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EMMANUEL LANGLOIS /

Emmanuel Langlois, Professeur des Universités en Sociologie, Université de Bordeaux — Centre Émile Durkheim

Correspondance
Emmanuel Langlois
Professeur des Universités en Sociologie
Université de Bordeaux — Centre Émile Durkheim
3Ter, Place de la Victoire 33076 Bordeaux Cedex
Téléphone : +33 682 242 874
Courriel : Emmanuel.langlois@u-bordeaux.fr


Résumé

Aux confins de l’addiction et des contextes médicaux traditionnels, l’engouement contemporain pour les pratiques de neuroamélioration provoquée par la prise de psychostimulants (« smart drugs ») est examiné dans cet article. Ces substances que l’on trouve aujourd’hui en grand nombre et facilement sont consommées dans le but d’améliorer les performances cognitives dans les domaines de l’attention, de la concentration ou de la créativité. L’article propose un regard nuancé et dépassionné sur ces pratiques d’autoamélioration qui existent depuis longtemps, et explore comment cette quête de performance tente de répondre aux exigences accrues des environnements professionnels et éducatifs, mais aussi des normes d’individuation. Enfin, l’article discute des implications et des limites éthiques du projet de transformation de l’humain réduit à un cerveau comme mode d’adaptation sociale.

Mots-clés : neuroamélioration, addiction, « smart drugs », performances cognitives, individu

An augmented brain for a fantasized individual: Neuroenhancement at the boundaries of addiction

Abstract

At the crossroads of addiction and traditional medical contexts, this article examines the contemporary commitment to neuro-enhancement practices brought about by the use of psychostimulants (“smart drugs”). These substances, which are now widely and easily available, are used to improve cognitive performance in the areas of attention, concentration and creativity. The article offers a nuanced and dispassionate look at these long-standing self-improvement practices, and explores how this quest for performance is trying to respond today to the increased demands of professional and educational environments, as well as individuation norms. Finally, the article discusses the ethical implications and limits of the project to transform a human reduced to a brain as a mode of social adaptation.

Keywords: neuroenhancement, addiction, smart drugs, cognitive performance, individual

Un cerebro aumentado por un individuo fantaseado. El neuro mejoramiento en las fronteras de la adicción

Resumen

En este artículo se discute el entusiasmo contemporáneo por las prácticas de neuro mejoramiento, situadas en los confines de la adicción y de los contextos médicos tradicionales y provocado por la ingesta de psicoestimulantes (“smart drugs”). Estas sustancias, que hoy se encuentran en gran cantidad y fácilmente, se consumen con el objetivo de mejorar el rendimiento cognitivo en los campos de la atención, la concentración o la creatividad. El artículo propone un enfoque matizado y desapasionado sobre estas prácticas de auto mejoramiento que existen desde hace mucho tiempo y explora de qué manera esta búsqueda de rendimiento trata de responder a las exigencias cada vez más grandes en los medios profesionales y educativos, así como a las normas de individuación. Finalmente, se analizan aquí las implicancias y los límites éticos del proyecto de transformación del humano reducido a un cerebro como modo de adaptación social.

Palabras clave : neuro mejoramiento, adicción, “smart drugs”, rendimientos cognitivos, individuo

 


Aux confins de l’addiction

L’addiction est un concept récent, mais les figures de l’excès et de la dépendance traversent notre histoire et ne cessent de se métamorphoser. Traditionnellement focalisé sur les usages de substances illégales chez des hommes de la marginalité sociale, le paysage psychotropique s’est complexifié. Un « nouveau monde des drogues » (Langlois, 2022) fait émerger des figures composites de l’addiction où la prescription de médicaments psychotropes — en particulier psychostimulants — tient une place importante, et où se diffuse la consommation dans des populations, des âges, des genres ou des générations jusqu’alors peu concernés. Une palette d’usages variés est alimentée par des systèmes motivationnels à la fois plus individualisés et plus structurés parmi lesquels la recherche de performance apparaît comme étant la plus dynamique et la plus emblématique de l’époque. Usage fonctionnel par excellence, cette recherche est observable dans un large spectre de sphères sociales où des substances regroupées sous le terme de « smart drugs » jouent un rôle central dans l’augmentation des capacités cognitives (attention, concentration, créativité…) et parfois dans l’idée d’accéder à « une meilleure version de soi »[1]. Ce mouvement qui appelle à identifier des figures nouvelles de l’usage conduit notamment à dépasser une interprétation trop réductrice qui en ferait une variante de l’addiction ou qui les ramènerait à du simple « dopage cognitif » comme tactique visant à s’adapter à des contextes exigeants. Cette situation conduit à un triple impératif. D’une part, il faut mettre en balance le concept d’addiction qui reste trop enfermé dans une médicalisation étroite et bâtie sur une représentation de la perte de contrôle (craving) et de la prise de risque, car les adeptes de la neuroamélioration semblent avoir développé une praxis relativement maîtrisée des substances et bénéficier d’une forme de tolérance de la part de leur entourage. D’autre part, il convient de rendre compte des usages sociaux de ces produits tout en tenant compte de leurs motivations positives et généralement assez conformistes. Enfin, il faut souligner que l’espoir de surmonter les épreuves que rencontrent les usagers dans différents univers sociaux grâce aux techniques d’augmentation cognitive se heurte à de sévères contraintes systémiques et conduit à des formes de désillusion amenant à s’interroger sur cette forme de « neuropromesse » (Forest, 2022). En s’appuyant sur une littérature à la fois empirique et théorique, le présent article propose une discussion sur les contours de la grammaire de ces usages en explorant trois dimensions : leurs finalités adaptatives dans les contextes productifs, les tactiques de justice sociale dans un contexte de compétition scolaire et enfin la fabrique d’un (meilleur) soi authentique dans un contexte d’individuation de masse.

