CHRISTINE THOËR, JOSEPH JOSY LÉVY /
Joseph Josy Lévy, Professeur au Département de sexologie, Université du Québec à Montréal (UQAM)
Correspondance : Christine Thoër, Département de communication sociale et publique, Université du Québec à Montréal, Case postale 8888, Succursale Centre-Ville, Montréal (Québec) H3C P8, Téléphone : 514 987-3000, poste 3295, Courriel : thoer.christine@uqam.ca
Résumé
Dans les styles de vie des adolescents et des jeunes adultes, le visionnement de films, de téléséries et de webséries occupe une place importante. Ces productions présentent des personnages et des scénarios qui mettent en scène les différentes problématiques auxquelles ces populations peuvent être confrontées telles que la consommation de drogues et de médicaments. Afin de cerner les modèles proposés, deux saisons de la websérie Skins, produite en Grande-Bretagne et qui remporte un grand succès international, ont été analysées à partir d’une étude de contenu faisant appel à une méthodologie mixte, quantitative et qualitative. Les analyses indiquent que la question des drogues et des médicaments occupe une place importante, le cannabis restant la drogue la plus représentée et utilisée tant par les personnages masculins que féminins. Elle est suivie par l’ecstasy. Si les drogues dures sont peu représentées, le recours aux médicaments à des fins non médicales est bien illustré, en particulier par les antidépresseurs et les traitements pour les troubles de l’érection. La websérie met en scène les étapes d’accès aux substances, leur préparation, leur consommation et même leur revente alors que ces thématiques étaient traitées de façon périphérique dans les productions télévisuelles des années 1990. Les modalités des états de conscience, de la défonce légère aux effets plus extrêmes et dangereux, sont abordées dans Skins. Cela met en évidence la variété des contextes et les fonctions collectives et individuelles de la consommation. Ces substances ne font généralement pas l’objet d’une évaluation négative dans les scénarios qui insistent plutôt sur leur banalisation et sur leur intégration dans le quotidien des jeunes, et ce, sans grands risques pour l’état de santé. Il resterait à cerner le processus de réception de cette série dans les différents contextes nationaux et à voir dans quelle mesure ces contenus influencent les normes et les pratiques de consommation des substances et des médicaments chez les adolescents.
Mots-clés : websérie, Skins, représentations, drogues, médicaments, usages, effets
When my favourite character is a user: depiction of medication and drug use in the webseries Skins
Abstract
In the lifestyles of teenagers and young adults, the viewing of movies, TV soaps and web series is an important activity. These productions present characters and scripts which illustrate the various problems these populations are facing, among which the consumption of drugs and medicines. To describe the models represented, two seasons of the popular web series Skins produced in Great Britain and a big success in many countries, were analysed using a content analysis based on quantitative and qualitative methodology. The results indicate that the question of illegal and medical drugs is an important topic, with cannabis as the drug most often represented and used by both male and female characters, followed by ecstasy. If the depiction of hard drugs is rare, non-medical use of prescription drugs is well illustrated, in particular with antidepressants and treatments or erectile dysfunction. The web series stage the phases of access to substances, their preparation, their consumption and even their resale, topics treated in a peripheral way in the TV productions of the 1990s. The states of consciousness, from light effects to extreme and dangerous ones are represented, illustrating the variety of contexts and the collective and individual functions of drug use. These substances are not generally the object of a negative evaluation within the story-line, insistance being put rather on their everyday acceptance and their integration in the everyday life of young people, without great risks for the health. It remains important to document the reception of this web series in various national contexts and to understand its influence on the standards of consumption of illegal substances and prescription drugs by adolescents.
Keywords: webserie, Skins, representations, drugs, medicines, uses, effects
Cuando mi personaje preferido consume drogas: usos y representaciones de los medicamentos y las drogas en la serie Web Skins
Resumen
El visionamiento de películas, series de televisión y de Web ocupa un lugar importante en los estilos de vida de los adolescentes y de los jóvenes adultos. Estas producciones presentan personajes y situaciones que escenifican las diferentes problemáticas a las que pueden verse confrontadas estas poblaciones, como el consumo de drogas o de medicamentos. Con el fin de delimitar los modelos propuestos, se analizaron, a partir de un estudio de contenidos en el que se aplica una metodología mixta, cuantitativa y cualitativa, dos temporadas de la serie Web Skins, producida en Gran Bretaña con un gran éxito mundial. Los análisis indican que la cuestión de las drogas y los medicamentos ocupa un lugar importante, siendo el cannabis la droga más representada y utilizada, tanto por los personajes masculinos como femeninos, seguida por el éxtasis. Si bien las drogas duras están poco representadas, el recurso a los medicamentos con fines no medicinales está bien ilustrado, en particular por los antidepresivos y los tratamientos para los problemas de erección. La serie Web pone en escena las etapas de acceso a las drogas, su preparación, su consumo e incluso su reventa, a diferencia de las producciones televisuales de años 90, en las que estos temas se trataban de manera periférica. En Skin se representan las modalidades de los estados de conciencia, del hundimiento suave a los efectos más extremos y peligrosos, poniendo en evidencia la variedad de contextos y las funciones colectivas e individuales del consumo. En general, estas drogas no son objeto de una evaluación negativa en las escenas, donde se insiste más bien en su banalización e integración en la vida cotidiana de los jóvenes, sin grandes riesgos por su estado de salud. Quedaría por definir el proceso de recepción de esta serie en los diferentes contextos nacionales y ver en qué medida estos contenidos influyen en las normas y prácticas de consumo de drogas y medicamentos entre los adolescentes.
Palabras clave: serie Web, Skins, representaciones, drogas, medicamentos, usos, efectos
Introduction
Parmi les loisirs auxquels se consacrent les adolescents et les jeunes adultes dans la société contemporaine, le visionnement de téléséries occupe un temps important, que ce soit sur DVD, à la télévision ou sur Internet. Ces séries diffusent, à travers les épisodes et les évènements que vivent les personnages principaux, un ensemble de représentations, de normes et de modèles qui peuvent influencer les conduites des spectateurs. Or, dans certains domaines, comme ceux touchant à la sexualité ou à l’usage des drogues, des sujets qui sont moins abordés avec les parents les médias figurent parmi les principales sources d’information des jeunes (Lariscy, Reber et Paek, 2011).
Depuis une quinzaine d’années, on observe une progression de la consommation de drogues chez les adolescents et les jeunes adultes. Ceux-ci utilisent une plus grande variété de substances et on note également une augmentation du recours aux médicaments utilisés à des fins de recherche de sensations (Johnston et al., 2010a et b ; McCabe et al., 2007 ; SAHMSA, 2010). Dans le contexte québécois, selon une recension récente des résultats de recherche sur le recours aux psychotropes par les 15-24 ans (Institut national de santé publique du Québec, 2009), la consommation excessive d’alcool ( cinq verres et plus à chaque occasion) était rapportée par plus de 80 % des répondants au moins une fois dans l’année précédente et par 40 % cinq fois et plus dans la même période de temps. Pour le cannabis, la drogue la plus populaire, 73 % rapportaient l’avoir utilisé au cours de leur vie et 46 % dans les douze derniers mois. Parmi les consommateurs, 58 % rapportaient en faire usage au moins une fois par semaine. Quant aux autres substances, 24 % rapportaient en avoir consommé au moins une fois dans leur vie et 10 % dans les douze mois précédant l’enquête, en particulier la cocaïne, les méthamphétamines et le PCP/LSD. Les usages détournés des médicaments concernent aussi les jeunes Québécois. Ils ont recours aux substances dopantes pour améliorer leurs performances sportives, académiques et sexuelles (Lévy, 2009 ; Garceau-Brodeur, 2006 ; Thoër et Robitaille, 2011). Par exemple, les antidouleurs opiacés ou encore les sirops pour la toux à base de dextrométhorphane font partie des médicaments dont l’usage est couramment détourné par les jeunes (Levy et Thoër, 2008).
