MICHEL LANDRY /
Voici le deuxième numéro de Drogues, santé et société pour l’année 2008. Il s’agit d’un numéro non thématique composé exclusivement d’articles soumis à la rédaction de la revue, sans sollicitation. Nous poursuivons ainsi l’alternance entre numéros thématiques et non thématiques.
Dans le premier article, Myriam Laventure, Michèle Déry et Robert Pauzé présentent le profil de consommation d’adolescents et d’adolescentes suivis dans quatre centres jeunesses du Québec. Les données sont tirées d’une vaste étude destinée à tracer le portrait des jeunes en centre jeunesse. On sait que la consommation de substances psychoactives par les adolescents et les adolescentes suivis en centre jeunesse constitue un problème important qui interfère avec la démarche de réadaptation proposée à ces jeunes. Le portrait présenté dans cette étude permet de mieux circonscrire ce problème de consommation et d’identifier les caractéristiques personnelles, familiales et sociales qui y sont associées. Les auteurs souhaitent que ces données permettent de mieux connaître les besoins des jeunes des centres jeunesse à cet égard et de déterminer les cibles d’intervention les plus appropriées en ce qui concerne cette problématique.
Dans le deuxième article de ce numéro, Marie-Ève Bouthillier et ses collaborateurs abordent un sujet moins souvent traité dans cette revue et néanmoins d’une importance déterminante dans l’intervention en toxicomanie, particulièrement en réduction des méfaits. Les auteurs y traitent, à l’aide de la petite éthique de Paul Ricœur, des problèmes éthiques rencontrés dans la pratique d’intervenants montréalais œuvrant avec des personnes toxicomanes dans des programmes d’échange de seringues et de distribution de méthadone. Les problèmes éthiques rencontrés par ces intervenants ont été classés de façon à tenir compte à la fois des problèmes liés aux contextes politique, légal et organisationnel de même que des enjeux liés à la pratique sur le plan relationnel. Cette étude montre la complexité inhérente des problèmes et la nécessité de les aborder dans un système éthique intégrant toutes les dimensions de l’intervention en réduction des méfaits.
Michel Perreault et ses collaborateurs présentent la perspective d’intervenants sur le projet Répit-Urbain, qui propose un séjour structuré à la campagne à des jeunes de la rue. Ce séjour vise le développement de compétences personnelles ainsi que des apprentissages sur les effets néfastes découlant de la consommation de drogues et d’alcool. Les résultats de l’étude suggèrent que, du point de vue des 25 intervenants qui y ont participé, le projet a effectivement répondu à un besoin de «répit» des jeunes et aurait favorisé l’acquisition de connaissances sur des sujets qu’ils jugent importants. De façon générale, la structure du programme a été appréciée de même que les retombées post-séjour telles que l’approfondissement de la relation entre les jeunes et leurs intervenants. Le modèle de partenariat proposé révèle un potentiel intéressant pour rejoindre les jeunes de la rue, une population réputée difficile à rejoindre dans le cadre des services dispensés de manière «traditionnelle». Il semble aussi réunir certaines conditions qui contribuent à la création et à la consolidation de l’alliance entre les personnes sans domicile fixe et leurs intervenants.
Hélène Simoneau et Stéphane Guay présentent une recension des écrits qui fait état des conséquences de la concomitance des troubles liés à l’utilisation d’une substance et du trouble «état de stress post-traumatique» sur le traitement. Les données empiriques issues des études qui se sont intéressées à cette question mettent d’abord en relief que la clientèle qui consulte pour alcoolisme et toxicomanie présente un tableau clinique à l’entrée en traitement nettement plus détérioré lorsque le trouble lié à l’utilisation d’une substance s’accompagne du trouble état de stress post-traumatique. De plus, les usagers avec ces troubles concomitants retirent généralement moins de bénéfices du traitement de la toxicomanie. Les auteurs rapportent que si les programmes de traitement intégré s’avèrent prometteurs pour accroître les bénéfices lorsque les deux troubles sont présents simultanément, ils ne semblent pas contrer le problème de l’abandon prématuré du traitement. Ils énoncent ensuite, à partir d’indices tirés de la recension des écrits, des hypothèses susceptibles d’orienter la recherche et ainsi de fournir des éléments essentiels à la conception de traitements mieux adaptés à la réalité des survivants de trauma.
Nicole Perreault et ses collaboratrices ont mené une étude qui examine les effets d’une intervention préventive visant à changer les connaissances d’étudiants de niveau collégial face aux substances pouvant faciliter une agression. Les résultats indiquent que les participants, à la suite de l’intervention, ciblent davantage l’alcool comme étant la première substance reliée aux agressions sexuelles et reconnaissent davantage le rôle de la consommation en tant que facteur de risque d’agression. Les résultats ont également permis de dégager des pistes qui permettront de mieux cibler cette intervention, notamment en ce qui concerne le rôle de l’alcool par rapport aux autres drogues ainsi que son contexte d’utilisation dans la création d’une dynamique d’agression de même que l’information transmise sur la relation sexuelle non consentie ou forcée en fonction de la réalité des jeunes visés.
Nous espérons que les données de recherche et de la littérature publiées dans ce numéro apporteront aux lecteurs une meilleure compréhension du phénomène de la consommation de substances psychoactives et lui fourniront des pistes d’intervention auprès des personnes qui en font un usage inapproprié. Drogues, santé et société poursuit sa mission de publier sur le Web, en accès libre, des écrits scientifiques à propos de l’usage et de l’abus des drogues et des phénomènes qui lui sont associés. Nous profitons de l’occasion pour renouveler notre invitation aux auteurs qui œuvrent dans ce champ à nous soumettre leurs textes, qu’il s’agisse de résultats de recherche, d’articles de fond ou de transfert des connaissances.
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