Interroger la performance

La performance est le mantra des sociétés néolibérales (Dardot et Laval, 2010). Qu’elle s’exprime dans la rentabilité du capital, la rationalisation des organisations ou dans la conduite des vies individuelles, elle est devenue un impératif qui irrigue toutes les sphères sociales, dans le sport, les études, le travail ou encore le sexe ou la sociabilité la plus festive. Mise en tension psychique permanente vers l’efficience et la satisfaction maximale, la performance est devenue une attente banale dans un contexte de compétition généralisée. C’est pourquoi il ne faut pas la réserver aux seules activités élitaires ou prestigieuses (la finance, le sport, les arts ou la communication…) avec comme sous-entendu que les autres activités sociales et professionnelles ne réclament que des cerveaux au repos. Sur ce point, l’imaginaire qui s’est tissé autour de la performance est surdéterminé par des stéréotypes positifs véhiculés dans les films ou des romans qui montrent à foison des individus en prise avec une vie trépidante qui prennent de la cocaïne pour suivre le pouls d’une société hyperactive. Il faut sans doute réhabiliter la performance dans des genres, des générations, des métiers et des époques d’où elle semble absente.

Le dépassement de soi et, incidemment, les pratiques stimulantes permettant d’y aider constituent une tendance humaine qui existe depuis la nuit des temps (Laure, 2000) et un facteur d’évolution ancien bien qu’il ait pris une tournure nouvelle avec la naissance d’une éthique de l’intensité au cours du 18e quand se développèrent des activités intellectuelles et urbaines engendrant un nouveau genre de fatigue nerveuse (Loriol, 2000). Depuis, « l’intensité est une puissance qui organise le monde » (Garcia, 2016). Dans une société en constante « accélération » (Rosa, 2014), tout tourne plus vite : le commerce, les mœurs, les machines, l’information, mais aussi les cerveaux avec leurs synapses, leurs impulsions électriques et leur plasticité[2]. Pour David Courtwright (2019), le « capitalisme limbique » organise la cannibalisation des cerveaux par les nouvelles technologies qui stimulent en permanence notre compulsivité. Aussi, bien que les ressorts collectifs de la performance aient été largement documentés, c’est aujourd’hui une performance strictement individuelle et incrémentale qui est mise en avant dans l’utilisation maximale de toutes nos capacités intérieures, qu’elles soient effectives ou potentielles ou espérées. La performance contemporaine s’appuie sur une conception monadiste et vitaliste de l’individu, faisant de sa dimension cognitive une source d’interrogation et d’espoir.

L’identité « floue » des substances amélioratives

En France, le Rapport Legrain démontra dès 1990 la banalisation et le détournement des benzodiazépines (Rohypnol, Tranxène, Valium…) à des fins variées dans un contexte à la fois marqué par des difficultés économiques et sociales et des mutations sensibles concernant les normes d’individuation (Martuccelli, 2010). Le contexte contemporain des substances psychoactives est quant à lui à la fois marqué par la polymédication (Monégat et Sermet, 2014) et la pharmaceuticalisation (Otero et Collin, 2015). D’une quantité et d’une disponibilité jamais égalée dans l’histoire (Dupuy et Karsenty, 1974), les individus naviguent désormais dans un halo médicamenteux permanent entre surprescription, détournement, automédication et recours à des substances prescrites ou non visant aussi des fonctions extrathérapeutiques. Qualifier cet ensemble de pratiques est devenu un enjeu scientifique et parfois une question de santé publique. Totalement rétives à tout réductionnisme, il faut leur donner un sens non pas « en soi », mais en les replaçant dans le continuum de la « chimie sociale » où des individus différents (insérés/précaires, jeunes/vieux, hommes/femmes, cadres/prolétaires…) convergent vers des types d’usages relativement différents les uns des autres et fortement homogènes du point de vue de leur motivation centrale. La profusion de figures oxymoriques (« innovateur responsable », « mésusage thérapeutique »…) qui en résulte montre que les usagers font leur cuisine personnelle pour une subjectivité bricolée à partir de substances elles-mêmes ambiguës (Langlois, 2022). Le présent article décrit une forme spécifique de ce bricolage à la croisée de l’addiction, du dopage et de la quête de performance.

Des pilules et des hommes neuroaugmentés

Les substances concernées couvrent une large palette : des « smart drugs » détournés de leur usage thérapeutique, des pratiques de « microdosing » de Psilocybine ou de Diéthylamide de l’acide lysergique (LSD), des usages de cocaïne, le détournement du méthylphénidate prescrit dans la prise en charge du TDA/H, des décoctions de maté pour la concentration, des cocktails énergisants ou des compléments[3], de nouveaux produits de synthèse issus des « Research Chimicals », ou encore le Piracétam synthétisé dès 1964 par Corneliu E. Giurgea à qui on doit la catégorie de « nootropics »[4]. Les effets perçus ou revendiqués appartiennent à une même topique autour des notions d’augmentation cognitive (« neuroenhancement »), d’hypervigilance, de stimulation intellectuelle, de concentration et de motivation (« amplificateurs cognitifs »). Tout se passe clairement « là-haut » dans le cerveau qu’il faut « booster », car il est devenu le siège des capacités fondamentales pour évoluer dans des sociétés d’individus hyperconnectées et liquides (Ehrenberg, 2018) à un point tel qu’il est aussi devenu un espace d’intervention et de régulation étatique (Aïdan, 2022). De ce point de vue, les effets indésirables[5], réputés rares et d’intensité faible, peuvent être vus comme le prix modeste d’une adaptation sociale facilitée et d’un accès à une version optimisée de soi. L’intérêt pour la performance cognitive traduit ainsi le renforcement réciproque entre les progrès de l’individualisme dans une société ouverte, et le pari du cerveau et des neurosciences comme moyen d’améliorer les capacités humaines.