Cette problématique de la consommation des drogues se reflète dans les productions culturelles contemporaines qui se sont emparées de cette thématique pour alimenter les scénarios filmiques et télévisuels. De ce fait, il apparaît important de mieux cerner les représentations de ces produits et des pratiques qui leur sont associées dans les fictions sérielles populaires auprès des jeunes. L’analyse de ces productions peut en effet permettre de cerner les personnages, les situations et les comportements qui y sont représentés et, ainsi, aider à saisir les modèles socioculturels auxquels sont confrontés les jeunes.
Parmi les téléséries qui ont récemment retenu l’attention des adolescents et des jeunes adultes, on peut citer la série anglaise Skins qui a pour particularité d’être diffusée sur les chaînes de télévision payantes de certains pays et sur Internet. Celle-ci est suivie par des centaines de milliers d’auditeurs dans plusieurs pays, notamment au Québec. Dans cet article, nous dégagerons les représentations sociales des drogues et des médicaments véhiculées dans cette série. Les représentations sociales sont entendues ici comme des ensembles organisés de connaissances, de croyances, d’opinions, d’images et d’attitudes à l’égard d’un objet social donné, « ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social » (Jodelet, 1994, p. 36). La mise en images qui s’opère dans les médias de divertissement joue un rôle important dans la circulation des représentations, des notions abstraites devenant plus accessibles (Moscovici, 1961). La construction représentationnelle suppose aussi l’établissement de liens entre la représentation et la culture dans laquelle baigne le groupe ou l’individu. Ce processus d’ancrage de la représentation (Moscovici, 1961) est favorisé dans les fictions sérielles qui font référence à des contextes, à des personnes et à des actions, qui sont tous connus du public et auxquels celui-ci peut s’identifier.
Après avoir cerné les données relatives à la popularité des séries diffusées à la télévision et sur Internet, nous présenterons les principales recherches sur les représentations des drogues et des médicaments dans ces contenus et nous discuterons des processus d’influence à l’œuvre sur les conduites des jeunes. Par la suite, nous dresserons un portrait de la série Skins et nous présenterons les résultats de l’analyse de contenu réalisée sur les épisodes des deux premières saisons.
La popularité des téléséries et des webséries chez les jeunes
La télévision constitue l’un des passe-temps les plus importants des adolescents (12-17 ans)
et des jeunes adultes (18-24 ans) qui, selon les données américaines Nielsen (2011), la regardaient respectivement en 2010, 23 h 41 min et 26 h 40 min par semaine. En France, les jeunes adultes s’attacheraient en particulier à suivre des téléséries, notamment américaines, qui se sont multipliées avec le développement des chaînes câblées souhaitant fidéliser leur auditoire (Chambat-Houillon, 2012 ; Glevarec et Pinet, 2007). Les téléséries américaines progressent aussi au Québec, mais surtout sur les chaînes câblées, les dramatiques produites au Québec étant par contre très populaires sur les chaînes locales francophones (BBM, 2011-2012). L’engouement des jeunes pour les fictions sérielles s’expliquerait, entre autres, par le fait qu’elles sont en lien étroit avec leur réalité quotidienne, qu’elles illustrent des problématiques existentielles qu’ils rencontrent dans leur développement psychosocial et qu’elles permettent de mieux saisir les itinéraires des personnages auxquels les spectateurs ont le temps de s’identifier (Combes, 2011 ; Glevarec et Pinet, 2007).
Pour accéder aux contenus télévisuels de fiction, en téléchargement ou en streaming, Internet constitue, comme l’indique l’enquête américaine Pew Internet (Madden, 2009), un outil de plus en plus populaire auprès des jeunes adultes. Au Québec, selon l’enquête Netendances (CEFRIO, 2011), la fréquentation télévisuelle en ligne est aussi une activité en forte progression (plus 10,5 points de pourcentage depuis 2010) et elle touchait, en 2011, 30 % des Québécois et près de la moitié des 18-24 ans. C’est chez les 15-22 ans que le visionnement en ligne de films et de séries serait le plus populaire au Québec ; cette pratique s’inscrivant en complémentarité de la consommation de ces contenus à la télévision (Poirier et al. 2012). Le développement du visionnement des contenus fictionnels sur Internet est à mettre en lien avec l’introduction des plateformes Tou.tv et Illicoweb.tv qui permettent l’accès aux séries américaines en français et, en 2010, du service Netflix qui donne accès aux films et aux émissions de télévision (CEFRIO, 2011). D’autres facteurs interviennent sur la popularité du visionnement de contenus en ligne et, notamment, de séries (Barkhuus, 2009), comme le plus grand contrôle sur la sélection des contenus, sur le choix du moment et du contexte de visionnement (grâce aux technologies mobiles) et sur sa durée (possibilité de visionner plus d’un épisode). Le visionnement en ligne favorise aussi l’évitement des annonces publicitaires et l’accès à des contenus non disponibles à la télévision (webséries). Par ailleurs, la multiplicité des périphériques, notamment mobiles, semble favoriser un visionnement plus intime, les jeunes préférant regarder leurs épisodes favoris dans leur chambre ou lors de leurs déplacements, ce qui a sans doute aussi pour effet de réduire les modalités du contrôle parental sur le contenu. Enfin, les médias sociaux, notamment la plateforme Facebook, favorisent l’affichage de la consommation personnelle de contenus audiovisuels en ligne et leur partage avec des tiers, participant ainsi de la production de soi en ligne (Combes, 2011; Barkhuus, 2009).
Représentations des drogues et autres substances dans les téléséries
Selon les études sur les représentations des drogues illicites dans les médias de divertissement, notamment au cinéma, entre 15 % et un tiers des films y faisaient référence (Roberts, Henriksen
et Christenson, 1999 ; Gunasekera, Chapman et Campbell, 2005 ; Terre et al., 2006 ; Callister et al., 2012), alors que la proportion des séries télévisuelles présentant ces substances atteignait 20 % (McCaffrey et al., 2000 ).
