https://drogues-sante-societe.ca/wp-content/uploads/2012/09/Resultatsderecherche.jpg

CATHERINE GATINEAU, MAGALI DUFOUR, JOËL TREMBLAY, DJAMAL BERBICHE, ANDRÉE-ANNE LÉGARÉ, YASSER KHAZAAL, SIMON MARMET /

Catherine Gatineau, étudiante doctorat psychologie (recherche et intervention), Département de psychologie, Université du Québec à Montréal

Magali Dufour, Ph. D., professeure, Département de psychologie, Université du Québec à Montréal

Joël Tremblay, Ph. D., professeur, Département de psychoéducation, Université du Québec à Trois-Rivières

Djamal Berbiche, statisticien senior, Département des sciences de la santé communautaire, Programmes d’études et de recherche en toxicomanie, Université de Sherbrooke (Campus Longueuil)

Andrée-Anne Légaré, Ph. D., professeure, Faculté de médecine et des sciences de la santé, Université de Sherbrooke (Campus de Longueuil) 

Yasser Khazaal, Ph. D., professeur, Service de médecine des addictions, Département de Psychiatrie CHUV et Université de Lausanne

Simon Marmet, Ph.D., chercheur, Médecine de l’addiction, Hôpital universitaire de Lausanne et Université de Lausanne

 

Correspondance
Catherine Gatineau
Département de psychologie, Université du Québec à Montréal
100, rue Sherbrooke Ouest
Montréal, QC, H2X 3P2
Téléphone : 514 779-3221
Courriel : gatineau.catherine@courrier.uqam.ca


Résumé

Introduction : Depuis quelques années, le concept de consommation excessive, souvent appelé binge, est utilisé pour guider des démarches préventives, notamment pour les dépendances aux substances. Or, la pertinence de ce marqueur précoce n’a jamais été explorée en ce qui a trait à l’hyperconnectivité, phénomène pouvant se traduire par une surutilisation des écrans et mener au développement d’une utilisation problématique d’Internet (UPI). Cette étude souhaite valider et définir ce qui pourrait constituer un épisode de binge Internet.

Méthode : L’étude est réalisée auprès de 93 jeunes adultes âgés de 17 à 25 ans. Leur niveau de sévérité d’UPI a été évalué à partir de l’Internet Addiction Test et d’une entrevue clinique basée sur la grille d’évaluation WebAdo. Pour évaluer la pertinence du binge, des analyses de ROC (Receiver Operating Characteristic) ont été effectuées à partir des scores de sévérité. Une analyse linéaire binominale et des tests-t indépendants ont également été conduits pour comparer l’importance des méfaits subis selon les participants ayant vécu ou non un épisode de binge.

Résultats : Les analyses de sensibilité et de spécificité indiquent qu’un épisode de binge Internet peut être défini par une utilisation consécutive de plus de 7,5 heures. Ce seuil représente le meilleur ratio pour distinguer les participants à faible risque, de ceux ayant une utilisation problématique d’intensité modérée à sévère. D’autre part, les personnes ayant fait un binge de 7,5 h+ ont rapporté vivre davantage de difficultés familiales, monétaires, physiques et personnelles. Enfin, les jeunes adultes présentant une comorbidité et le temps hebdomadaire passé sur les jeux vidéo ont contribué aux binges de 7,5 h+. 

Discussion : En considérant des éléments objectifs, ce nouvel indicateur pourrait devenir un marqueur ou une recommandation à ne pas dépasser, favorisant le maintien d‘habitudes saine face aux écrans. Il pourrait également être intégré dans de futures évaluations pour cette problématique.

Mots-clés : Binge, utilisation problématique d’Internet, prévention, jeune adulte 

Internet Binge : A Potential Marker of Screen Use Problems?

Abstract 

Introduction: Over the past several years, experts have used the concept of excessive consumption, often referred to as binge to steer preventive measures, especially in the context of substance addiction. However, no one has yet explored the applicability of this early indicator to the realm of hyperconnectivity, a phenomenon that can result in excessive screen time and the development of problematic Internet use (PIU). This study seeks to validate and define the parameters of what constitutes an Internet binge episode.

Method: We enlisted 93 young adults aged 17 to 25 for this study. Their level of PIU severity was gauged using the Internet Addiction Test and a clinical interview based on the WebAdo assessment grid. To gauge the suitability of the binge concept, we conducted receiver operating characteristic (ROC) curve analyses on the severity scores. Additionally, we performed binomial linear analysis and independent t-tests to compare the extent of difficulties experienced by participants who had or hadn’t experienced a binge episode.

Results: Sensitivity and specificity analyses reveal that a binge Internet episode is characterized by consecutive use exceeding 7.5 hours. This threshold offers the most effective means of distinguishing participants without usage problems rom those at risk of moderate to severe usage issues. Conversely, individuals who engaged in a binge of 7.5 hours or more reported a higher incidence of family, financial, physical, and personal difficulties. Moreover, young adults with comorbid conditions and the number of hours spent on video games each week contributed to the occurrence of binge episodes.

Discussion: Taking into account these concrete findings, this new indicator holds the potential to serve as a marker or a recommended limit for optimizing healthy screen habits in the long run. It could also be incorporated into future assessments of this issue.

Keywords: binge, problematic Internet use, prevention, young adult

Internet compulsivo: ¿un indicador potencial de los problemas de uso en las pantallas?

Resumen 

Introducción: Desde hace algunos años se utiliza el concepto de consumo excesivo, a menudo llamado binge (compulsivo), para guiar estrategias de prevención, principalmente para las dependencias a las drogas. Sin embargo, la pertinencia de este marcador precoz nunca fue explorado en lo que hace a la hiperconectividad, fenómeno que puede traducirse por una sobreutilización de las pantallas y conducir al desarrollo de un uso problemático del Internet. Este estudio desea por lo tanto validar y definir lo que podría constituir un episodio de binge Internet.

Método: El estudio fue realizado con 93 jóvenes cuyas edades variaban entre 17 a 25 años. Su grado de severidad con respecto a la utilización problemática del Internet fue evaluado con el Internet Addiction Test (test de adicción al Internet) y mediante una entrevista clínica basada en la Tabla de evaluación WebAdo. Para evaluar la pertinencia del binge se realizaron análisis de Receiver Operating Characterístics (ROC) (características de funcionamiento del receptor) a partir de gradaciones de severidad. Se realizó asimismo un análisis linear binominal93 y test’t independientes para comparar la importancia de los daños sufridos según que los participantes hayan vivido o no un episodio de binge.