Une histoire parallèle au monde des drogues

Le besoin de doper ses performances cognitives n’est pas une tendance nouvelle et de nombreux exemples traversent la littérature, la guerre ou encore le travail. Le philosophe Jean-Paul Sartre a écrit Critique de la raison dialectique en croquant des cachets de Corydrane[6] : « j’en prenais 20 par jour à la fin (…) les amphétamines me donnaient une rapidité de pensée et d’écriture qui était au moins le triple de mon rythme normal » (cité par Julien et Gaudin,1985, p. 96). Dans la pratique de la guerre, cette recherche fut ressentie aussi comme nécessaire (Kamienski, 2016). Les feuilles de coca chez les guerriers incas, le vin chez les héros grecs du Péloponnèse ou, plus proches de nous, la consommation industrielle de Pervitine[7] dans les rangs de la Wehrmacht (Ohler, 2016) sont d’autres exemples de cette longue histoire. Le travail industriel réclama aussi son lot de substances pour s’adapter aux mutations parfois violentes et angoissantes. L’effort, l’épuisement, l’endurance, la concentration, la récupération… sont autant de thématiques introduites par le travail moderne rendant presque incontournable le recours aux substances (Crespin et al., 2017 ; Redonnet, 2010). Les premières dépendances modernes au cours du 19e siècle peuvent être de ce point de vue considérées comme de véritables « pathologies sociales » (Bastide, 1966).

Les pratiques de neuroamélioration que l’on observe aujourd’hui s’inscrivent dans le fil de ces histoires, mais elles diffèrent aussi sur certains points. Elles peuvent surprendre, car elles concernent des gens a priori en bonne santé, car ces substances ne viennent pas compenser un déficit ou un trouble neurodéveloppemental, mais augmenter les capacités cognitives d’acteurs sociaux plutôt intégrés et conformistes, qu’ils soient étudiants, routier « coast to coast », « startupeur » de la Silicon Valley, avocats, musiciens, médecins généralistes… On est loin d’une description de mondes marginaux et de pratiques de défonce morbide incarnées aujourd’hui par les « crackeurs » du Nord-est parisien ou les « zombies » de Kensington Avenue. En s’attelant à la transformation et l’amélioration des corps pour y inclure de nouvelles propriétés par le biais de technologies biomédicales, la pratique prend plutôt sens au regard du mouvement de « biomédicalisation » (Clarke et al., 2003) que connaissent nos sociétés. La quête de performances cognitives s’inscrit dans une forme de « progressisme cognitif » au moment même où l’idée d’une société guidée par le progrès est en berne et connaît des formes de critiques virulentes. L’amélioration des capacités cognitives est, par contre, enviée, convoitée ou fantasmée. L’idée que nous pouvons tous devenir de petits génies capables de produire des choses remarquables ou renverser le cours des choses par la seule force de nos méninges est un nouvel avatar du mythe prométhéen de l’individu. Les promoteurs des « smart drugs » vendent un « espoir de génialité » (Goffette, 2008) dans des manuels de bien-être, des happenings scientifiques, des réseaux communautaires ou encore des boutiques qui dopent leur compte d’exploitation. Nimbé d’une dimension utopique et suscitant de fortes attentes, le projet d’augmentation des capacités cognitives s’inscrit dans le registre de « l’économie de la promesse » (Joly, 2013). L’engouement actuel pour les Haut Potentiel Intellectuel (HPI) ou hier pour le syndrome d’Asperger traduit aussi une forte demande sociale venant de toutes parts. La « surdouance » devient un nouveau marqueur de « noblesse » (Lignier, 2012). À bonne distance de l’addiction, une première image — trouble — de la quête de performance cognitive émerge entre ultime progrès et fantasme.

L’augmentation cognitive aux frontières floues

Il semble ainsi difficile de qualifier ces pratiques à travers les catégories et les cadrages habituels du monde des drogues qui s’avèrent boiteux. L’augmentation des capacités cognitives par le recours à des psychotropes navigue entre le légal et l’illégal, passe souvent du prescrit au proscrit sans être vraiment ni stigmatisée ni vraiment acceptée, appartenant à la fois au registre de « l’innovation conformiste » et questionnant les limites entre « bonne » et « mauvaise » déviance (Otero et Collin, 2015). Entre la gestion individuelle des épreuves et l’injonction normative, la potentialisation de soi et les marges de l’aliénation, le correctif et l’amélioratif, l’hédonique et le fonctionnel, ou encore entre la performance et la peur (Dejours et Rolo, 2017). Dans le « nouveau monde des drogues », cette quête est indexée aux différents projets personnels que formulent les usagers et ce sont eux qui décident grandement du cadrage des substances. Si elles sont devenues symboliquement très malléables et qu’il est devenu difficile d’en établir clairement la grammaire, c’est aussi en raison de leur histoire mouvante. En fait, depuis les années 1960, tout cadrage des usages est instable, car « la période voit également émerger une interrogation sur les limites entre drogues et médicaments, entre usages récréatifs, spirituels, addictifs ou thérapeutiques de certains médicaments » (Henckes et Majerus, 2022, p. 82). Les amphétamines suscitent ainsi tour à tour des espoirs thérapeutiques, des tentatives de normalisation et inversement des paniques morales dans certains débats qui s’interrogent sur leur prescription chez de jeunes enfants (Nouvel, 2009). C’est aussi le cas du LSD qui, avant de susciter un engouement dans la contre-culture des campus nord-américains et d’être interdit, a fait l’objet d’études cliniques comme remède à la dépression, ou d’essais dans le traitement de l’alcoolisme par Abram Hoffer et Humphry Osmond. À la fin des années 60, une méfiance s’installe à propos de la valeur thérapeutique du LSD, le vent tourne et un climat prohibitionniste large s’impose, plongeant le LSD dans les catacombes de l’histoire, avant que des recherches sur les psychédéliques en psychiatrie soient à nouveau relancées ouvrant un espoir de « renaissance » psychédélique (Dubus, 2020).