En ce qui concerne le cinéma, Terre et al. (2006), qui ont analysé les deux cents films les plus populaires au Box office américain de 1977 à 1988, constatent une augmentation des représentations des drogues illégales pendant cette période. Roberts, Henriksen et Christenson (1999) se sont intéressés à un échantillon des deux cents films les plus populaires en 1996 et 1997 et ont indiqué que près d’un quart de ces productions mettaient en scène des références explicites sur les drogues illégales (marijuana : 51 %, cocaïne : 33 %, hallucinogènes, héroïne et autres : 12 , crack-cocaïne : 2 %). Ces substances se retrouvaient surtout dans des scènes de crime ou de violence (30 %) et, à un moindre degré, dans des contextes sexuels (6 %). Elles étaient, dans 15 % des films, associées au luxe et à la richesse. Des séquences de préparation ou d’ingestion des substances étaient mises en scène sans spécifier les motivations sous-jacentes aux usages. Leurs répercussions sur la santé étaient plus fréquentes à court terme (modifications de l’état physique ou mental) qu’à long terme. Quant aux médicaments, 29 % des films y faisaient référence, mais l’étude ne précise pas si leur consommation obéissait à des objectifs médicaux ou à des recherches de sensations. Une autre étude portant sur deux cents films populaires dans différents pays, produits entre 1983 et 2003 (Gunasekera, Chapman et Campbell, 2005), indique que 15 % d’entre eux contenaient des références à des drogues illicites (8 % au cannabis, 7 % à d’autres substances). Les personnages qui avaient recours au cannabis étaient généralement des adultes et ce type de consommation était le plus souvent représenté de façon positive et sans conséquence problématique. Peu de films insistaient sur les aspects illégaux de la consommation ou mettaient en scène une arrestation ou un emprisonnement.
Dans les séries télévisées, l’analyse de cent soixante-huit épisodes provenant de quarante-deux des séries télévisées les plus populaires auprès des adolescents et adultes américains de différentes origines ethnoculturelles, en 1998 et en 1999 (McCaffrey, et al., 2000), montre que les drogues illégales y étaient également représentées. Néanmoins, elles l’étaient de façon moins explicite et souvent plus critique qu’au cinéma. Ces substances (avec des références surtout à la marijuana), étaient mentionnées dans 20 % des épisodes, mais la mise en scène explicite de leur emploi restait rare (3 % des épisodes), l’usage étant plutôt sous-entendu dans les dialogues ou les actions hors champ. De plus, les références à ces substances étaient généralement humoristiques et rarement associées aux personnages principaux (2 % des épisodes). Les séquences illustraient, pour la plupart, les effets négatifs associés à l’utilisation de ces substances (effets secondaires, dépendance, perte d’emploi ou arrestation).
Ces études, notamment celles portant sur les séries télévisées, sont toutefois assez anciennes et ne couvriraient pas nécessairement les problématiques plus contemporaines. Plusieurs productions sérielles populaires des dix dernières années (Weeds, That 70s show, Breaking Bad) accordent une place importante aux drogues illégales dans la trame narrative, notamment la marijuana, dont elles minimisent les conséquences de la consommation (Strasburger, Wilson et Jordan, 2009). Par ailleurs, Bakley et Nahm (2011) qui ont effectué une analyse de contenu de sept des séries américaines policières les plus populaires en 2009-2010 (pour un total de quarante-neuf épisodes analysés) montrent que les substances les plus représentées sont en égales proportions : les médicaments d’ordonnance (26 % des épisodes), la marijuana (26 % des épisodes) et les méthamphétamines (19 %). L’abus des médicaments disponibles sans ordonnance concerne 4 % des épisodes. Si les producteurs et les revendeurs des drogues illégales sont souvent arrêtés, aucun des épisodes analysés ne montrait l’arrestation d’un utilisateur de ces substances. Toutefois, la place et les représentations des médicaments dans les séries télévisées, notamment lorsqu’ils sont utilisés à des fins de recherche de sensations, restent, à notre connaissance, peu documentées bien que des séries y font référence et que les pratiques de placement de produits pharmaceutiques dans les fictions sont en augmentation (Ta et Frosch, 2008).
L’influence des téléséries sur le comportement des jeunes
Les études sur l’influence des fictions télévisuelles sur les intentions comportementales qui s’appuient sur plusieurs théories mettent en évidence des mécanismes spécifiques de traitement de l’information en contexte de fiction (Gaudet, 2010). Tout d’abord, la fiction, situant les comportements dans un contexte quotidien, les rend plus crédibles. De plus, les contenus ne sont pas analysés avec le même sens critique que les informations d’actualité, les spectateurs étant plus absorbés par la trame narrative. Les personnages constituent les principaux véhicules de la crédibilité du message, leur comportement étant jugé d’autant plus acceptable qu’ils sont attachants et réalistes (popularité des antihéros). Dans le cadre des téléséries, cet attachement est favorisé par la durée de l’histoire et par son ancrage dans une réalité plus près du quotidien des spectateurs, comme le souligne Chalvon-Demersay (2011, p.183) : « À cause de leur mode de présence, de leur caractère répétitif, de leur intégration dans des périodes biographiques longues, les personnages de série ont une manière précise, et originale de s’immiscer dans le quotidien des spectateurs qui les fréquentent ». Ainsi, au-delà de l’identification au personnage, c’est « une quasi-relation, pour une quasi-personne » (Chalvon-Demersay, 2011, p. 211) que tissent les spectateurs avec les héros de ces productions et ce lien intime avec les personnages de la série peut amener le spectateur à adopter leurs attitudes et leurs comportements (Tian et Hoffner, 2010). Les moments culminants de la trame narrative (climax), qui entraînent une réflexion du spectateur sur d’éventuelles solutions aux difficultés rencontrées par les personnages, constituent des moments particulièrement susceptibles d’entraîner des changements d’attitudes et de valeurs (Gaudet, 2010).
Quant à l’influence des contenus médiatiques sur les comportements en matière de santé,
les études théoriques et empiriques indiquent que les représentations et les messages valorisés dans les productions médiatiques semblent agir sur le plan de la définition des normes, contribuant à déterminer ce qui constitue un comportement socialement acceptable (Renaud, 2007, 2010). Ainsi, les études montrent que l’initiation à la consommation d’alcool ou de tabac chez les adolescents est favorisée par l’exposition à des scènes de consommation de ces substances dans les programmes de fiction à la télévision et au cinéma et qu’elle augmente avec le nombre d’heures de visionnement (Charlesworth et Glantz, 2005 ; Dalton et al., 2003 ; Robinson, 1998 ; Sargeant et al., 2001). D’autres études américaines ont aussi souligné l’influence qu’ont les idoles du cinéma sur leurs jeunes admirateurs par rapport à l’initiation au tabagisme, en particulier chez les filles, les probabilités d’utiliser le tabac augmentant avec le nombre de films dans lesquels leurs vedettes préférées fument (Tickle et al., 2001 ; Distefan et al., 2004). Ce mimétisme serait lié à la volonté de se construire une image de soi cool, correspondant aux messages dominants diffusés par les médias (Gidwani et al., 2002) et entraînant l’adoption des conduites valorisées dans ces productions fictionnelles. Le contenu des téléséries fait de plus l’objet de discussion entre les jeunes, ce qui peut entraîner une pression des pairs à se conformer aux modèles proposés (Irlen et Dorr, 2002). La transformation des modes d’usage des médias et l’accès aux fictions sérielles liées à Internet, notamment du fait du développement des interactions entre pairs à leur sujet sur les réseaux sociaux, influent probablement sur le processus de transmission de nouveaux modèles de consommation.
La série Skins
Dans le cyberespace, à part les téléséries reprises sur Internet, on peut noter la réalisation de séries originales uniquement offertes sur ce média. C’est le cas de la série britannique Skins (qui fait référence au papier à rouler dans l’argot anglais) qui a été diffusée, dans un premier temps, au Royaume-Uni, en 2007, sur la chaîne TV britannique E4, reconnue pour ses programmes diversifiés et quelquefois controversés, puis, au Canada, sur Super Channel et, enfin, en France sur Canal+. Elle est, par la suite, devenue accessible gratuitement, en streaming, sur de nombreux sites Internet, en anglais (la langue d’origine), avec des sous-titres en français, puis en français, notamment sur le site québécois Tou.tv où elle est offerte depuis décembre 2010.