Resultados: Los análisis de sensibilidad y de especificidad efectuados indican que un episodio de binge Internet puede definirse por un uso consecutivo de más de 7,5 horas. Este umbral representa la mejor relación para distinguir a los participantes de bajo riesgo a los que presentan una utilización problemática de intensidad moderada a severa. Por otra parte, las personas que han hecho un binge de 7,5h+ declararon experimentar más dificultades familiares, monetarias, físicas y personales. Finalmente, los adultos jóvenes que presentan una comorbilidad y tiempo hebdomadario transcurrido con los juegos video contribuyeron a los binges de 7,5h+.

Discusión: Considerando estos elementos objetivos, este nuevo indicador podría, a largo plazo, resultar en un marcador o una recomendación a no superar con el fin de optimizar hábitos sanos ante las pantallas y al mismo tiempo podría integrarse en evaluaciones futuras para esta problemática.

Palabras clave: binge, utilización problemática de Internet, prevención, joven adulto


Introduction

Problématique

Au cours des dernières années, de nouveaux comportements considérés à risque de développer une dépendance sont apparus. À la consommation d’alcool, de drogues et des jeux de hasard et d’argent se sont ajoutés l’utilisation d’Internet et des jeux vidéo. Bien qu’un comportement modéré de ces activités puisse être ludique et agréable, l’excessivité et la perte de contrôle peuvent en effet affecter significativement le bien-être physique, psychologique et social des individus (Kuss et al., 2014 ; Tsitsika et al., 2014). Si des comportements de consommation ou d’utilisation excessifs peuvent engendrer des enjeux personnels et sociaux importants, les interventions précoces sont reconnues comme étant des stratégies efficaces pour réduire les conséquences et prévenir l’aggravation de la problématique (Hage et al., 2007 ; Santé Canada, 2006). Des marqueurs comportementaux, tels que les épisodes de binge, permettraient de détecter rapidement les méfaits associés aux conduites excessives (ex. : binge drinking) (Botvin et al., 2001 ; Turrisi et al., 2001). Ainsi, l’objectif de cette étude est d’explorer la pertinence des épisodes de binge en tant que marqueur potentiel au regard de l’utilisation d’Internet.

La consommation excessive ou le concept du binge

Le concept de la consommation excessive, aussi désigné sous le terme de binge , suscite des préoccupations croissantes en raison des conséquences potentiellement négatives associées à de tels épisodes. Les études définissent généralement un épisode de binge comme une courte période de temps où un individu fait une activité de manière excessive, caractérisée par un sentiment de perte de contrôle et susceptible d’entraîner des conséquences négatives (Clarke, 2019 ; Nower et Blaszczynski, 2003). Initialement développé pour décrire les méfaits liés à la consommation d’alcool, le concept a d’abord été appliqué au binge drinking (Berridge et al., 2009 ; Dalleau, 2019). Dès les années 1990, ce phénomène est apparu en réponse aux inquiétudes soulevées par les responsables universitaires face aux conséquences d’un mode d’alcoolisation rapide et excessif (calage d’alcool) (Berridge et al., 2009 ; Dalleau, 2019 ; Wechsler et Isaac, 1992). Pour quantifier ce phénomène croissant auprès des jeunes, Wechsler et ses collègues (1995) ont introduit le terme binge drinking, défini par l’absorption d’au moins cinq verres chez les hommes et de quatre verres chez les femmes en une courte période de temps. Ce seuil a ensuite été utilisé par de nombreux cliniciens et chercheurs pour identifier les comportements à risque, associés à une augmentation de la concentration d’alcool dans le sang (Berridge et al., 2009 ; Wechsler et Nelson, 2001). De fait, vivre un épisode de consommation excessive d’alcool augmenterait les risques de vivre des méfaits sociaux, psychologiques et physiques. Une fréquence répétée de ces épisodes pourrait également accroître le risque de développer un trouble de consommation d’alcool (Knight et al., 2002; Weschsler et Nelson, 2001).

Depuis l’émergence de ce concept, de nombreuses études ont documenté ces types de mésusage en alcool. Au Canada, plus de 19 % de la population âgée de plus de 12 ans rapportent avoir vécu un épisode de consommation excessive, et ce, au moins une fois par mois au cours de la dernière année (Statistique Canada, 2019). Puisque les conséquences néfastes et développementales chez les jeunes adultes sont bien connues, des programmes de sensibilisation et de prévention ont ciblé ces moments de binge afin de réduire leur fréquence et de prévenir le développement de problèmes plus sévères, tels que la dépendance (Botvin et al., 2001 ; Turrisi et al., 2001). L’étude menée par Turrisi et ses collègues (2001) a notamment démontré l’efficacité à court terme d’une intervention parentale ciblant les jeunes avant leur entrée à l’université. Cette démarche préventive avait pour but de renforcer leur capacité de résistance face aux incitations à une consommation d’alcool excessive. En comparaison avec le groupe de parents non exposés à l’intervention, les étudiants ayant reçu le programme de prévention par leurs parents ont manifesté des perceptions plus défavorables envers les activités de consommation d’alcool, une réduction des tendances à la consommation excessive, une diminution de l’approbation de la consommation d’alcool par les pairs ainsi qu’une atténuation des conséquences liées à la consommation d’alcool. 

Le concept de binge appliqué à d’autres comportements 

Au fil des dernières années, le binge a également été utilisé pour d’autres comportements problématiques, tels que la consommation excessive de nourriture (binge eating) (American Psychiatric Association [APA], 2013), l’écoute intensive de la télévision (binge watching) (Flayelle et al., 2020), la pratique de jeux de hasard et d’argent (binge gambling) (Cowlishaw et al., 2018; Nower et Blaszczynski, 2003) et plus récemment pour l’utilisation d’Internet et des jeux vidéo (binge gaming) (Dufour et al., 2018 ; Marmet et al., 2023). Dufour et son équipe (2018) ont défini le concept du binge Internet comme une session d’utilisation consécutive de 5 heures ou plus. Ce seuil a été choisi parce ce qu’il représente une durée d’utilisation significative, excédant largement la moitié d’une journée de travail. Il dépasse aussi le critère d’hyperconnectivité, recommandé par la santé publique, qui stipule qu’une utilisation quotidienne de plus de 4 heures d’écran est considérée comme une utilisation intensive (Biron et al., 2019).

