davantage perçues à travers le prisme du risque, de la déviance ou de l’incompétence parentale que reconnues et accompagnées dans la complexité de leurs besoins. Lorsqu’une grossesse entre en jeu, ces réactions prennent une autre tournure. L’attention portée à l’enfant à naître passe alors au premier plan, reléguant la femme à un statut secondaire, souvent perçue à travers ce qu’elle pourrait faire courir comme risques à autrui (Cassen, 2024 ; Wright et al., 2012). Dans ce contexte, l’usage de substances ne relève plus uniquement d’un comportement jugé problématique, il entre en contradiction directe avec les attentes attachées à la fonction maternelle (Weber et al., 2021).
Ce n’est plus l’usage qui est en cause, mais la place assignée à la personne dans la société. Cette logique écarte les besoins spécifiques des femmes au profit d’un discours sur leur inaptitude, alimentant leur retrait (Meyers et al., 2021). Le regard porté, les réactions anticipées, les procédures parfois implicites, tout cela installe un climat d’incertitude, voire de méfiance.
Certains services de maternité tentent aujourd’hui de proposer un accueil plus ajusté, mais les conditions générales de prise en charge restent peu adaptées. Les femmes concernées ne fuient pas les soins en tant que tels, mais bien les effets secondaires que l’accès aux soins peut produire : signalement, contrôle, retrait de légitimité. Demander de l’aide suppose ici un espace où cette demande ne se retourne pas contre celle qui l’exprime. Or, cet espace fait encore largement défaut.
Ce que confirme, à sa manière, cette femme de 22 ans, enceinte de cinq mois, rencontrée dans une maison d’hébergement :
J’ai tourné autour de l’ONE, pendant deux semaines. Je n’y allais pas, j’en passais devant, je regardais les gens qui entraient. J’étais clean à ce moment-là, mais j’étais sûre qu’ils verraient que j’étais fragile, je commençais un peu à vriller tu vois. Alors je me suis dit : vaut mieux qu’ils ne me voient pas du tout. (P1, Femme, 22 ans, consommatrice d’alcool, cocaïne, médicaments [benzodiazépines], maison d’hébergement, Bruxelles [en hébergement temporaire])
La défiance exprimée par certaines femmes à l’égard du suivi prénatal ne relève pas d’un comportement marginal ou irrationnel. Dans les services de maternité, ce retrait est fréquemment lié à l’anticipation de jugements moraux et de pratiques de contrôle social, plutôt qu’à un désintérêt pour la santé maternelle ou infantile (Murphy et Rosenbaum, 1999 ; Stone, 2015). Parce que le bien-être de l’enfant à naître est érigé en priorité absolue, toute distance prise avec le cadre médical tend à être lue à charge, au détriment de la complexité des situations.
Or, si les services hospitaliers accueillent des femmes enceintes en situation de dépendance, rares sont ceux qui disposent de dispositifs réellement adaptés. L’accompagnement est souvent partiel, voire inexistant sur le versant de la consommation. Cela s’explique en grande partie par le manque de personnel formé à la gestion conjointe des problématiques de maternité et de dépendance (Radcliffe, 2011). Ce déficit structurel contraint les femmes concernées à gérer seules une situation difficile, marquée par la crainte constante du jugement et par l’éventualité d’une intervention des services sociaux.
Dans ce contexte, s’engager dans un parcours de soins devient un choix risqué, car demander revient à s’exposer et à rendre visible une situation que beaucoup préfèrent taire de peur d’un processus institutionnel irréversible. La disqualification sociale des mères consommatrices dissuade les plus vulnérables, tandis que l’institution, en prétendant protéger, crée les conditions de l’évitement.
Une réponse aux femmes victimes de violences
Les données recueillies soulignent un phénomène récurrent et systémique. Les violences subies par les femmes consommatrices de substances ne sont pas de simples accidents de parcours, mais des événements qui structurent leurs trajectoires de vie. Qu’il s’agisse d’inceste, de violences au sein du couple ou de violences sexuelles, ces formes de violences s’inscrivent dans un contexte social et institutionnel qui hiérarchise et perpétue les rapports de domination (Bachman, 1994 ; Chermack et al., 2000). Ces femmes, déjà précarisées par des conditions sociales et économiques défavorables, se retrouvent prises dans un double mécanisme de domination. D’une part, l’ordre patriarcal les soumet à des rapports de pouvoir inégaux ; d’autre part, l’invisibilité sociale les relègue à la marge.