Cette série dramatique pour un public adolescent, qui en est rendue à sa sixième saison, met en scène un groupe de jeunes de la ville de Bristol, dans le sud-ouest de l’Angleterre, qui terminent leurs deux dernières années au secondaire. Elle donne donc l’occasion d’explorer la période de transition vers l’université, ce qui permet la scénarisation de thématiques dominantes dans leur développement psychosexuel (relations familiales et sexuelles, problèmes mentaux, troubles alimentaires, consommation de substances, rapport à la mort, etc.). Sur le plan de la structure, cette série s’organise autour de personnages principaux (huit pour la première saison et neuf pour la seconde), âgés de 16 à 18 ans, issus, pour la grande majorité, de la classe moyenne. Chaque épisode porte le nom d’un personnage et se centre sur les incidents de son existence. Quelques épisodes portent sur deux personnages principaux. Le dernier épisode de chaque saison réunit l’ensemble des personnages principaux. Les épisodes ont une durée moyenne de quarante-cinq minutes, sans pauses publicitaires.
Les scénarios présentent la particularité d’être imaginés par des auteurs dont la moyenne d’âge est de 21 ans et d’impliquer des adolescents qui participent en tant que consultants au développement de la série. Dans le cadre de la production de la saison six, par exemple, les auteurs étaient en communication avec les fans de la série et tenaient compte de leurs commentaires et de leurs courriels, des échanges qui ont contribué à la popularité de la série (Dehmassi, 2009). Les acteurs incarnant le rôle des jeunes étudiants sont d’ailleurs des amateurs et la distribution change complètement tous les deux ans. Il y a une audition ouverte au public pour choisir les nouveaux acteurs à chaque nouveau cycle. Un site Internet propre à la série est aussi disponible, incluant des pages où chacun des acteurs de la série présente sa biographie et peut interagir avec les spectateurs. Il y a aussi un blogue, une galerie de photos et de vidéos. En plus des épisodes, les fans peuvent visionner en ligne un ensemble de vidéos, des mini-épisodes et accéder à des journaux intimes des personnages principaux.
Les pages Facebook dédiées à Skins, ou à certains des personnages, regroupent des centaines de milliers, voire pour certaines, plusieurs millions de fans. Chaque saison est lancée sur les médias sociaux avec des extraits des épisodes à venir avant la projection. Skins utilise aussi Live Messenger pour communiquer avec les fans et pour les informer des épisodes qui vont sortir.
Sur la chaîne de télévision britannique E4, la popularité des deux premières saisons de la série Skins variait selon les épisodes entre 700 000 et 1,4 million de spectateurs (Tryhorn, 2010). Bien reçue par la critique, même si celle-ci relève des aspects irréalistes et stéréotypés, cette série qui n’est disponible au Québec que sur Internet figurait, en 2011, parmi les neuf émissions les plus populaires sur Tou.tv et constituait la troisième série la plus téléchargée après les séries 30 vies et Trauma, qui ne ciblent pas spécifiquement les jeunes (Drouin, 2011 ; Lien multimédia, 2011[1]. La série aurait aussi inspiré la mise en place des « Skins parties » où une forte consommation d’alcool et de drogues est associée à des activités sexuelles. Les discothèques utiliseraient aussi sa notoriété pour promouvoir des événements (« Skins Secret Parties »), notamment via des pages Facebook, dans différents pays (France, Québec, etc.), s’inspirant des fêtes mises en scène dans les épisodes. Cette série constitue donc un phénomène de société dont l’influence dépasse le simple visionnement sur Internet pour les adolescents et les jeunes adultes. Compte tenu de cette notoriété et de l’influence de cette série sur les conduites des jeunes, il nous a semblé important de cerner la place qu’y occupaient les médicaments et les drogues et, plus précisément, d’identifier les substances représentées, les modalités d’accès à ces produits, les fonctions et les contextes de leur consommation ainsi que les effets et les répercussions qui sont associés à leur consommation.
Méthodologie
Afin de cerner ces représentations des drogues et des médicaments, une analyse de contenu d’un échantillon de vingt épisodes, soit des deux premières saisons de la série a été réalisée. Ce choix s’explique par le fait que ces deux saisons ont contribué à lancer la série et à susciter la curiosité des téléspectateurs, sans constituer cependant celles qui ont été les plus populaires en ce qui concerne le nombre de spectateurs. La version anglaise a été préférée pour l’analyse, car la traduction française semble souffrir d’une certaine censure. De plus, en 2011, lors d’une séance de discussion exploratoire que nous avons réalisée avec de jeunes Québécois (18-25 ans) qui suivaient la série, ceux-ci ont signalé qu’ils préféraient la version anglaise, appréciant le caractère « exotique » de l’accent britannique des personnages.
Une approche mixte dans l’analyse de contenu a été privilégiée. La collecte des données quantitatives avait pour objectif de déterminer la fréquence et la durée des références aux drogues et aux médicaments dans les épisodes, dans les scènes ou dans les dialogues. Quant aux données qualitatives, elles portaient sur le contenu des représentations de chaque séquence dans laquelle une substance, légale ou illicite, était mentionnée. Chaque extrait a ainsi été codifié à l’aide d’une grille inspirée de celles utilisées lors de recherches précédentes sur les représentations de substances à l’écran comme les drogues, l’alcool et le tabac (Gunasekera, Chapman et Campbell, 2005 ; Roberts, Henriksen et Christenson, 1999 ; McCaffrey, Christenson, Henriksen et Roberts, 2000 ; DuRant, Rich et Rome, 1997). Nous y avons ajouté de nouveaux thèmes qui ont émergé lors d’un premier visionnement de l’ensemble des épisodes. Nous avons également cerné le vocabulaire employé pour désigner les drogues et les médicaments ainsi que leur utilisation, en nous appuyant sur les retranscriptions des extraits retenus. La codification, réalisée par une assistante de recherche, s’appuyait à la fois sur le visionnement et sur la retranscription des dialogues. Les quatre premiers épisodes ont fait l’objet d’un double codage par l’assistante de recherche et par l’un des chercheurs.
La grille de codification abordait les thèmes suivants : 1) les substances représentées (médicaments ou drogues illégales) et le vocabulaire employé pour les désigner ; 2) pour les médicaments, l’identification des usages à des fins médicales ou à des fins de recherche de sensations ; 3) les modes d’obtention des substances (lieu de l’achat ou d’accès aux substances, fournisseurs, coûts) et les enjeux associés à l’accès ; 4) les fonctions de la consommation (régulation de l’humeur, relaxation, défonce, amélioration des capacités sociales et sexuelles) ; 5) les contextes sociaux de consommation (individuelle ou collective, lieu, moment de la journée) ; 6) les modes d’administration, la quantité consommée ainsi que les combinaisons entre les substances ; 7) les effets des substances décrits ou représentés (de défonce légère à intense, montée d’énergie) ainsi que les effets secondaires, les signes de dépendance et autres conséquences associées à la consommation ; 8) le jugement, positif, négatif ou neutre porté sur les substances et leur consommation par les acteurs ; 9) les personnages impliqués (nom, genre et âge) et leur rôle dans la scène ; 10) la place de la scène dans la trame narrative de l’épisode. Il est à noter que, dans cet article, nous mettrons surtout l’accent sur les points 1 à 8.