Cela dit, bien que le binge ait été souvent utilisé pour orienter des démarches préventives, plusieurs auteurs mentionnent la nécessité d’utiliser une approche plus nuancée face au concept. Par exemple, Flayelle et ses collègues (2019) ont remis en question la conceptualisation des comportements de binge, souvent qualifiés de problématiques, en raison de leurs similitudes avec les différents troubles. Dans les faits, tous les comportements de binge ne seraient pas systématiquement associés à des méfaits (Flayelle et al., 2019). Cette vision simpliste a également été critiquée dans le contexte du binge watching. Certains auteurs proposent plutôt de considérer ces épisodes comme un phénomène hétérogène et multidéterminé, impliquant potentiellement différents sous-profils de personnes qui les pratiquent (Flayelle et al., 2019 ; Riddle et al., 2018; Shim et Kim, 2018). Ainsi, bien que le binge demeure pertinent pour identifier des comportements susceptibles d’entraîner des conséquences négatives, il est important de reconnaître la diversité des réponses individuelles. Une approche plus nuancée permettrait de mieux comprendre ces comportements sans systématiquement les pathologiser. 

Utilisation problématique d’Internet et des jeux vidéo 

La pertinence de l’utilisation du terme binge est soulevée en lien avec un ensemble de comportements potentiellement problématiques, notamment ceux en lien avec l’utilisation d’Internet et des jeux vidéo. Dans notre monde de plus en plus connecté, où 97 % des foyers québécois sont branchés à Internet, la grande utilisation des écrans est désormais un enjeu majeur de santé publique (Académie de la transformation numérique [ATN], 2020). Parmi les activités réalisées en ligne, une majorité d’adolescents disent jouer à des jeux vidéo en ligne, écouter des vidéos, visionner des séries ou des films, utiliser les réseaux sociaux ou encore utiliser Internet dans un cadre scolaire (ATN, 2022). Bien que la plupart de ces jeunes (5-17 ans) utilisent ces technologies de façon récréative et diversifiée, 42 % d’entre eux y passeraient plus de 10 heures par semaine pour des loisirs, ce qui représente une hausse de 17 % depuis 2019 (ATN, 2022). Cette augmentation marquée du temps suscite des préoccupations, notamment en ce qui concerne les conséquences potentielles d’une surutilisation des écrans et sa contribution éventuelle au développement d’une dépendance à Internet et aux jeux vidéo.

Bien qu’à ce jour il n’existe pas de diagnostic officiel sur la terminologie pour la dépendance à Internet, le vocable utilisation problématique d’Internet (UPI) est souvent utilisé pour faire référence à ce phénomène en émergence (Griffiths et al., 2016 ; Kuss et al., 2016 ; Weinstein et Lejoyeux, 2010). Actuellement, les définitions provisoires de l’UPI présentent de nombreuses similitudes avec celles utilisées pour le trouble du jeu vidéo en ligne, reconnu comme diagnostic officiel dans la Classification Internationale des Maladies et comme une « condition nécessitant des études complémentaires » dans le DSM-5 (APA, 2013 ; Organisation mondiale de la santé, 2018). Certains chercheurs préfèrent utiliser le concept plus large d’utilisation problématique d’Internet, couvrant un éventail plus vaste d’activités en ligne, contrairement au trouble du jeu vidéo en ligne, qui se limite à une seule activité (Griffiths et al., 2016 ; Weinstein et Lejoyeux, 2010). Malgré le manque de consensus face à la nosologie de ce trouble, le terme UPI a été retenu pour décrire la condition caractérisée par une utilisation excessive des écrans ainsi que la présence de sentiments de perte de contrôle pouvant mener à une utilisation plus longue et plus fréquente de ce qui était initialement envisagé (Griffiths et al., 2016 ; Starcevic, 2013). La présence de conséquences cliniquement significatives sur le fonctionnement de la personne a aussi été prise en compte pour conclure à une UPI (Weinstein et Aboujaoude, 2015 ; Starcevic, 2013).

Si l’utilisation d’Internet présente des avantages indéniables, comme l’accès à une vaste source d’informations, la facilité et la rapidité des communications, les répercussions d’un usage excessif peuvent être multiples sur la santé physique et psychologique (Gentile et al., 2011 ; Paulus et al., 2018). Parmi ces conséquences figurent une détérioration de la qualité du sommeil (caractérisée par un manque de sommeil, mauvaise qualité et insomnie), des difficultés scolaires (y compris un risque accru d’échec et de décrochage scolaire) et des problèmes relationnels (Anderson et al., 2017 ; Cao et al., 2011 ; Dufour et al., 2019 ; Gentile et al., 2011 ; Kim et al., 2017 ; Paulus et al., 2018). Ces conséquences, souvent rapportées par les personnes présentant une UPI, le sont également, dans une moindre intensité, par les utilisateurs hyperconnectés (Kumar et al., 2019 ; Kuss et al., 2016).