Entre s’adapter aux exigences productives et espérer un surcroît de créativité

L’histoire des drogues au travail a, bien entendu, une histoire très longue (Courtwright, 2008) et concerne surtout, dans un premier temps, l’alcool qui devient un problème social quand les classes ouvrières du 19e passent sous le regard de l’hygiénisme. On boit pour tenir le choc, mais à l’image des personnages de L’Assommoir (1877) la dépendance conduit à perdre son emploi et à plonger dans la misère qui aggrave en retour ce que l’on ne nomme pas encore addiction. L’alcool au travail est passé sous silence, la conduite d’alcoolisation excessive est cachée tant que possible, par honte et par peur. Les milieux de travail se construisent autour d’une forme de déni et masquent l’enjeu des tensions au travail sous un voile chimique (Negura et Maranda, 2008). Chez les professionnels de santé aussi, on considère plutôt le travail comme un outil thérapeutique contre la dépendance et un levier moral contre la paresse. L’usage est toléré tant que les produits rendent des services productifs et adoucissent des conditions de travail pénibles ou entretiennent des formes de sociabilités utiles aux collectifs de travail (pratiques du « pot »).

L’individu performant sur le devant de la scène

Depuis les années 1990, une large littérature décrit la montée en puissance de nouveaux modèles productifs (Askenazy, 2004) qui font reposer sur l’engagement subjectif la performance de l’organisation du travail et la recherche de nouveaux gains de productivité. Pour tous, l’intensification du travail est devenue ainsi la norme et tout semble bon pour y faire face. Ce « nouvel esprit du capitalisme » (Boltanski et Chiapello, 1999) met ainsi au-devant de la scène des individus moins protégés par les systèmes de régulation traditionnels (les communautés de métier, les syndicats, les collectifs de travail), et s’appuie sur la « critique artistique » du fordisme quand il promet davantage de créativité et de réalisation de soi dans le travail. Le travail doit devenir une forme de plaisir et la performance est la clef pour y accéder. Pour ses détracteurs, « c’est un phénomène de captation incoercible et morbide de la motivation individuelle en vue d’enfermer l’intimité des sujets dans les nouvelles dépendances au travail » (Pharo, 2018, p. 150). Bref, on tournerait le dos à l’aliénation marxiste, mais en acceptant le prix de l’engagement personnel sans filet. Dans un tel contexte, l’engouement pour doper ses capacités (a fortiori cognitives) est tout sauf un hasard !

À la même période, les études sur les conditions de travail décrivent une augmentation des charges psychiques et des exigences cognitives à tel point qu’une nouvelle « ergonomie cognitive » (Bach et Scapin, 2005) est apparue avec pour objectif l’optimisation des interactions entre humain et système, et l’augmentation de la performance grâce à une prise en compte de la mémoire, de l’attention ou de la perception dans un contexte de flux informationnel continu et de diffusion de nouvelles technologies causant surcharge et fatigue cognitives. En proposant des interfaces adaptatives, des assistants virtuels ou le recours à l’IA, l’ergonomie cognitive agit cependant à la marge d’un monde du travail où tout se conjugue pour augmenter la charge mentale[8]. La pratique du management dit « à forte implication » (Blasco et al., 2024) montre l’existence d’une association négative entre l’intensité au travail et la santé mentale. Les travaux sur l’intensité perçue dans une approche dynamique (Burchell et al., 2009) mettent en exergue surtout les nouvelles pratiques managériales « post-tayloriennes » (High Involvement Management) qui développent une forte implication des travailleurs dans le but d’accroître leur motivation, la productivité ou la rémunération à la performance (Böckerman, 2015). C’est un système dans lequel autonomie et pression mentale vont de pair (Bouville et Alis, 2014) alors que jusqu’à présent prévalait le modèle bidimensionnel de Robert Karasek établit dans les années 1970 qui pointait les effets protecteurs de l’autonomie décisionnelle du travailleur face au stress causé par les exigences professionnelles (concept de Job Strain). En France, toujours à la même période, des services de soins spécialisés en « toxicomanie » voient arriver un nouveau profil d’usagers intégrés qui sont en emploi et qui s’inquiètent des dommages causés par leur difficulté à contrôler les produits consommés alors qu’ils cherchent manifestement à mieux s’adapter aux changements des conditions de travail et d’emploi et à protéger leur employabilité. Pour Michel Hautefeuille (2017) il s’agit de « trouver l’énergie qui leur fait défaut, la concentration qu’ils espèrent et la productivité qu’ils recherchent ou qui leur est demandée » (p. 158).

De l’injonction à l’adaptation à la performance individuelle

Plusieurs travaux mettent en avant un « dopage au quotidien » avec le recours à des compléments alimentaires ou chimiques de l’action. Le concept de « conduites dopantes » qui visent l’usage de substances pour affronter un obstacle (réel ou ressenti) ou pour améliorer ses performances (Laure, 2000 ; 2006) est désormais préféré tant il permet de se détacher du champ sémantique de la triche ou de la nécessité pour laisser entrevoir une dimension plus capacitaire. On observe aussi un glissement progressif d’une définition négative qui met l’accent sur la seule nécessité de s’adapter aux mutations violentes du travail à une définition plus positive qui pointe le désir d’améliorer sa performance comme individu. Ce glissement est notamment perceptible si l’on met l’accent sur l’usage de cocaïne[9]. L’étude de Cohen et Sas (1996) montre qu’en 1987, l’usage de cocaïne chez les usagers intégrés d’Amsterdam se fait surtout dans un cadre festif. Lorsqu’on a interrogé ces usagers sur les situations dans lesquelles il était préférable de ne pas consommer, le travail arrive en première position. Dans une étude publiée par l’Observatoire Français des Drogues et des Tendances Addictives (Raynaud-Maurupt et Hoareau, 2010) plus de vingt ans après, la consommation de cocaïne sur le lieu de travail n’est pas jugée aussi incompatible. La cocaïne est perçue comme un produit dopant et donc favorable à la réalisation des tâches demandées. Pour les usagers, elle permet d’augmenter les facultés de concentration et surtout de « stimuler l’intérêt pour une tâche à réaliser » (Raynaud-Maurupt et Hoareau, 2010, p. 107). Il s’agit donc d’un glissement léger, car l’amélioration de soi est une motivation difficile à cerner tant les stratégies de coping et d’adaptation pèsent lourd dans les nouveaux contextes de travail. En France, les données épidémiologiques montrent ainsi que plus les conditions de travail sont difficiles et les statuts précaires, plus on consomme d’alcool, de cannabis ou de cocaïne (Andler et al., 2021). Quant à la consommation de médicaments psychotropes, le même lien entre dureté du travail et fréquence de l’usage est attesté, que ce soit chez des salariés ou des travailleurs indépendants (Ha-Vinh et al., 2011). Le Moigne (2003) rappelle que le recours aux psychotropes est lié (contrairement au recours médicinal dans son ensemble) à l’absence de diplôme et à une faible position sociale et traduit une médicalisation de la précarité au moins sur des périodes courtes. Lorsqu’un salarié se sent démuni pour faire face aux exigences ressenties dans son travail, la consommation de psychotropes est démontrée pour encaisser le mal-être et les pénibilités (Loriol, 2017), et plus généralement pour « euphémiser » les contraintes du travail (Amado et Lhuilier, 2023 ; Lhuilier, 2017).