Résultats
Les drogues illégales et les médicaments sont présentés dans des scènes, à l’écran ou au travers des discours dans neuf des dix épisodes de chacune des saisons un et deux, pour un total de quatre-vingt-dix-neuf extraits, avec quarante scènes montrant explicitement la consommation de ces substances. Celles-ci sont toutefois plus fréquemment représentées dans la saison un où le temps moyen par épisode de présence des drogues et des médicaments à l’écran ou dans le discours des personnages était de sept minutes sur quarante-cinq minutes, soit 16 % de la durée d’un épisode, alors qu’il n’était que de quatre minutes, soit 9 % du temps d’un épisode dans la saison deux. Les médicaments et les drogues jouaient aussi un rôle plus important dans la trame narrative de la saison un, constituant l’un des thèmes principaux dans neuf épisodes sur dix alors que ce n’était le cas que dans quatre épisodes de la saison deux qui sont plus orientés vers les expériences amoureuses et le vécu psychologique des jeunes. Toutefois, dans les deux saisons, les drogues et les médicaments sont plus largement présents à l’écran que dans les dialogues. Nombre de scènes montrent, par exemple, un ou plusieurs personnages qui fument du cannabis.
La diversité des substances représentées
Le cannabis est la drogue la plus représentée dans la série. Il est mis en scène ou mentionné dans quarante-trois extraits sur les quatre-vingt-dix-neuf qui abordent ce sujet et il est consommé par tous les adolescents de la série et même, à deux reprises, par des enfants de leur entourage âgés de moins de 10 ans. Les personnages principaux (faisant l’objet d’un des 10 épisodes d’une saison) consomment ou mentionnent d’autres substances, comme l’ecstasy et les amphétamines (vingt extraits), la cocaïne (quatre extraits) et l’héroïne (quatre extraits).
Quant aux médicaments, ils figurent dans les dialogues ou apparaissent à l’écran dans neuf épisodes des deux saisons, soit dix-huit extraits. Dans douze de ces extraits, ils sont utilisés à des fins non médicales ou en quantité abusive. Les références à certains médicaments sont très explicites. Les produits sont désignés par le nom de la famille du médicament (antidépresseurs, laxatifs), le nom commercial (par exemple : l’antidiarrhéique Motilium) ou un nom s’en approchant comme c’est le cas pour les antidépresseurs (Upzac en référence au Prozac) et les traitements pour les troubles de l’érection (Erectagra en référence au Viagra®) ou encore par leur indication (traitement antidouleur, médicaments utilisés pour le traitement d’un anévrisme).
Dans dix extraits, il est difficile de savoir s’il est question de médicaments ou de drogues puisque les produits présentés sont des pilules blanches qui sont désignées par le terme général de « pill » ou de « drugs », comme c’est le cas dans l’extrait suivant de l’épisode un de la saison un :
CASSIE
I took a shitload of pills.
SID
Pills? What kind of pills?
CASSIE
Oh you know…pills.
Les drogues dans le quotidien des jeunes
Les drogues illégales et les médicaments constituent un thème important, voire central dans la trame narrative de treize des vingt épisodes. Plusieurs des épisodes vont ainsi inclure des scènes montrant les personnages principaux se procurant des drogues ou des médicaments (achat de marijuana chez un revendeur, passage de marijuana et de cachets d’ecstasy aux frontières, vol ou découverte de médicaments au domicile familial et dans l’infirmerie de l’école). Les problématiques d’accès aux drogues illégales font l’objet de plusieurs dialogues (manque d’argent, hésitation à s’adresser à un revendeur, dette à son égard, perte de la marchandise achetée, achat d’une quantité trop importante) tout comme les conséquences de l’absence de ces substances (difficulté à supporter l’ennui lors d’un séjour dans un chalet retiré à la campagne ou lors d’un séjour scolaire en Russie ou difficulté à s’amuser sans consommer des drogues dans une soirée). Plusieurs séquences mettent aussi en scène les personnages principaux s’adonnant aux opérations préliminaires à la consommation (se passer le papier à rouler, rouler un joint, écraser la poudre de cocaïne, préparer la pipe à eau) et, surtout, en train de consommer des drogues et des médicaments (fumer un joint, prendre une ligne d’héroïne, avaler un cachet, prendre des drogues injectables). Enfin, deux épisodes (les épisodes un, saison un et sept saison deux) montrent quatre personnages (deux masculins puis deux féminins) vendre respectivement du cannabis et de l’ecstasy dans une fête.
Les contextes d’usage des drogues et des médicaments sont variés. Les jeunes les consomment à tout moment de la journée, dans les cours de récréation de l’école, dans les parcs, dans des voitures, à leur domicile (dans leur chambre ou dans d’autres pièces de la maison en l’absence de leurs parents) et dans des fêtes et des boîtes de nuit où ces substances sont associées à une consommation importante d’alcool. Le cannabis est consommé dans tous ces contextes alors que les drogues chimiques (ecstasy, amphétamines, cocaïne et autres cachets non identifiés) ne sont utilisées qu’en contexte festif (lors de fêtes chez des amis ou des connaissances, lors de soirées dans des boîtes de nuit). Dans ces contextes festifs, le recours au cannabis intervient généralement en début de soirée, pour lancer la soirée, ou en combinaison avec d’autres drogues. En fin de soirée, il est utilisé pour atténuer la fin du « buzz » associé à la consommation des drogues comme l’ecstasy ou les amphétamines. La consommation du cannabis est souvent collective et implique des groupes de trois à dix personnes, mais cette substance peut aussi être utilisée en solo. La consommation d’ecstasy ou d’amphétamines concerne généralement de grands groupes de personnes qui, souvent, ne se connaissent pas et qui partagent des pilules dans le cadre d’une soirée en les combinant avec une consommation d’alcool importante. Plusieurs scènes montrent une abondance de cachets non définis qui sont consommés par tous dans une soirée. Dans une des soirées mémorables de la saison un (épisode dix), on voit ainsi une baignoire remplie de pilules parmi lesquelles les jeunes piochent au hasard. L’ecstasy peut aussi être consommée en couple. La séquence montrant la consommation d’héroïne n’implique que deux personnes dont l’une injecte la substance à l’autre. Les médicaments, même lorsqu’ils sont utilisés hors du cadre médical (consommation en quantités excessives ou au hasard), sont consommés par un personnage ou quelquefois deux. Ils semblent ainsi constituer des objets plus personnels.
Les effets de la consommation de toutes ces substances sont largement illustrés et incluent l’euphorie et la défonce légère (la plus fréquemment représentée), l’augmentation d’énergie, la perte d’inhibition, une érection douloureuse et embarrassante perdurant plusieurs jours, des hallucinations et la perte totale de conscience. Ce dernier effet est relativement fréquent, notamment lors des consommations dans les fêtes et il n’est pas présenté comme entraînant de conséquences graves pour la santé. Trois épisodes mettent en scène des conséquences plus dramatiques. Dans l’épisode huit de la saison un, Effy, l’un des personnages féminins principaux des saisons un et deux, se fait embarquer par un jeune qui en veut à son frère et qui, par esprit de vengeance, lui injecte une importante quantité d’héroïne provoquant une overdose qui l’amène à terminer sa soirée à l’hôpital. Lorsque les parents rencontrent le médecin qui la traite, celui-ci explique à sa mère qu’elle va bien et qu’elle s’en sortira parce que les jeunes sont résistants et parce que les drogues qu’ils utilisent sont de bonne qualité :
MÈRE
Oh Doctor, so how is she?