Dans le but de minimiser les méfaits liés à une surutilisation d’Internet et de promouvoir des interventions précoces, il serait important de considérer des indicateurs objectifs permettant de détecter rapidement le comportement à risque (So et Chin, 2016; Vondráčková et Gabrhelík, 2016). Bien que la durée d’utilisation ne puisse pas à elle seule expliquer la complexité de l’UPI, elle demeure un indicateur important pour appréhender les comportements problématiques sur Internet (Demetrovics et Király, 2016). En s’inspirant des travaux sur les dépendances, il semble pertinent de poursuivre l’exploration du binge Internet. Des données préliminaires, issues d’une population adulte, laissent supposer que ce concept pourrait être un indicateur permettant de repérer les individus présentant potentiellement des problèmes au regard de leurs utilisations. Une étude menée auprès de 5 356 joueurs de jeux vidéo a révélé que près du tiers (33,3 %) avait participé à des épisodes de binge gaming de 5 h+ au moins une fois au cours de l’année précédente, et que 6,1 % répétaient ces comportements excessifs au moins une fois par semaine (Marmet et al., 2023). Ces résultats ont également mis en évidence une association entre les épisodes de binge 5 h+ et des conséquences sur la santé mentale, et ce, même après avoir pris en compte le nombre total d’heures jouées par semaine. La valeur du seuil de 5 heures utilisé dans cette étude suscite cependant certaines interrogations, notamment en raison de la proportion élevée de joueurs ayant pratiqué ces comportements. Par conséquent, en complément à cet indicateur de 5 h, il est pertinent d’approfondir la définition même du concept de binge Internet. Cela nous permet d’envisager d’autres seuils possibles, tout en développant une compréhension plus approfondie des conséquences associées à ces comportements excessifs. De plus, plutôt que de se limiter à la simple présence ou absence d’un épisode de binge 5 h+ sur Internet, il apparaît important de s’intéresser à la fréquence de ces épisodes. À notre connaissance, aucune étude n’a encore examiné ce concept au sein d’une population québécoise, et ce, pour l’ensemble des activités sur Internet. 

Objectifs

Le premier objectif de cet article est de déterminer un seuil de durée qui constitue un épisode de binge Internet. En s’intéressant au plus grand nombre d’heures consécutives passées en ligne sans interruption, cette démarche permettra de définir un point de césure, au-delà duquel, les probabilités d’avoir une utilisation considérée problématique deviennent plus élevées. Nous explorerons donc d’autres seuils possibles pour définir un épisode de binge comparativement à celui préalablement défini à 5 heures. 

Le second objectif consistera à déterminer la fréquence d’épisodes de binge Internet 5 h+ pouvant être utilisée comme indicateur pour discriminer les personnes ayant une utilisation problématique de celles à faible risque. Nous déterminerons les seuils optimaux pour ces indicateurs en les comparant les uns aux autres, tout en tenant compte de deux indices de sévérité. 

Le troisième objectif aura pour but de documenter les facteurs contribuant à la survenue d’un binge Internet. Enfin, le quatrième objectif permettra de mesurer, de façon préliminaire, la validité concomitante du concept.

Éthique

L’étude a reçu l’approbation éthique des comités institutionnels de recherche impliquant des êtres humains de l’Université du Québec à Montréal et de l’Université de Sherbrooke.

Méthodologie

Participants 

Cette étude analyse les données secondaires du projet WebAdo (Dufour et al., 2018) qui avait pour but de développer et de valider un nouvel outil de dépistage clinique pour la cyberdépendance. L’équipe de WebAdo avait recruté 93 participants âgés de 17 à 25 ans ayant participé à une étude précédente sur les comportements à risque (CyberJEUnes) (Brunelle et al., 2018). Le niveau de sévérité d’UPI a été utilisé comme critère de sélection pour former un échantillon stratifié. À partir de leur récent score à l’Internet Addiction Test (IAT) (Khazaal et al., 2008 ; Young, 1998) trois groupes de participants ont été formés, soit les participants ayant une utilisation problématique d’Internet (score IAT entre 70 et 100), ceux considérés à risque de développer une UPI (score IAT entre 50 et 69), et ceux n’ayant aucun problème d’utilisation (score à l’IAT 20-49). 

Procédure

Le recrutement des participants s’est effectué entre 2016 et 2018. Ces jeunes avaient participé à l’étude antérieure CyberJEUnes et donné leur consentement pour être contactés de nouveau. À la suite de la présentation du projet par téléphone, un entretien en présentiel a été fixé. Après avoir obtenu le consentement par écrit, les participants ont rempli des questionnaires portant sur leurs caractéristiques sociodémographiques et leur sévérité d’UPI. Ensuite, des entretiens semi-structurés, d’une durée moyenne de 120 minutes, ont été menés par des intervenants afin de mieux comprendre les habitudes d’utilisation d’Internet des participants. Ces entretiens ont suivi une grille d’évaluation conçue spécifiquement pour l’étude. Les intervieweurs étaient formés à l’utilisation de cette grille ainsi qu’à la compréhension de l’UPI.

Mesures

Sociodémographies

Les informations sociodémographiques suivantes ont été recueillies à l’aide d’un questionnaire complété par les participants : âge, sexe, langue maternelle, nationalité d’origine, type d’emploi occupé, situation scolaire, lieu de résidence et plateformes utilisées pour accéder à Internet. 

Utilisation d’Internet

Pour mieux comprendre et développer le concept de binge aux activités en ligne, certaines questions de la grille d’évaluation WebAdo ont été retenues (Dufour et al., 2018). 

Binge Internet. Pour répondre au premier objectif, visant à déterminer le nombre d’heures optimal d’un épisode de binge, l’item 1.4 de la grille d’évaluation WebAdo a été retenu (« Quel est le plus grand nombre d’heures consécutives que tu as passé en ligne sans interruption ?»). L’évaluateur précisait qu’une période « sans interruption » ou un nombre d’heures consécutives sur Internet excluaient les arrêts nécessaires pour répondre à un besoin de base (ex. : aller aux toilettes et se nourrir). Pour le second objectif, l’item 1.5 a été utilisé (« Si l’on considère un mois typique dans l’année, à quelle fréquence as-tu passé plus de 5 heures consécutives par jour sur Internet ? »). Les participants étaient invités à répondre verbalement à ces questions lors de l’entrevue.

Conséquences négatives. Pour évaluer les conséquences négatives liées à l’utilisation d’Internet, la question 6.2 de la grille WebAdo a été sélectionnée (« Quelle est l’ampleur/l’intensité des conséquences négatives issues de tes activités sur Internet, dans différentes sphères de ta vie ?»). Cette question comporte 23 items qui évaluent l’importance des méfaits selon quatre sphères d’intérêts : personnelle, sociale, scolaire/emploi et en santé. Une échelle de Likert en 11 points, allant de 0 (nulle) à 10 (extrême), est utilisée. Les scores continus de cette échelle ont été utilisés afin d’analyser les méfaits associés aux épisodes de binge.

La sévérité de l’utilisation problématique d’Internet

Deux échelles permettent d’évaluer l’UPI, soit le score final de l’entrevue WebAdo et le score total de l’IAT.