Une pratique tolérée et cachée

Ces formes de « dopage » sont devenues synonymes d’une nouvelle culture d’entreprise autour de la performance. Écoutons le credo des startup sur l’ambiance au travail ou l’émulation collective dans les open-space, regardons comment la figure du bon manager évolue vers une fonction maïeutique où il convient de tirer de chacun le meilleur de soi, constatons avec quelle violence sont exclus du groupe ceux qui ne jouent pas le jeu et comprenons aussi que les pratiques de dopage cognitif possèdent un caractère systémique quand elles génèrent des phénomènes d’alignement et de « mimétisme neurologique » ou une « synchronisation des cerveaux » (Pharo, 2014) dans une communion autour de la performance. C’est pourquoi l’augmentation des capacités cognitives provoquée artificiellement et rapidement par un dispositif biomédical se trouve dans un entre-deux normatif qui la rend plus tolérée socialement. D’un côté, on retrouve une thématique assez traditionnelle des « usagers cachés » (Fitzgerald, 1996) et de la « double vie » (Fontaine, 2006). Les usagers de « smart drugs » fréquentent assez rarement les lieux de soins spécialisés (Palle, 2021) et restent discrets sur leur lieu de travail à la fois parce que des tests de dépistage sont apparus pour les substances illégales et entretiennent la norme du secret (Robinaud, 2017) et parce qu’ils craignent d’être pris en flagrant délit de triche en masquant le fait qu’ils ne sont plus performants. D’un autre côté, il y a une certaine tolérance et normalisation, car les salariés s’échangent aussi dans des relations restreintes des savoirs et des « plans » sur les produits, et ne comprennent pas pourquoi il faudrait rester inactif face aux défis posés par le travail.

L’augmentation cognitive dirigée vers la performance individuelle offrirait un versant « moralement acceptable » à la prise de substances en contexte professionnel qui échappe au cadrage par la déviance et l’addiction. Elle jouit d’un certain consensus en ce sens qu’elle offre une solution précisément là où semble se poser le problème : dans et seulement dans l’individu. Cependant, les travaux de Fontaine (2006) sur les usages de drogues en situation professionnelle (art contemporain, hautes technologies, journalisme, métier de la communication, commercial, marketing, audiovisuel, milieux de la nuit, restauration…) montrent que cette forme de dopage relève souvent du fantasme. L’idée que cela permettrait d’être vraiment plus efficace ne serait qu’une illusion. Par exemple, la consommation de cocaïne entretient « la légende de la performance », mais « une majorité d’usagers explique que plus qu’une réelle augmentation de capacités, il s’agit de l’illusion d’être efficace ou plus efficace que d’habitude » (Fontaine, 2006, p. 166 et 167). Là encore, il n’est pas évident que cette pratique ne soit autre chose qu’un palliatif ou une tentative de contournement des nouvelles exigences cognitives du travail, ou encore l’expression d’un sentiment de responsabilité dans la gestion proactive de la « souffrance au travail » (Dejours, 1993).

Entre compétition et rétablissement de l’égalité des chances

Que ce soit dans la carrière professionnelle ou en contexte scolaire, la quête de performance individuelle s’inscrit aussi dans des compétitions sociales qui se veulent, à l’image du sport, un combat à armes égales qui voit triompher le plus méritant, le plus rapide ou le plus fort. Les sciences sociales ont montré la réalité des choses. Le dopage et la triche sont des tentations consubstantielles à ces arènes à tel point que certains proposent de l’entériner et de lancer des « enhanced games », des jeux olympiques sans contrôle antidopage… dans un souci de rétablir l’égalité entre les compétiteurs (Lepeltier, 2024). C’est ainsi que neuroaugmentation et égalité des chances seraient parties liées dans nos sociétés.

Se hisser à la hauteur de l’épreuve

Le « dopage académique » a été très étudié dans des contextes marqués à la fois par une forte compétition scolaire et de fortes inégalités dans la mobilité sociale. Dans certains pays comme la France, destins scolaire et socioprofessionnel sont très liés, la reproduction sociale est massive : sept enfants de cadres sur dix deviennent cadres, et sept enfants sur dix d’ouvriers seront dans des emplois d’exécution (Dubet et Duru-Bellat, 2020). Les inégalités sont très critiquées dans les sociétés « paradoxales »[10] avec d’un côté une vénération collective pour l’égalité, et de l’autre des familles — principalement de classes moyennes et supérieures — qui développent des stratégies distinctives (choix de filière internationale, cours particuliers etc) et des stratégies d’évitement (contournement de la carte scolaire etc) dans le but de faciliter la réussite de leurs enfants. La quantité de travail à fournir pour obtenir le même résultat scolaire et une chance sociale équivalente est donc significativement différente selon les milieux sociaux, alors même que « tout se joue par l’école » (Frouillou et Bodin, 2019) et que cette compétition se poursuit à l’université à l’intérieur du système où se multiplient les mises à l’épreuve. Le recours contemporain aux stimulants et les pratiques d’augmentation cognitive ne peuvent pas être compris sans les rapporter à ce contexte de sélection sociale qui structure un système d’attentes incitatif au dopage.