MÉDECIN
It’s all looking fine, it’s good, it’s even great. These kids are remarkably resilient creatures.
It’s all gone. And what hasn’t will in a few days, one way or the other. She took some
very clean pure pharmaceuticals.
Dans l’épisode cinq de la saison un, Cassy, qui vit une peine d’amour, absorbe une grande quantité de médicaments et d’alcool dans l’intention de se suicider. Elle se retrouve à l’hôpital où elle subit un lavage d’estomac. Le passage à l’hôpital montre une jeune fille épuisée et une ambiance très médicalisée (tubes multiples entourant la jeune fille). Toutefois, cette tentative de suicide n’est pas associée à des conséquences pénibles et elle lui permet d’attirer l’attention du jeune homme dont elle était amoureuse
Enfin, dans l’épisode six de la saison deux, deux personnages, Tony et Cassie, participent à une fête et consomment des cachets variés qui ne sont pas clairement identifiés, mais qui contiennent sans doute des amphétamines. C’est ce qu’on peut en déduire au vu de l’énergie renouvelée que démontre par la suite le garçon lorsqu’il est sur la piste de danse. Apercevant son ex-petite amie dont il s’est récemment séparé, en compagnie d’un autre garçon, Tony, très perturbé, avale un verre d’eau, puis court vers les toilettes où il vomit en plus d’avoir de la difficulté à respirer. Une jeune inconnue lui explique qu’il fait l’expérience d’une crise de panique. La prochaine scène montre Tony faisant la visite d’une université, ce qui laisse supposer qu’il s’est remis sans problème de sa crise de panique. Ces trois extraits illustrent clairement des conséquences fâcheuses associées à la prise de substances en quantités excessives. Toutefois, les effets à long terme ne sont pas du tout abordés. La consommation de drogues et de médicaments est ainsi présentée comme une pratique courante et sans risques importants.
Ces représentations sont plus accentuées encore chez deux des personnages principaux qui font l’objet d’un suivi médical : Cassie qui souffre d’anorexie et Chris à qui on a diagnostiqué un anévrisme). Leur consommation de drogues et de médicaments, qu’elle se situe dans ou hors du cadre médical, est fréquente et régulière et elle est complètement intégrée à leur routine de vie. Dans presque tous les épisodes, on voit ces personnages avaler des médicaments et des cachets divers sans les identifier ni vérifier les posologies, les effets indésirables ou la provenance des produits. La philosophie de vie de Chris est d’ailleurs résumée dans l’expression « Fuck it », qu’il utilise dans toutes les circonstances et qui l’a rendu célèbre dans la série. Cette conduite insouciante est mise en évidence dans l’épisode quatre de la saison un où Chris, qui s’est installé en résidence dans son collège, explore les tiroirs des meubles de la chambre. Il y découvre une boîte de médicaments et, souriant, s’empresse de les ingérer, ce qui semble lui apporter un grand soulagement. Par la suite, il épingle le contenant vide sur le mur, lui donnant ainsi une fonction décorative qui souligne la perte du statut médical particulier que le médicament pouvait avoir.
Les objectifs et les fonctions de la consommation
Les objectifs et les fonctions de la consommation sont explorés dans des représentations variées. La recherche de sensations est l’objectif principalement représenté lors de la consommation de drogues, notamment lorsqu’il s’agit de cannabis. L’utilisation de cannabis se retrouve dans un contexte social et festif et implique généralement de petits groupes : interactions entre deux ou trois personnes, parfois plus, parmi les dix personnages principaux, le plus souvent des garçons, mais incluant aussi des filles. Partager un joint de marijuana entre amis permet d’atteindre un état de défonce légère ou modérée, de relaxer ou de mieux profiter du temps ensemble, la consommation entraînant l’échange de plaisanteries et de rires. La circulation du joint sert aussi de rituel de partage et de rapprochement des membres du groupe d’amis. Cette fonction est d’ailleurs illustrée lors d’une rencontre (épisode dix, saison deux) qui se déroule à la suite du décès de Chris. Les neuf personnages principaux sont exclus de la participation à l’enterrement de leur camarade par le père de celui-ci qui déclare ne pas vouloir la présence des amis de son fils qu’il considère être une « bande de drogués ». Ceux-ci décident alors d’organiser une cérémonie parallèle et se retrouvent pour fumer un joint en la mémoire de leur ami. La consommation de cannabis permet ainsi d’amplifier le lien interpersonnel. Elle remplit aussi une fonction identitaire pour le groupe comme pour Chris, un gros consommateur de toutes sortes de drogues et, en particulier, de cannabis. L’achat de drogues et, notamment, de cannabis constitue d’ailleurs un rituel de passage signalant l’inclusion dans le groupe. La possession de substances peut aussi contribuer à l’atteinte d’un prestige et de distinction dans le groupe comme l’illustrent plusieurs scènes des épisodes quatre et dix de la saison un. Dans l’une des scènes, Chris s’imagine dans une grande fête avec les poches de ses vêtements remplies de cachets qu’il lance à l’assistance ravie de cette profusion et qui rivalise pour les ramasser. Lorsqu’il obtient une grosse somme d’argent de sa mère, l’un de ses premiers réflexes est d’acheter de la drogue pour tous et d’organiser une grande fête à son domicile.
Dans les fêtes et les soirées plus organisées, que l’on retrouve dans près de la moitié des épisodes, qui sont associées à une convivialité plus festive et qui impliquent un plus grand nombre de jeunes, c’est l’utilisation d’autres drogues (ecstasy et amphétamines) qui est privilégiée. La consommation de ces substances vise la quête de sensations plus intenses. Elle est présentée comme essentielle pour amplifier et faire durer le plaisir ludique et l’excitation à cause des effets empathogènes et tactogènes de l’ecstasy et du gain d’énergie procuré par les amphétamines. La prise de ces substances permet aussi de réduire les inhibitions sociales, facilitant le contact entre de jeunes inconnus, ce qui est illustré dans plusieurs scènes.
C’est aussi une fonction désinhibitrice qui est attribuée à ces drogues dans la sphère sexuelle puisqu’elles permettent d’accroître le plaisir et les sensations érotiques associées, par exemple, au baiser comme c’est le cas dans l’épisode huit de la saison un. Les drogues peuvent aussi favoriser la rencontre sexuelle. Dans deux séquences de l’épisode un, deux personnages, Tony et Sid, discutent des stratégies à utiliser pour amener une jeune fille, Cassy, à consommer du cannabis en grande quantité et, ainsi, l’impliquer dans une relation sexuelle avec Sid qui éprouve des difficultés à rencontrer des filles :
TONY
We go to the party and we get a girl catastrophly spliff up, and confused
she comes to believe, momentarally, that you are attractive enough to shag.
SID
Which lucky girl?
