MOHAMED BEN AMAR /
Originaire d’Asie centrale, le cannabis ou chanvre indien est un psychotrope dont les propriétés auraient été découvertes par l’empereur de Chine Shen Nung, 2737 ans avant Jésus-Christ. Depuis des millénaires, on le consomme à des fins récréatives ou thérapeutiques.
C’est en 1839 que O’Shaughnessy, un médecin et chirurgien britannique, découvre ses propriétés analgésiques, antiémétiques, anticonvulsivantes et myorelaxantes. Ses observations, publiées en 1842, conduisent rapidement à l’expansion de l’usage médical de la substance. En 1854, le cannabis est inclus ntedans le Dispensaire des États-Unis et, jusque dans les années 1930-1940, il sera vendu librement dans les pharmacies et présent dans de nombreuses pharmacopées, après quoi il en sera progressivement retiré en raison de ses effets psychoactifs.
Les premières mesures prohibitionnistes relatives à ce psychotrope en Amérique du Nord remontent au début du XXe siècle. Au Canada, en 1923, le cannabis est inclus dans la Loi sur l’opium de 1908. Aux États-Unis, en 1937, sous la pression du Bureau fédéral des narcotiques, le gouvernement américain adopte le Marihuana Tax Act. En 1942, le cannabis est retiré de la pharmacopée américaine : selon des allégations des autorités des États-Unis, il provoquerait la toxicomanie, la démence et des comportements violents.
À l’échelle internationale, l’Organisation des Nations Unies (ONU) a mis en place un système mondial de contrôle des psychotropes et des stupéfiants basé sur des conventions qui régissent leur production et leur distribution à travers le monde. On compte trois traités internationaux en cette matière : la Convention unique sur les stupéfiants (1961), la Convention sur les substances psychotropes (1971) et la Convention contre le trafic illicite des stupéfiants et des substances psychotropes (Convention de Vienne de 1988)
Le Canada est signataire de ces trois traités. Les pays adhérents sont tenus de contrôler la disponibilité et le trafic de certaines substances psychoactives. D’après la Convention de Vienne de 1988, la possession du cannabis est illégale et doit être punie. Cependant, cette infraction n’est pas sujette nécessairement à des peines criminelles selon les trois traités, et les obligions internationales des pays signataires n’imposent pas une rigidité dans les politiques à adopter.
Le débat sur l’aspect légal de la marijuana bat son plein aujourd’hui, tant au Canada qu’ailleurs dans le monde. Le sujet est complexe, controversé, et des courants de pensée diamétralement opposés s’affrontent. Comment se situe le cannabis dans le contexte de Drogues, santé et société ? Le cannabis est l’un des psychotropes qui a été le plus étudié. À l’exception des applications thérapeutiques, qui nécessitent encore confirmation ou infirmation, les effets de la marijuana et du haschich sur l’organisme humain sont bien documentés et l’impact de leur consommation sur les plans sanitaire, social, économique et juridique est bien connu de nos jours. Malgré l’abondance de l’information disponible, les opinions sur l’efficacité et l’innocuité du cannabis demeurent partagées. Sujettes parfois à des préjugés, et ses propriétés sont dans quelques cas distorsionnées à des fins partisanes. Pourtant, l’analyse objective et rigoureuse des données actuelles devrait faire l’unanimité : la littérature scientifique nous informe que l’usage du cannabis ne doit être ni banalisé ni démonisé. Néanmoins, le concept de santé publique étant perçu différemment par chaque citoyen, l’existence d’échelles de valeurs individuelles fait en sorte que chacun de nous a une vision particulière du type de société dans laquelle il souhaite vivre.
Le présent numéro dresse un bilan de l’état de nos connaissances sur le cannabis. Nous y présentons divers articles de transfert des connaissances ainsi que des réflexions et des analyses critiques de positions adoptées par divers organismes, dont l’Association médicale canadienne, l’Ordre des pharmaciens du Québec, l’Association canadienne des chefs de police, l’Association canadienne de la police professionnelle et le Service de sensibilisation aux drogues de la Gendarmerie royale du Canada. Tous nous ont aimablement communiqué leur point de vue et ont bénéficié d’un droit de réplique. Les volets canadien et québécois comportent aussi des données épidémiologiques relevées auprès d’adolescents de même qu’une étude des conclusions de la Commission d’enquête sur l’usage des drogues à des fins non médicales (1969-1973), du Comité spécial du Sénat sur les drogues illicites (septembre 2002) et du Comité spécial de la Chambre des communes sur la consommation non médicale de drogues ou de médicaments (décembre 2002). Enfin, nous présentons quelques réflexions sur les politiques publiques relatives au cannabis aux États-Unis et en Europe.
Nous espérons que cette édition spéciale contribuera modestement à un débat de société sur une question d’actualité.
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