Selon Maier et al. (2015, p. 222), le « neuroenhancement » pharmacologique décrit « l’usage non médical d’une prescription de médicaments, d’alcool et de drogues illégales dans le but d’améliorer la cognition, l’humeur ou un comportement prosocial pour améliorer sa performance au travail ou pendant ses études ». Si l’on s’en tient à cette seule définition et aux univers sociaux qu’elle désigne, ces comportements sont devenus très courants chez les étudiants états-uniens qui affichent des taux de prévalence de 8 à 43 % selon les études (Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, 2018). Selon une métanalyse réalisée sur 20 études, la prévalence de l’usage au cours de la vie est estimée à 17 % des étudiants de premier cycle (Benson et al., 2015). L’enquête Monitoring the Future 2015 le confirme puisque 10,7 % des étudiants de premier cycle ont déclaré avoir consommé de l’AdderallMC dans l’année. En France, la question a pris une consistance avec les craintes concernant le détournement du méthylphénidate qui aurait connu une envolée de 20 % entre 2012 et 2014 (Agence Nationale de Sécurité du Médicament, 2017). Les étudiants en médecine sont particulièrement investigués pour les médicaments psychoactifs sans doute à la fois pour des raisons de facilité d’enquête, mais aussi compte tenu de l’hyper sélection dont ils sont l’objet qui nécessite de grosses capacités d’apprentissage et de mémorisation. Hors cadre thérapeutique, ce sont 19 % des élèves de 16 ans qui déclarent avoir déjà pris des anxiolytiques ou des hypnotiques au cours de leur vie et près d’un jeune de 17 ans sur quatre déclare avoir déjà consommé au moins un tranquillisant, un somnifère ou un antidépresseur au cours de sa vie (Spilka et al., 2016). On observe le même phénomène de halo puisqu’une multitude d’autres produits sont aussi consommés : des stimulants (amphétamines, cocaïne, Modafinil, méthylphénidate, pseudoéphédrine), des narcotiques, des cannabinoïdes, des glucocorticoïdes (anti-inflammatoires non stéroïdiens), des bêta-bloquants, des anxiolytiques, des hypnotiques et antidépresseurs (Tromeur, 2019).

Un cerveau augmenté pour rester dans la course ?

La première justification de la neuroamélioration concerne d’abord les résultats scolaires (Bennett et Holloway, 2017 ; Drazdowski, 2016 ; Finger et al., 2013), avec sans doute des pics lors des périodes d’examen. L’analyse des eaux usées d’une résidence universitaire états-unienne a permis de constater une concentration d’amphétamines lors des examens (Burgard, 2013). Les principaux effets recherchés sont alors d’augmenter leur rendement scolaire, pouvoir travailler plus longtemps, être plus concentré, mieux se préparer aux examens (Lookatch et al., 2014), mémoriser plus rapidement une grande quantité d’informations, faire face au stress des examens (Robitaille et Collin, 2016 ; Wilens et. al., 2008). Si les stimulants sont répandus chez les étudiants, c’est parce -selon eux — à partir d’un certain niveau d’études, beaucoup se sentent incapables de réussir sans ces produits, car dépourvus des capacités nécessaires (McKiernan et Fleming, 2017). Bien entendu, la forte prévalence de consommation de produits psychostimulants afin d’améliorer les résultats scolaires indique moins une flambée des troubles mentaux (TDA-H en l’occurrence) que le signe que les élèves ont du mal à s’intégrer dans la classe et s’adapter (Maturo, 2013). Dans le contexte français, les principales justifications de la part des étudiants concernent les mêmes objectifs (réviser beaucoup, mieux mémoriser, déstresser…), évoquent aussi la maximisation des chances personnelles dans un concours sélectif et plus globalement dans la vie, mais soulèvent aussi l’idée de profiter du moment présent et de sa jeunesse (faire la fête, mais être quand même en forme pour réviser) (Milhet et Langlois, 2017). Bref, il s’agit de gérer des contradictions et des épreuves typiques de la vie juvénile.

Un droit et une question de justice sociale… vraiment ?

Établir la grammaire d’une pratique discrète entre conformisme et déviance conduit à remettre en question le « dopage académique » au regard des questions de justice sociale : est-ce un moyen de rétablir ses chances ou de fausser la compétition ? Les principes de justice en jeu ne sont pas très clairs. La compétition scolaire étant largement pipée, les usagers tentent-ils de contourner les inégalités et leurs handicaps en trichant ? Peut-on considérer cette forme de dopage comme une tentative de « redistribution » au sens de Ronald Dvorkin, une manière d’égaliser des ressources initiales inégalement distribuées et se traduisant par différents handicaps sociaux et personnels, d’atténuer un désavantage alors que l’État aurait abandonné son rôle de réparation de handicaps qui ne résultent pas de choix individuels. Laure (2006) qui pose cette question dans le champ sportif pointe plutôt « l’illusion que la réussite est finalement à portée de tous ». Dans ce contexte qui fait reposer sur les épaules des individus la démocratisation des systèmes sociaux, l’amélioration des performances cognitives est quasiment un droit (Goffette, 2008). Dans son analyse de contenu d’ouvrages portant sur les « smart drugs », Goffette note que l’intelligence apparaît comme un droit presque sacré et non plus un privilège de classe, qui rend légitimes le dopage cognitif et le désir d’améliorer ses performances. Mais la quête de performances cognitives reste troublante selon la place que l’on tient dans cette compétition, à la manœuvre soit pour remporter une compétition grâce à des chances rétablies (pour les plus défavorisés) soit pour conserver sa place et de maintenir une forme d’avantage ou de privilège (pour les plus favorisés). À qui profite ce (non)crime ? Le public étudiant étant dans la plupart des pays un public socialement favorisé, on peut faire l’hypothèse que cette forme de dopage soit finalement un élément — parmi d’autres — de conservation en l’état des inégalités sociales. Les espoirs placés dans la prise de substances à des fins amélioratives semblent buter sur la très dure réalité de la structure des inégalités (Bihr et Pfefferkorn, 2008).