TONY
Well, I think you’re gonna like it Sid.
[…] TONY (s’adressant à son amie Michelle)
All right. Who’s cheap enough to fuck him?
MICHELLE
Cassie.
La consommation de drogues et de médicaments peut aussi avoir comme but de réguler les humeurs. La consommation individuelle de médicaments (psychotropes prescrits ou non) afin de gérer des difficultés psychologiques est présentée dans plusieurs scènes. Deux jeunes filles et un garçon sont en possession d’une prescription de psychotropes (anxiolytique et antidépresseur)
et y recourent lorsqu’ils se sentent mal (I need my medication). C’est le cas, par exemple, de Cassie qui gère, de manière un peu hasardeuse, sa prescription d’anxiolytiques, prenant ces médicaments jusqu’à perdre connaissance lorsqu’elle se sent angoissée (Épisode deux, saison un). Dans l’épisode sept (saison deux), la mère de Tony prend les médicaments (analgésiques) de son fils qui a eu un accident pour surmonter le stress causé par l’absence temporaire de son mari.
Le cannabis est aussi utilisé pour atténuer momentanément les difficultés psychologiques. Par exemple, dans l’épisode quatre de la saison un, Chris, dont les parents sont séparés et qui n’entretient plus avec son père que des liens épisodiques, fume du cannabis au retour d’une visite difficile chez ce dernier. Dans les épisodes huit et neuf de la saison deux, Chris est présenté en train de fumer pour cacher son désespoir, souffrant d’un anévrisme qui le condamne à la mort. Il est d’ailleurs systématiquement montré un joint à la main dans ces deux épisodes. Dans un autre registre, dans l’épisode huit de la saison un, Tony, le personnage central de la série, se retrouve isolé, ses amis ne voulant plus le fréquenter à cause de ses blagues méchantes. Il demande à un sans-abri qui se trouve dans la rue de venir boire un verre avec lui, mais celui-ci refuse. Dans la scène suivante, on le voit fumer un joint, assis tout seul sur un banc.
Le recours à la marijuana sert aussi à supporter les périodes scolaires où l’ennui domine. Il permet aussi à Sid de gérer l’angoisse de n’avoir plus que deux jours pour terminer un travail qui lui permettra de se faire créditer son cours d’histoire et de terminer son année. La consommation de marijuana semble également indispensable pour agrémenter le voyage scolaire que la classe effectue en Russie (épisode six de la saison un).
Enfin, les médicaments et les drogues peuvent être utilisés pour nuire volontairement. C’est le cas dans l’épisode huit de la saison un dans lequel un personnage injecte de l’héroïne à Effy pour se venger de son frère et dans l’épisode deux de la saison deux dans lequel un médicament est administré à Michelle pour la faire vomir et pour l’empêcher de jouer un rôle dans une pièce de théâtre.
Une présentation globalement positive des drogues et des médicaments
Le point de vue sur les drogues et les médicaments est, en grande majorité, positif (soixante-six extraits sur quatre-vingt-dix-neuf), mais une analyse plus nuancée fait apparaître d’autres avis. La consommation de marijuana, surtout en contextes collectifs et festifs, est présentée de manière positive dans trente et 1 des quarante-trois extraits consacrés à cette substance, la série n’évoquant ni risques pour la santé ni conséquences négatives sur les relations avec l’entourage. Les personnages mis en scène en train de consommer de la marijuana sont présentés comme des personnes « cool », bien dans leur peau et valorisées par leurs pairs. Néanmoins, certains des problèmes liés à l’accès à cette drogue et à son trafic sont esquissés. Ce n’est donc pas la consommation de drogue illégale qui est présentée comme problématique, mais le fait de s’en procurer.
Le point de vue sur les représentations des drogues chimiques est un peu plus ambivalent. La consommation d’ecstasy ou d’amphétamine, d’accès facile (celle-ci est généralement partagée entre pairs) semble constituer une composante essentielle de la convivialité associée à la participation à des soirées festives. Quatre scènes seulement dans l’ensemble des deux saisons suggèrent des répercussions problématiques : elle réduit la vigilance, affecte la capacité de jugement, amplifie la prise de risque au plan sexuel et pousse les jeunes à essayer des drogues plus dures comme l’héroïne, comme c’est le cas dans l’épisode huit de la saison un.
Quant au point de vue sur les médicaments, il est également plus ambivalent. Présentés comme très facilement accessibles (obtenus des parents ou accessibles dans la maison), ils sont généralement jugés bénéfiques pour la santé lorsqu’ils sont prescrits et consommés pour des raisons médicales. Toutefois, ils peuvent être utilisés sans trop de conséquences en dehors de ce cadre (par exemple, utilisation d’anxiolytiques dans l’épisode un de la saison un ou d’analgésiques à des fins de régulation de l’anxiété dans l’épisode sept de la saison deux). Cependant, lorsqu’ils sont consommés en quantités excessives, ils peuvent entraîner des effets présentés sous des formes plus dramatiques (vomissements, perte de conscience, tentative de suicide). Les antidépresseurs, employés pour traiter la détresse psychologique font aussi l’objet d’une scénarisation plus négative puisque leur prescription est jugée excessive et que leur usage s’accompagne d’une dépendance chez certains personnages (deux jeunes et deux parents dans les épisodes deux, cinq, sept, de la saison un et cinq et sept de la saison deux). Josh explique, dans l’épisode sept de la saison un, qu’il prend des antidépresseurs prescrits par sa mère autant pour sa mère (psychiatre) que pour lui :
MICHELLE
Your mother analyzes you?
JOSH (en mettant sur la table ses cachets)
I’m unstable with neurotic obsessive tendencies. I take them, it keeps her happy,
and keeps me happy too actually.
La dépendance aux drogues ou aux médicaments fait cependant rarement l’objet d’évaluations négatives. De la part des jeunes, seuls deux commentaires réprobateurs portant, dans un cas, sur la consommation excessive de drogues et de médicaments et, dans l’autre, sur la consommation d’antidépresseurs sont formulés au cours des deux saisons. C’est le cas lors d’une scène de l’épisode cinq de la saison deux dans laquelle Chris se fait renvoyer du collège parce qu’il a été surpris en train de voler des médicaments dans la pharmacie de l’école. Jal, une amie, qui le sait malade
et désabusé, lui recommande de réduire ses excès comportementaux et de consommation et d’adopter une attitude plus positive par rapport à la vie, mais son intervention reste sans succès.
Discussion
Les deux premières saisons de la websérie britannique Skins montrent qu’en comparaison avec les études précédentes sur les films et les téléséries, la présence des drogues et des médicaments utilisés à des fins de recherche de sensations y est beaucoup plus importante (dix-huit épisodes sur vingt) même si le temps consacré à ces substances reste limité (pour un maximum de 16 % du temps dans la première saison). Le cannabis reste la drogue la plus représentée, comme l’ont aussi noté les études précédentes effectuées sur les représentations cinématographiques et télévisuelles. Mais ce qui distingue cette série, c’est que l’usage de cette substance concerne tous les personnages principaux, les garçons comme les filles, bien que les garçons soient plus représentés en train de consommer de la marijuana, ce qui rejoint les données épidémiologiques dans ces groupes d’âge (SAHMSA, 2010).