Grille d’évaluation WebAdo. Le jugement clinique d’un intervenant issu du score total à la grille WebAdo a été considéré pour situer la gravité de la problématique (Dufour et al., 2018). Cette entrevue clinique, d’une durée de 120 minutes, portait sur l’évaluation de sept dimensions aux activités en ligne : 1) la description des activités sociales et des loisirs sur Internet ; 2) les sources de plaisirs, de satisfaction et d’intérêt ; 3) les préoccupations/envies par rapport à l’utilisation d’Internet ; 4) la réactivité émotionnelle à la suite d’un arrêt prolongé d’utilisation d’Internet ; 5) le contrôle sur les activités réalisées sur Internet ; 6) les conséquences négatives associées à l’utilisation ; 7) la perception d’un problème par rapport à l’utilisation et l’autocritique. Pour évaluer la sévérité des problèmes d’utilisation à chacune de ces sphères, les intervenants ont utilisé une échelle de Likert en 10 points comportant quatre niveaux de risques allant de a) très faible (aucun usage ou utilisation infréquente) (0-1), b) faible (début de manque de liberté/contrôle, aucune conséquence négative significative rapportée) (2 à 4), c) modéré (apparitions de conséquences négatives significatives dans une ou plusieurs sphères de vie) (5 à 7) et d) élevé (envahissement psychique, conséquences importantes dans plusieurs sphères de vie, perte évidente de contrôle) (8 à 10). Le diagnostic final a pris en compte la sévérité dans chacune des sept sphères évaluées. Pour faciliter le jugement clinique, un algorithme décisionnel a été développé pour standardiser les évaluations. Les analyses psychométriques préliminaires indiquent une validité de concomitance significative (r=0,56) entre le score obtenu à cette grille d’évaluation et l’IAT. Ce dernier questionnaire reste un des outils les plus utilisés et validés pour évaluer la sévérité d’une UPI (Khazaal et al., 2008). Dans le cadre de cette étude, deux catégories de participants ont été définies. Le premier groupe, était constitué d’individus présentant une utilisation non problématique ou à faible risque de développer des problèmes (score compris entre 0 et 4) et le second de participants manifestant des problèmes d’utilisation d’intensité modérée à sévère (score compris entre 5 et 10).

L’Internet Addiction Test (IAT). La version française et validée de l’IAT (Khazaal et al., 2008 ; Young, 1998) a également permis d’évaluer la sévérité de l’UPI. Ce questionnaire autorapporté est composé de 20 items utilisant une échelle de Likert en 5 points, allant de 1 (jamais) à 5 (toujours). L’intervalle de score varie entre 20 à 100 et permet de distinguer les participants à faible risque d’UPI (score entre 20-49) de ceux ayant potentiellement une utilisation problématique (score de 50+). La consistance interne de l’instrument est de 0,93 (alpha de Cronbach). Les résultats obtenus à cette échelle ont été analysés selon un score continu ainsi qu’à l’aide d’un score catégoriel séparant deux groupes d’utilisateurs (faible risque et problèmes d’utilisation d’intensité modérée à sévère).

Analyses 

Afin de comparer les groupes de participants, des analyses descriptives ont été réalisées, incluant les moyennes et les écarts-types. Des tests-t à groupes indépendants et des analyses du chi-carré ont également été effectués.

Pour évaluer la pertinence du concept de binge Internet, des analyses ROC (Receiver Operating Characteristic) ont été effectuées à partir du jugement clinique obtenu avec la grille WebAdo et des scores à l’IAT. Une courbe ROC permet d’examiner l’ensemble des points de coupure à un test qui varie selon un degré de spécificité et de sensibilité. Ces analyses ont permis de déterminer un seuil d’heure et de fréquence correspondant aux épisodes de binge, établissant par le fait une distinction entre les participants ayant un faible risque de ceux présentant une problématique d’utilisation d’intensité modérée à sévère. L’aire sous la courbe (ASC) a été mesurée afin de vérifier l’exactitude des capacités prédictives des modèles. La précision de classification a aussi été vérifiée et correspond à la proportion de toutes les décisions correctes au point de césure déterminé (Akobeng, 2007). 

En comparant ces seuils d’heures et de fréquences de binge suggérés par les courbes ROC, seul l’indicateur le plus pertinent a été conservé pour poursuivre les analyses. En fonction de ce seuil optimal, une variable dichotomique a été créée afin de différencier deux groupes, soit les participants ayant fait un épisode de binge et ceux n’ayant pas fait cette pratique. Ensuite, une régression linéaire binominale a été effectuée afin de déterminer la contribution des facteurs d’utilisation et sociodémographiques associés. Enfin, des tests-t à groupes indépendants ont permis de comparer l’ampleur des conséquences négatives associées aux comportements de binge Internet. Le logiciel SPSS 27.0 a permis de réaliser l’ensemble des analyses. 

Résultats

Caractéristiques sociodémographiques et utilisation d’Internet

L’échantillon est composé de 93 participants âgés de 17 à 25 ans (M = 19,68, ET = 1,60) avec une répartition égale entre les deux sexes. Les caractéristiques sociodémographiques et les habitudes d’utilisation d’Internet de ces participants sont présentées dans le Tableau 1. Le jugement clinique, établie au moyen de la grille WebAdo, indique que la majorité des participants, soit 33 hommes (62,3 %) et 20 femmes (37,7 %), présente une problématique d’utilisation d’intensité modérée à sévère. Les hommes sont significativement plus représentés dans cette catégorie comparativement aux femmes. Par ailleurs, selon le statut scolaire et d’emploi, la distribution des participants n’est pas différente entre les deux groupes. En ce qui concerne les habitudes en ligne, certaines différences sont soulevées. Les participants présentant une problématique d’utilisation investissaient davantage d’heures par semaine dans leurs activités en ligne, y compris les jeux vidéo. En outre, ce groupe a rapporté vivre, en moyenne, des épisodes de binge d’une durée significativement plus longue que les participants ayant une utilisation jugée à faible risque. De plus, bien que les trois quarts des participants (76,4 %) aient déclaré avoir fait au moins un binge 5 h+ au cours du dernier mois, la fréquence mensuelle de ces épisodes est nettement plus élevée dans le groupe présentant une problématique d’utilisation.