Entre la fabrique d’un soi optimisé et faire la paix avec soi

Dans les sociétés contemporaines où la pensée libérale occupe une place centrale, les individus se trouvent face à l’injonction de conduire leur existence de manière autonome et de se construire sur le mode de la singularité (Martuccelli, 2010). La contrainte « taylorienne » sur les corps reflue au profit de la mobilisation de soi et de l’esprit d’initiative. Les pratiques d’amélioration cognitive semblent participer pleinement de cette morale de vainqueurs qui peut prendre un aspect extrême quand elle vise une utopie transhumaniste (Damour, 2019) qui anticipe une nouvelle civilisation technobiologique sans que l’on sache par ailleurs comment serait orientée moralement la neuroamélioration et sans que ne soit écarté le risque de produire des « super-vilains » (Huneman, 2023). Il y a toujours eu un doute concernant le « human enhancement » : s’agit-il de booster les capacités humaines ou d’améliorer la nature humaine ? (Bateman et Gayon, 2012). La dernière question qu’il convient donc de se poser pour démêler les écheveaux de la grammaire de la performance cognitive est celle du type d’individu qu’elle produit.

Se sentir mieux, se faire normal

Chaque époque cultive des fantasmes anthropologiques. Le modèle d’individu que nous poursuivons n’est pas vraiment une production libre. Depuis quelques décennies, la santé mentale s’attache à décrire en creux ce qu’est un individu normal. Crowe (2000) a étudié le système de croyances dominant dans le discours du DSM IV et a montré que la définition des troubles mentaux est basée sur un type particulier de normalité qu’il décrit dans quatre postulats : la productivité (chacun doit contribuer à la production et être actif), l’individualisme (s’affirmer indépendamment des autres, être dans la compétition effrénée, développer une personnalité narcissique), la modération (il faut être équilibré et dans la tempérance), la rationalité (il faut mettre en place des moyens adéquats pour atteindre des buts). Le projet de neuroamélioration se fond parfaitement bien dans les canons de cet individualisme néolibéral qui est bien plus autoritaire qu’il n’y paraît quand il s’étend à de nombreux domaines de la vie sociale et pathologise en retour des expériences qui pourraient être considérées comme des réponses inadaptées à des épreuves et parfois à de (simples) événements de la vie.

Individuation et microdose

Généralement, les projets d’amélioration cognitive par le biais de « smart drugs » ne font pas appel à des remèdes de cheval et ne font pas l’apologie du droit à l’excès. Bien ancrés dans le « nouveau monde des drogues », ces projets s’appuient souvent sur la notion de « microdose » moins en raison de la pharmacologie que de la sociologie, moins pour les effets physicochimiques des substances qu’en référence à l’identité sociale intégrée de ceux qui en attendent des effets positifs. La question de la dose a toujours été au cœur des pensées et pratiques psychotropiques depuis au moins Théophraste dont le traité de botanique distinguait au IVe siècle av. J.-C. les « bonnes » doses de datura[11] permettant de bien se sentir. Le microdosage traduirait le stade supérieur du savoir autour des substances, et d’une certaine façon la prise de pouvoir de l’usager sur le produit dans une démarche fonctionnelle. Son succès tient sans doute à la croyance qu’elle permet d’articuler les vertus amélioratives des produits tout en évitant leurs effets néfastes[12]. Cette démarche aurait ainsi intégré à la fois les principes de la réduction des risques et le projet du droit aux drogues dans un cadre non déviant. James Fadiman a promu la microdose de psilocybine et a soutenu que de faibles doses de LSD améliorent le fonctionnement cognitif (« cognitive enhancer »), l’équilibre émotionnel et l’endurance physique sans ressentir les effets collatéraux de la dose normale (distorsion des sens et de la perception, dépersonnalisation). En 2017, au cours de la conférence Oakland Psychedelic Science, il évoque l’idée que le microdosing pourrait augmenter la productivité et présente des résultats suggérant que cette stratégie a aussi un effet thérapeutique dans le traitement de la dépression, des états anxieux et des troubles de l’attention. D’autres recherches avec des niveaux de preuve et des méthodes plus robustes et portant surtout sur des thérapeutiques en santé mentale semblent aller dans le même sens selon Biancardi (2019)[13]. La question de l’augmentation de la créativité semble cependant plus épineuse que la performance plus aisément objectivable par des indicateurs indépendants de l’usager et non réductibles à un « effet insight ». L’origine de l’intuition de Fadiman (2011) est intéressante : il puise des exemples dans la littérature historique ou chez les premiers ethnographes comme Bernardino de Sahagun, mais aussi à partir d’exemples concrets tirés de son univers[14] qui a été décrit comme une « relation heureuse entre substance psychédélique, la contre-culture et les entrepreneurs de l’industrie High Tech de la Silicon Valley » (Biancardi, 2019). La microdose est au fond une garantie anti-stigmate. L’histoire des substances psychoactives regorge en fait d’expériences testant son intérêt. Dans les années 60 et 70, la Phencyclidine, plus communément appelée PCP ou Angel Dust a connu un certain succès, les consommateurs appelés « dusters » utilisait la PCP en faible dose dans un but de stimulation (l’usager est alors « buzzed »)[15]. Plus proche de nous, la consommation de GHB se développe aux États-Unis où il sera en vente libre jusque 1998. Les usagers en utilisent de faibles doses pour leurs propriétés euphorisantes et désinhibitrices, ce qui leur permet aussi de rester dans une marge de risque faible et de placer leur consommation sous les auspices d’un certain conformisme. Les doses minimales améliorent surtout les pensées et les idées que nous nous faisons de nous-mêmes, elles pacifient un rapport à soi forcément problématique dans la modernité hyperréflexive tout en nous permettant de rester en dehors du monde des drogues empreint de stigmatisation et de marginalisation. Le dopage cognitif est traversé par une éthique de contrôle et de la modération qui aurait passionné Max Weber.