Les violences intrafamiliales
Une part importante des participantes évoque un passé d’abus intrafamiliaux. Ces expériences ne sauraient être uniquement rattachées à la condition féminine ni expliquer à elles seules la suite du parcours. Elles compromettent toutefois très tôt la construction d’un sentiment de sécurité et altèrent profondément le rapport au corps et à l’autre (Viaux, 2022 ; Walklate, 2008). Cette violence, généralement enfuie sous le poids de l’omerta, se nourrit d’une culture du non-dit, où les institutions familiales et sociales responsables sont protégées (Dussy, 2015). Ce silence s’inscrit dans une dynamique sociale plus large qui prive les victimes, quel que soit leur genre, de toute parole, les condamnant à une souffrance à la fois sociale et intime, mais rarement reconnue comme telle dans la société (Lemitre, 2023 ; Viaux, 2022).
Dans un tel contexte, les conduites addictives ne relèvent ni de l’inconscience ni du choix librement consenti. En réalité, elles s’apparentent à des mécanismes de régulation émotionnelle, mis en place face à une douleur omniprésente et rarement reconnue (Barrault, 2013). Pour les personnes ayant vécu de telles violences, qu’il s’agisse d’hommes ou de femmes, la consommation d’alcool (première substance mentionnée dans plusieurs récits de notre échantillon) apparaît souvent comme un moyen de réguler la souffrance et de faire face à une existence marquée par la difficulté à trouver une place dans un monde qui les marginalise (Jallo et al., 2024).
Ce vécu de violences se reflète dans les témoignages des femmes interrogées. L’une d’elles, en situation d’itinérance et consommatrice de substances, raconte ainsi son expérience :
Moi, je n’étais pas vraiment protégée à la maison, il y a eu des trucs… des choses qui m’ont marquée. Je ne sais pas comment on peut se remettre de tout ça. C’est comme si tu te retrouves tout le temps à chercher une sortie, et c’est là que j’ai commencé à boire, puis fumer du cannabis. C’était plus facile de pas penser sinon je me sentais trop mal, trop… perdue. L’alcool, les joints, c’est mon truc pour tenir. C’est juste pour m’oublier un peu, et le lendemain t’as les mêmes problèmes. (P8, Femme, 23 ans, consommatrice d’alcool, de cannabis et de médicaments [stimulants], centre d’intervention psychosociale, Liège [en situation d’itinérance])
Les violences au sein du couple
De nombreuses femmes consommatrices de substances ont pu vivre des situations de violence, le plus souvent exercée par des partenaires eux-mêmes aux prises avec une dépendance (Chermack et al., 2000 ; Epstein et McCrady, 2002). Dans ce type de dynamique, la violence s’installe, progressivement, au fil du temps, jusqu’à produire un climat d’instabilité et de peur (Dichter et al., 2018 ; Schick et al., 2025). L’usage d’alcool ou de drogues — qu’il relève du manque ou de l’excès — vient altérer le discernement et ouvre la voie à des réactions impulsives, parfois violentes (Dawson et al., 2007 ; Mateo-Fernández et al., 2025 ; Radcliffe et al., 2021). Ces passages à l’acte, loin d’être isolés, sont souvent renforcés par l’état de manque ou par les effets mêmes des substances consommées (Mehr et al., 2023).
La réponse d’une jeune femme résidant à Liège à la question : « Est-ce qu’il vous arrive que votre compagnon (consommateur également) soit violent avec vous ? » permet de saisir concrètement cette dynamique entre usage de substances, emprise conjugale et violences physiques :
Un jour, j’ai trouvé deux inconnus dans mon salon. Deux hommes que je n’avais jamais vus. Mon compagnon m’a regardé, complètement défoncé. J’ai aussi vu qu’il avait bu des bières. Je voulais juste être chez moi, au calme. Ça a dégénéré. Il s’est mis à hurler, à m’insulter. Il disait que j’étais égoïste. Et là, il m’a pris par le poignet qu’il m’a retourné juste parce que j’ai dit que je ne les voulais pas ici. (P2, Femme, 27 ans, consommatrice d’alcool, cannabis, amphétamines, médicaments, centre d’intervention psychosociale, Liège [logement stable]).
Loin d’être des événements isolés, ces violences s’inscrivent dans un véritable continuum reliant les micro-agressions quotidiennes aux formes les plus graves de violences physiques et sexuelles (Gayet-Viaud, 2021 ; Kelly, 2019). Les femmes consommatrices de substances — en particulier celles en situation d’itinérance — apprennent à anticiper ces menaces, à les contourner et parfois même à les intégrer dans leurs stratégies de déplacement et d’occupation de l’espace urbain, devenu pour elles un lieu de vie (Lieber, 2002). Ces stratégies de protection ont toutefois un coût, car elles restreignent leur liberté de mouvement et renforcent le sentiment de vulnérabilité (Hancock, 2018). Plusieurs études montrent que le harcèlement de rue et les intrusions masculines dans l’espace public participent d’un ordre social qui contraint les femmes à une vigilance permanente (Brown et Maillochon, 2002 ; Lieber, 2008), façonnant ainsi une géographie genrée de l’espace urbain (Loukaitou-Sideris et Ceccato, 2020).