Indicateurs de binge Internet

Durée d’un épisode de binge Internet

Selon la courbe ROC effectuée à partir de la grille WebAdo, le seuil de 7,5 heures présente le meilleur ratio sensibilité/spécificité pour distinguer les deux groupes (Tableau 2). Ainsi, lorsqu’un individu utilisait plus de 7,5 heures consécutives Internet, le modèle présentait une sensibilité de 64,2 %, une spécificité de 65,0 %, une précision diagnostique de 64,5 % et une ASC de 0,74, p < 0,001 [95 % IC (0,64 ; 0,84)]. L’exercice a aussi permis d’établir qu’un point de coupure à la baisse établi à 6,5 heures augmente la sensibilité du modèle (de 64,2 % à 66,0 %) aux dépens d’un plus grand nombre de faux positifs (de 65,0% à 55,0 %). À l’inverse, si un point de césure plus élevé est choisi, le modèle présente une meilleure spécificité globale. Par contre, une proportion d’individus ayant une utilisation considérée problématique a été détectée dans seulement 58,5 % des cas. Pour vérifier la validité de ce seuil, une seconde courbe ROC a été effectuée à l’aide d’un deuxième indice de sévérité. Lorsque l’analyse repose sur l’IAT, un point de césure de 6,5 heures se révèle plus efficace pour discriminer les deux groupes d’utilisateurs avec une sensibilité de 66,7 %, une spécificité de 51,0 %, une précision diagnostique de 58,1 % ainsi qu’une ASC de 0,62, p = 0,044 [95 % IC (0,51 ; 0,74)]. 

L’exactitude de classification de ces deux modèles diffère significativement du hasard puisque l’ASC varie entre 0,62 et 0,74. Par ailleurs, selon les critères de Hosmer et ses collègues (2013), les capacités de discrimination des modèles sont considérées comme étant acceptables pour la grille WebAdo et faibles pour l’IAT. En considérant ces résultats, le point de césure optimal pour définir le concept de binge Internet s’établit à une durée de 7,5 heures consécutives, soit celui de WebAdo (Figure 1).

Fréquence d’épisode de binge 5 h+ sur Internet

Lorsque l’épisode de binge Internet est conceptualisé par une utilisation de plus de 5 h, les deux courbes ROC (reposant sur la grille WebAdo et l’IAT) indiquent qu’un point de césure de 3,5 épisodes offre le meilleur ratio sensibilité/spécificité pour distinguer les deux groupes (Tableau 3). Dans le cadre d’une analyse effectuée à partir de la grille WebAdo, le modèle présente une sensibilité de 63,5 %, une spécificité de 67,6 %, une précision diagnostique de 66,4 % et une ASC de 0,73, p < 0,05 [95 % IC (0,63 ; 0,84)]. En ce qui a trait à l’analyse effectuée à partir de l’IAT, le modèle présente une sensibilité de 66,7 %, une spécificité de 62,0 %, une précision diagnostique de 64,0 % et une ASC de 0,68, p <0,001 [95 % IC (0,57 ; 0,79)]. À nouveau, les capacités de discrimination des modèles sont considérées comme étant  acceptables selon la grille WebAdo (Figure 2) et faibles pour l’IAT (Hosmer et al., 2013).

Facteurs prédicteurs des épisodes de binge Internet 7,5 h+

À partir du nombre d’heures optimal suggéré par les courbes ROC, la création d’une variable dichotomique a permis de conduire une régression logistique binominale de type direct. Cette analyse a mis en évidence les facteurs d’utilisation et sociodémographiques associés à la présence d’un épisode d’utilisation excessive d’Internet de plus 7,5 heures consécutives. Le choix de ce seuil d’heure plutôt que celui portant sur la fréquence du binge sera précisé dans la discussion. Les prémisses concernant la multicolinéarité et la linéarité des variables indépendantes ont été vérifiées pour conduire cette analyse. Les résultats présentés dans le Tableau 4 démontrent que le modèle de régression est significatif (χ2 (8) = 7,44, p < 0,001) et explique 47,2 % de la variance (R² de Nagelkerke). Seule l’augmentation du temps investi sur les jeux vidéo de façon hebdomadaire est associée au binge. Enfin, les jeunes adultes présentant une comorbidité, c’est-à-dire une condition médicale coexistante, ont 2,36 fois plus de risques de faire un binge de 7,5 h+ sur Internet comparativement à ceux ne rapportant aucune condition médicale préexistante. Les participants ont été interrogés sur la présence de tout trouble concomitant, qu’il soit d’ordre physique, psychologique ou émotionnel, préalablement diagnostiqué par un professionnel de la santé. 

Validité de l’épisode du binge Internet à 7,5 h+

Les analyses effectuées pour documenter la validité concomitante et répondre au dernier objectif de l’étude illustrent qu’en moyenne, les participants ayant pratiqué un binge de 7,5 h+ sur Internet rapportent vivre significativement plus de conséquences globalement comparativement aux personnes n’ayant pas fait cette pratique (Tableau 5). Des difficultés de gestion de colères et de fatigue sont plus rapportées par ce groupe. Leurs relations familiales ainsi que leurs finances sont aussi davantage affectées comparativement aux personnes n’ayant pas fait de binge de 7,5 h+. Des conséquences négatives sur l’alimentation et sur la santé physique ont également été rapportées dans une plus grande intensité par les personnes ayant fait cette pratique. Par ailleurs, bien que ce groupe ait affirmé avoir moins de temps pour investir d’autres loisirs, aucune différence significative n’a été soulevée concernant la gestion du stress et des difficultés scolaires et professionnelles.

Discussion

Cette étude s’est intéressée au développement et à la validité préliminaire du binge Internet. Pour conceptualiser les indicateurs du binge, deux seuils d’utilisation ont été déterminés. Passés ceux-ci, les risques de vivre des méfaits étaient plus élevés. La durée d’un épisode ainsi que la fréquence de binge 5 h+ ont été comparées et définies en prenant en compte deux indices de sévérité, soit le score de la grille WebAdo ainsi que celui de l’IAT. 