Conclusion

Les « smart drugs » comme nouveau dispositif viennent s’encastrer dans la vieille question de la performance qui, désormais, ne relève que de l’individu et de sa capacité à mobiliser son cerveau dans un contexte de domination croissante des neurosciences sur l’ensemble des questions sociales. Aux confins de l’addiction, des conduites dopantes et de la quête de performance, établir une grammaire des pratiques de neuroamélioration n’est pas simple. Elles se singularisent a minima par la question du self-control et celle du climat de relative tolérance dans laquelle ces pratiques se déploient. La neuroamélioration est avant tout une promesse qui n’est pas « stabilisée » (Denis, 2021). Elle contient toujours l’idée qu’elle est davantage qu’une simple tactique d’adaptation aux exigences structurelles ou une aide pour surmonter les épreuves, en promettant à la fois une meilleure version de soi-même plus géniale et plus créative, et un accès à une meilleure société plus juste et plus égalitaire. Les résultats, bien souvent, sont décevants : le surcroît de performance individuelle apparaît comme une illusion aux salariés à bout de souffle, l’égalité des chances n’est pas restaurée et les meilleures places sont toujours réservées. Au mieux, on se sent mieux avec soi-même, car on a répondu au devoir de faire ce qu’il faut pour être normal. Entre « neuropromesse » et « neuroscepticisme » (Forest, 2014 ; 2022), la neuroamélioration fait croire que tout est dans l’individu, que l’on peut détacher le cerveau du reste du corps et, surtout, qu’il est inutile de mettre à jour d’autres principes de responsabilité aux désordres sociaux et aux faillites personnelles (Gonon, 2024). La promesse majeure, entre progrès et fantasme, est celle d’un individu enfin capable de sortir « par le haut » des apories du social.


Notes

[1] ^ « Have you ever dreamt of a better version of yourself? » est l’intrigue du film The Substance (2024)

[2] ^ Pour les théoriciens et promoteurs de l’augmentation cognitive, le cerveau ne suit pas le rythme de ces changements : « Are we good enough? If not, how may we improve ourselves? Must we restrict ourselves to traditional methods like study and training? Or should we also use science to enhance some of our mental and physical capacities more directly? » (Savulescu et Bostrom, 2008, p1)

[3] ^ Par exemple, le Maqmonq pour les gamers qui promet des « réactions plus rapides que l’éclair ».

[4] ^ « Nootrope » du grec noos (esprit) et tropein (allers vers) : produits qui améliorent les fonctions cognitives. Certains écrits usent de la formule « supermarché du coup de pouce » tant le nombre de produits est important et le marketing omniprésent : Provigil, Genius Consciousness (un temps le plus vendu sur Amazon), Brain Booster… ou encore le Mémovia 5 qui contient « 5 actifs naturels destinés à ceux qui veulent garder un cerveau vif et une mémoire intacte ». Pour beaucoup, il n’existe pas d’essai clinique sur leur efficacité an tant que stimulant cognitif.

[5] ^ Pour l’essentiel : agitation psychomotrice, insomnie, nervosité, agressivité, risque de dépendance.

[6] ^ Composé d’aspirine et d’amphétamines, le Corydrane est un stimulant fortement répandu dans les années 1950 notamment dans les milieux intellectuels (Guilbert, 2019) avant d’être retiré du marché français en 1971.

[7] ^ La Wehrmacht était dopée aux méthamphétamines pendant l’invasion de la Pologne en 1939. La Pervitine, un genre de crystal meth visant à diminuer le stress et la fatigue est devenue « la pilule d’assaut » (go-pills).

[8] ^ Multiplication des postes avec une dimension de sécurité/sureté, plus forte emprise sur la vie personnelle, montée en puissance des métiers de service et du stress relationnel, évaluation permanente de la performance des opérateurs y compris dans les secteurs non marchands, généralisation des formes dérégulées d’emploi et d’activités individus-centrés où le producteur est sa propre marchandise (coach, consultants, influenceur…) et marché de l’emploi salarié plus compétitif où chacun -y compris les plus vulnérables — doit jouer sa chance.

[9] ^ La cocaïne est le produit emblématique du « dopage cognitif ». La baisse importante de son prix de vente au cours des vingt dernières années est une des causes de sa diffusion comme drogue de la performance.

[10] ^ Voir le « paradoxe de Bossuet » décrit par Pierre Rosanvallon dans La société des égaux (2011)

[11] ^ « On en administrera une drachme si l’on veut que le patient se sente mieux et pense du bien de lui-même (c’est nous qui soulignons) ; le double s’il doit délirer et souffrir d’hallucinations ; le triple si on veut le rendre fou ; on administrera une dose quadruple s’il doit mourir » (Hist. Plant, IX, 11, 6.) cité in Escohotado, 1995, p26.

[12] ^ Dans un article du 05 décembre 2024, le New York Times a publié un article traitant de cette tendance entretenue par des influenceurs sociaux dans le la lutte contre le surpoids : « Some people are taking tiny amounts of weight loss medications, hoping to drop pounds while avoiding side effects » (Blum, 2024)

[13] ^ Parmi les effets positifs enregistrés par les consommateurs ayant participé à la première étude-pilote de Fadiman, on ne trouve pas moins de 18 items allant de l’augmentation de la sociabilité chez les sujets atteints du syndrome d’Asperger à l’augmentation des capacités créatives en ce qui concerne la codification informatique et le design en passant par l’augmentation de la concentration dans les salles d’étude ou encore la facilitation à dépasser le « blocage de l’écrivain » (Biancardi, 2019). Qui dit mieux !!

[14] ^ Ce serait Timothy Leary himself qui offrit à Fadiman sa 1re dose de LSD.

[15] ^ Une dose plus importante altère la coordination motrice et modifie les sensations corporelles (usagers sont « wasted »), une dose plus forte les pétrifie (« ozoned »).

 


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