Ce rapport au monde produit des formes spécifiques de dispositions pratiques : les femmes apprennent à anticiper le danger, à le contourner, à le neutraliser autant que possible, en l’intégrant dans des stratégies d’évitement, de déplacement ou d’effacement de soi (Muscat, 2023). Ces pratiques sont particulièrement marquées chez les femmes cumulant dépendance et précarité liée à l’itinérance, pour qui chaque déplacement ou choix de lieu doit être évalué selon la sécurité perçue. L’insécurité ne se contente donc pas de réduire leur présence dans la ville, elle influe sur leur manière d’éprouver les lieux, de s’y déplacer et de se comporter, chaque geste étant orienté par la nécessité de se protéger (Condon et al., 2005).
Une nuit, je dormais derrière une station-service, j’étais cachée. Un homme m’a trouvée, je ne sais pas comment. Il m’a menacée, m’a dit de ne pas crier. Après ça, je n’ai plus dormi seule dehors ou alors jamais plus de vingt minutes d’affilée. (P3, Femme, 35 ans, consommatrice d’alcool et de médicaments, centre de santé mentale, Bruxelles [en situation d’itinérance])
Conclusion
L’apport central de cette recherche réside dans sa capacité à rendre compte, depuis le point de vue des femmes elles-mêmes, de la façon dont elles vivent leur dépendance à l’intersection de multiples rapports d’inégalités. En choisissant de s’ancrer dans le vécu subjectif de ces femmes consommatrices de substances, cet article s’inscrit dans une configuration de rapports sociaux dont l’articulation produit des effets cumulatifs de disqualification et d’exclusion. Ce faisant, elle donne à voir une réalité souvent invisible, celle de femmes rendues illisibles par des systèmes d’intervention qui peinent à intégrer la complexité de leur position.
Cette complexité apparaît particulièrement chez les mères consommatrices, pour qui le soin se heurte à la fois à la conciliation entre rôle parental et accès aux services et au poids d’une stigmatisation fragilisant leur légitimité maternelle. Pourtant, accompagner la mère constitue non seulement un soutien essentiel dans sa trajectoire de soin, mais aussi une voie privilégiée pour garantir la protection de l’enfant. Cette logique d’exclusion ne se limite pas à la parentalité, elle traverse également les dispositifs censés accueillir les victimes de violences. Or, dès lors qu’une problématique de dépendance entre en jeu, la légitimité à être reconnue comme victime s’efface progressivement, au profit d’une lecture disqualifiante de la personne.
Les catégories autour desquelles se structurent alors les dispositifs de réduction des risques ne recouvrent que partiellement la réalité des trajectoires. Elles fragmentent ce qui, dans l’expérience vécue, est profondément imbriqué. D’où l’urgence de redéfinir les cadres d’intervention, à travers la mise en place de formations spécifiques et une coopération renforcée entre champs professionnels encore trop cloisonnés. C’est dans cette perspective que le recours à un traitement par agonistes opioïdes au sein des services de maternité se présente comme une piste prometteuse. Il constitue un exemple concret de réponse institutionnelle capable de conjuguer suivi médical, sécurité sociale et continuité du lien parent-enfant.
À titre d’exemple, la Belgique, avec des initiatives comme le projet « Kangourou » et le service Parentalité-Addiction d’Interstices ou encore le Canada, à travers des programmes résidentiels tels que le Programme mère-enfant de l’organisme Portage, montrent qu’il est possible d’articuler le traitement des addictions et le maintien du lien familial. Ces expériences soulignent l’intérêt de foyers parent-enfant inspirés de la réduction des méfaits, capables de soutenir les parcours maternels tout en assurant la protection des enfants.
Ces enjeux trouvent un écho en Europe, où l’intégration d’une approche sensible au genre dans les politiques de santé publique est de plus en plus affirmée. La stratégie en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes 2020-2025, portée par l’Union européenne invite les États membres à renforcer les réponses face aux violences de genre et à adapter les dispositifs existants aux réalités spécifiques des femmes en situation de précarité et de dépendance (Commission européenne, 2020). Encore faut-il que ces orientations trouvent une traduction effective dans les pratiques nationales, au-delà des déclarations de principe.
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