En ce qui concerne le premier indicateur de durée, les courbes ROC ont permis de caractériser le binge comme un épisode où un individu passe plus de 7,5 heures consécutives en ligne. A priori, ce seuil représenterait donc le meilleur ratio sensibilité/spécificité pour prédire des conséquences potentiellement négatives. Bien que des études subséquentes devront valider cet indicateur, cette question pourrait facilement s’intégrer dans une routine de détection afin d’évaluer les risques que pose l’utilisation d’Internet. À notre connaissance, cette étude est la première à avoir utilisé le seuil d’heures continues dans un même épisode comme prédicteur potentiel d’une UPI. Bien que le binge Internet ait été peu étudié, d’autres recherches ont introduit divers concepts liés à une utilisation quotidienne problématique. Le concept d’hyperconnectivité, utilisé par la santé publique et défini par un temps d’écran de 4 heures par jour, est un exemple où un seuil d’heures a été déterminé (Biron et al, 2019). Notre concept est difficilement comparable avec ce critère puisque le binge est un épisode qui n’est pas nécessairement quotidien et peut même être rare. Ce faisant, il est tout à fait compréhensible que le nombre d’heures associées au binge soit supérieur à ce seuil quotidien. D’autres études, dont celle de Tao et ses collègues (2010), ont proposé un critère d’utilisation quotidienne associé à l’UPI de 6 heures par jour, pour une durée consécutive d’au moins trois mois. Une fois de plus, ce critère, bien qu’intéressant, est complètement différent du concept de binge et donc, difficilement comparable.

Pour le second indicateur, la valeur discriminative du binge au seuil de 5 h+ semble être discutable. Les résultats descriptifs démontrent en effet que les utilisateurs présentant un faible risque d’UPI vivent en moyenne 3,14 épisodes de binge par mois. Comparativement au point de césure identifié par les courbes ROC à une fréquence mensuelle de 3,5 épisodes (5 h+), ce patron d’utilisation semble déjà être la norme chez les participants à faible risque d’UPI. À première vue, un épisode d’utilisation excessive de 5 h+ semble être très sensible au sein de notre population.

Facteurs prédicteurs du binge 7,5 h+

Les déterminants associés au concept de binge 7,5 h+ semblent être congruents avec ceux fréquemment mentionnés pour l’UPI. Premièrement, comme attendu, le temps investi sur les jeux vidéo était associé au concept du binge. Plusieurs auteurs ont souligné que les caractéristiques structurelles des jeux vidéo en ligne sont particulièrement attirantes pour les joueurs et constituent un facteur de risque dans le développement d’une UPI (Flayelle et al., 2023 ; King et al., 2011). L’univers immersif et englobant des jeux vidéo en ligne, par exemple les jeux de rôle en ligne massivement multijoueur, faciliterait une perte de la notion du temps et serait renforcé par des caractéristiques inhérentes au jeu (ex. : système de renforcement social, sentiment d’accomplissement et de valorisation lors de l’atteinte d’un niveau, monde permanent) (Flayelle et al., 2023). À l’opposé, l’utilisation des réseaux sociaux ne semble pas être un facteur prédictif du binge Internet à 7,5 h+. Cette absence de prédiction s’expliquerait en partie par les caractéristiques structurelles particulières de ces plateformes. Contrairement à d’autres types d’activités en ligne, tels que les jeux vidéo, où les utilisateurs peuvent s’engager dans des sessions de jeu continues, l’utilisation des réseaux sociaux est plus fragmentée et intermittente au cours de la journée. Par exemple, de brefs comportements de vérification sur le cellulaire, en réponse à des notifications ou par habitude, peuvent rendre difficile l’évaluation précise du temps réellement passé sur ces applications (Oulasvirta et al., 2012). Ainsi, le critère de 7,5 heures semble être moins pertinent dans le contexte des réseaux sociaux, où l’utilisation peut être plus morcelée et moins susceptible de s’inscrire dans un épisode continu de binge.

Enfin, les jeunes adultes présentant une comorbidité étaient 2,36 fois plus susceptibles de s’engager dans un épisode d’utilisation excessive de 7,5 h+. Selon Kuss et ses collègues (2014)Internet usage has grown tremendously on a global scale. The increasing popularity and frequency of Internet use has led to an increasing number of reports highlighting the potential negative consequences of overuse. Over the last decade, research into Internet addiction has proliferated. This paper reviews the existing 68 epidemiological studies of Internet addiction that (i, il semble que les comorbidités associées à l’UPI soient la norme plutôt que l’exception. Par exemple, l’impulsivité associée au TDAH engendrerait des difficultés de contrôle dans la prise de décision à court terme, ce qui pourrait expliquer en partie pourquoi les individus présentant cette condition s’engagent dans plus d’épisodes de binge drinking, de binge eating et utilisent Internet plus longtemps (Cortese et al., 2007 ; Roberts et al., 2014 ; Wojciechowski, 2018). Inversement, certains binges comportementaux pourraient potentiellement exacerber des difficultés concomitantes existantes telles que l’anxiété, la dépression et le stress (Clarke, 2019 ; Peterson et al., 2012). Dans une approche préventive et curative, surveiller les fréquences de binge Internet pourrait être pertinent, particulièrement chez les jeunes présentant un trouble concomitant. Des programmes préventifs pourraient être élaborés pour aider ces jeunes à adopter une meilleure gestion du temps en ligne, promouvoir une utilisation consciente d’Internet et encourager la prise de pauses plus fréquente.

Validité concomitante du binge 7,5 h+

Dans cette étude, il était important non seulement de déterminer le seuil du binge, mais également de s’assurer que ce critère est pertinent et permet de distinguer les groupes à l’étude. Comme attendu, les participants ayant fait un binge de 7,5 h+ ont rapporté vivre plus de difficultés à gérer leurs émotions et leur temps. Ils ont aussi signalé vivre davantage de répercussions sur leur santé, leurs relations familiales et leurs finances. Dans l’ensemble, ces conséquences associées au binge 7,5 h+ semblent cohérentes avec l’utilisation excessive d’Internet. En effet, lorsque l’utilisation d’Internet devient la priorité et sublime progressivement le monde hors écran au second plan, des préjudices interpersonnels, scolaires et professionnels sont souvent rapportés par les adolescents et leurs parents (Anderson et al., 2017 ; Cao et al., 2011 ; Gentile et al., 2011 ; Paulus et al., 2018 ; Weinstein et Aboujaoude, 2015). Étonnamment, le binge Internet ne semble pas être associé à un niveau accru de difficultés scolaires comparativement à ce que suggèrent les études (Anderson et al., 2017 ; Brunborg et al., 2014 ; Gentile et al., 2011). L’absence de ce constat pourrait être partiellement attribuée au nombre important de participants (20,21 %) qui n’étaient pas étudiants. D’autres études devront examiner cette association entre le binge Internet et la performance académique et professionnelle.