La websérie confirme la banalisation de l’usage de cette drogue dans les différentes sphères de la vie des jeunes qui est mise en évidence dans les recherches sociologiques anglaises, comme le soulignent Shapiro et Singer (2005, p.97) : « Pour une minorité relativement significative de jeunes, lesquels ne se voient pas autrement que comme des membres « ordinaires » de la société, la prise de drogues est simplement devenue un aspect normal de leur style de vie ». D’autres drogues, notamment l’ecstasy, également consommée par les garçons et les filles, sont représentées dans le contexte des scènes de fêtes et des soirées, contribuant à la sociabilité et la convivialité nécessaires à la participation réussie à ce type d’activités. Ces contextes reflètent la culture des jeunes britanniques qui est fortement ancrée dans ce type d’activités conviviales où les pratiques de consommation de l’ecstasy sont en lien avec la culture musicale (Shapiro et Singer, 2005). Ce sont d’ailleurs ces fêtes qui sont largement reprises dans la bande-annonce qui sert à démarrer la campagne publicitaire visant à faire connaître la série diffusée sur Youtube et qui a inspiré des soirées popularisées sur les médias sociaux.
Les drogues dures comme l’héroïne et la cocaïne sont moins représentées, mais elles sont associées à des risques plus importants. Par contre, le recours aux médicaments à des fins non médicales est une problématique nouvelle pour une websérie même si l’usage de ces substances est beaucoup moins représenté que celui des autres drogues. Les références portent en particulier sur les antidépresseurs et sur les traitements pour les troubles de l’érection et reflètent la place de ces substances dans la « pharmacologisation » de la société britannique. La consommation des antidépresseurs est en augmentation dans cette société, en particulier chez les jeunes femmes et les jeunes hommes (Moore et al., 2009), le Prozac étant la marque dominante (Parry, 2009).
La websérie met en scène non seulement les effets de la consommation, mais également les étapes d’accès aux substances, leur préparation, leur consommation et même leur revente. Il s’agit de thématiques traitées de façon périphérique dans les productions télévisuelles des années 1990. Cette insistance renforce la dimension réaliste de cette série qui est ancrée dans le quotidien des jeunes, ce que confirme le choix de la mise en scène des comportements plutôt que le recours aux discours sur les drogues pour en illustrer les facettes. La présence poussée des drogues et le traitement explicite de leurs usages constituent l’une des stratégies utilisées par les producteurs pour rendre cette série attrayante pour les jeunes. Le titre même de la série, Skins, qui renvoie au papier à rouler, participe de cette stratégie, et ce mot revient à plusieurs reprises dans les dialogues pour accentuer la centralité de cette problématique dans la construction de l’intrigue de la série. Celle-ci met en scène les différentes modalités des états de conscience qui sont associés à l’usage des drogues et des médicaments, de la défonce légère aux effets plus extrêmes et dangereux, insistant aussi sur les fonctions de détente, d’approfondissement du lien social dans la vie quotidienne
et lors d’évènements majeurs. Les effets des drogues sur l’érotisme sont aussi soulignés, reprenant les résultats d’autres recherches sur cette « pilule de l’amour » qui agît sur des neurotransmetteurs pour réduire les inhibitions et amplifier les dimensions sensuelles lors de la rencontre sexuelle (Garceau-Brodeur, 2006), non sans répercussions sur la fonction érectile associée à l’usage du Viagra. La consommation des drogues et des médicaments vise aussi la gestion individuelle des humeurs et des problèmes psychologiques, comme le souligne le recours aux antidépresseurs. Dans tous ces cas, à part les représentations des drogues dures, toutes ces substances ne font aucunement l’objet d’une évaluation négative, la série semblant, au contraire, suggérer leur banalisation et leur intégration poussée dans le quotidien des jeunes, sans grands risques pour l’état de santé. Les usages des drogues et, plus particulièrement, des médicaments dans la série peuvent être envisagés comme un processus de « cyborgisation » et de « recalibration » du corps, résultat de cette relation étroite entre l’organisme et des substances issues des technologies contemporaines. Les tentatives modernes d’hybridation, auxquelles l’usage des médicaments participe, renvoient comme l’explique Andrieu (2009, p.114) à « une technique […] scientifique, qui consiste à réunir deux corps ou parties ensemble pour obtenir un bien-être, un mieux-être ou un nouvel être, trois degrés qui conduisent de la perfectibilité au perfectionnement ».
Il serait intéressant, au-delà de ces constats sur le contenu de la série Skins touchant les drogues et les médicaments, de réaliser des recherches pour cerner sa réception par les adolescents et les jeunes adultes qu’elle cible, en particulier auprès de populations non britanniques. En effet, on peut se demander, compte tenu de la spécificité du contexte culturel dans lequel cette websérie se déroule, quels sont les éléments qui expliquent son succès international et qui sont retenus par les groupes provenant d’autres pays comme le Canada et, plus précisément, par les jeunes Québécois. La préférence pour la série anglaise est aussi à explorer parmi les jeunes et il serait intéressant de comparer la traduction française avec la version originale. Il serait alors possible de cerner les variations dans le lexique et de dégager les modes de censure impliqués qui pourraient révéler les stratégies de contrôle social exercé sur les séries télévisuelles et leur adaptation aux contextes sociopolitiques et culturels. L’analyse comparative de cette websérie avec le contenu d’autres productions québécoises sur la question des drogues aiderait aussi à mettre en évidence les convergences et les divergences dans la scénarisation et dans le traitement de ce problème.
Par ailleurs, il serait pertinent de voir dans quelle mesure les normes et les comportements diffusés dans la série peuvent influencer les pratiques des jeunes non seulement sur le plan de la consommation des drogues et des médicaments, mais aussi des modèles de comportements individuels et collectifs. À ce titre, il serait nécessaire de mieux comprendre comment la diffusion sur Internet, qui permet un visionnement plus intensif et plus solitaire, joue sur le processus de réception. Les études pourraient vérifier si l’attachement aux personnages contribuerait à accroître le pouvoir d’influence de la série sur les normes et les comportements relatifs aux drogues et aux médicaments, à guider les conduites des spectateurs dans la vie réelle et à atténuer les effets des autres modes de socialisation comme la famille et les autres institutions de contrôle social. Des stratégies d’intervention pour atténuer l’influence possible des webséries et pour aiguiser le sens critique des jeunes par rapport aux messages véhiculés par les médias sont aussi à développer. En recourant à des approches qui tiennent compte de l’engouement des jeunes pour les outils de communication contemporains et du développement de l’industrie du divertissement en ligne qui fait preuve de beaucoup de créativité pour attirer et fidéliser les publics jeunes, il est possible de responsabiliser les jeunes. Il serait également intéressant de s’appuyer sur les travaux et modèles de l’edutainment et d’entreprendre un travail d’alimentation et de sensibilisation des producteurs
et scénaristes qui pourraient proposer, dans les scénarios des productions sérielles ciblant les jeunes, des représentations de l’usage des drogues plus nuancées (Gaudet, 2010).
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Notes
[1] ^Il n’est malheureusement pas possible de situer la popularité de cette série par rapport à celle des autres fictions qu’apprécient les jeunes étant donné que les données de téléchargement ne renseignent pas sur le profil de l’usager. De nouveaux dispositifs devront être mis en place pour documenter l’auditoire des contenus de divertissement visionnés sur Internet et cerner le profil des « webspectateurs ».
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