Limites

Cette étude compte certaines limites. D’abord, bien que nos résultats indiquent qu’un épisode d’utilisation excessive de plus de 7,5 h engendre potentiellement des méfaits, il semble nécessaire de poser un regard critique et de prendre en considération le contexte plus large, notamment les motivations sous-jacentes à s’engager dans un tel épisode. Par exemple, une étude menée par Yee (2006) auprès de 30 000 joueurs de MMORPG a révélé que 60,9 % passaient plus de 10 heures en ligne au cours d’un même épisode. Cependant, ces épisodes d’utilisation prolongée n’évoquaient pas tous une expérience négative et potentiellement problématique (Taquet, 2016 ; Yee, 2006). Ainsi, afin de poursuivre le développement du concept de binge, une meilleure compréhension des motivations et du contexte associé serait souhaitable afin de ne pas surpathologiser une utilisation fonctionnelle et adaptée au contexte social. Car, bien que le temps passé sur Internet constitue l’un des seuls indices quantifiables et objectifs, cet indicateur reste un facteur insuffisant à l’égard de la problématique (Demetrovics et Király, 2016 ; Griffiths, 2010). Ainsi, cette étude souligne la nécessité de considérer d’autres indicateurs avec le binge, tels que le vécu subjectif de détresse associé au comportement, pour évaluer de manière plus complète la gravité de l’utilisation. Enfin, la taille de notre échantillon et l’âge des participants (17 à 25 ans) restreignent la généralisation de nos résultats. Il serait également intéressant de valider la durée d’un épisode de binge auprès de populations présentant des niveaux de sévérité élevés, alors qu’une majorité de participants présentaient une problématique d’intensité modérée. De plus, l’utilisation de mesures autorapportées pour évaluer la durée d’un binge a pu être affectée par ce type de méthodologie. Une mesure objective serait souhaitable dans de futures études.

Conclusion

Cette étude suggère que les seuils du binge Internet pourraient constituer des indicateurs pertinents pour détecter une utilisation potentiellement problématique des écrans. L’introduction d’un marqueur quantifiable de ce type pourrait être bénéfique pour cibler divers utilisateurs à risque et prévenir les conséquences néfastes associées à une utilisation excessive des écrans. Bien que les critères du binge établis dans cette étude représentent un premier jalon dans le développement de ce concept, les capacités de classification de ces modèles pourraient orienter de nouvelles approches préventives, à l’image de celles employées pour limiter d’autres comportements excessifs tels que la consommation d’alcool.


Références

Académie de la transformation numérique [ATN]. (2020). Portrait numérique des foyers québécois. NETendances 2020, 11(3). https://transformation-numerique.ulaval.ca/wp-content/uploads/2022/09/netendances-2020-portrait-numerique-des-foyers-quebecois.pdf

Académie de la transformation numérique [ATN]. (2022). La famille numérique. NETendances 2022, 13(6). https://transformation-numerique.ulaval.ca/wp-content/uploads/2023/02/netendances-2022-la-famille-numerique.pdf 

Akobeng A. K. (2007). Understanding diagnostic tests 3: Receiver operating characteristic curves. Acta paediatrica, 96(5), 644–647. https://doi.org/10.1111/j.1651-2227.2006.00178.x

American Psychiatric Association [APA]. (2013). Diagnostic and statistical manual of mental disorders. American Psychiatric Association, 21. https://doi.org/10.1176/appi.books.9780890425596.

Anderson, E. L., Steen, E. et Stavropoulos, V. (2017). Internet use and problematic internet use: A systematic review of longitudinal research trends in adolescence and emergent adulthood. International Journal of adolescence and youth, 22(4), 430-454. https://doi.org/10.1080/02673843.2016.1227716

Berridge, V., Herring, R. et Thom, B. (2009). Binge drinking: A confused concept and its contemporary history. Social History of Medicine, 22(3), 597-607 . https://doi.org/10.1093/shm/hkp053

Biron, J.-F., Fournier, M., Tremblay, H.P. et Nguyen, T.C. (2019). Les écrans et la santé de la population à Montréal. Direction régionale de santé publique du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal. https://santemontreal.qc.ca/professionnels/drsp/publications/publication-description/publication/les-ecrans-et-la-sante-de-la-population-a-montreal/

Botvin, G. J., Griffin, K. W., Diaz, T. et Ifill-Williams, M. (2001). Preventing binge drinking during early adolescence: One- and two- year follow-up of a school-based preventive intervention. Psychology of Addictive Behaviors, 15(4), 360‑365. https://doi.org/10.1037/0893-164X.15.4.360

Brunborg, G.S., Mentzoni, R.A. et Froyland, L.R. (2014). Is video gaming, or video game addiction, associated with depression, academic achievement, heavy episodic, drinking, or conduct problems? Journal of Behavioral Addictions, 3(1), 27-32, https://doi.org/10.1556/JBA.3.2014.002

Brunelle, N., Dufour, M., Dussault, F., Rousseau, M., Leclerc, D., Tremblay, J., Bouthillier, I. et Cousineau, M.-M. (2018). Projet cyberJEUnes 2 : Trajectoires de jeux de hasard et d’argent chez les jeunes : Rôles du jeu Internet et de problématiques associées (publication nº 2015-JU-179939). https://frq.gouv.qc.ca/app/uploads/2021/05/2014-2015_rapport_projet-cyberjeunes-2_n.brunelle.pdf

Cao, H., Sun, Y., Wan, Y., Hao, J. et Tao, F. (2011). Problematic Internet use in Chinese adolescents and its relation to psychosomatic symptoms and life satisfaction. BMC Public Health, 11(1), 802. https://doi.org/10.1186/1471-2458-11-802

Clarke, K. L. (2019). Multivariate relationships of binge watching-drinking-eating with depression, anxiety, and stress in college students. [thèse de doctorat, Walden University] Walden Dissertations and Doctoral Studies. https://scholarworks.waldenu.edu/dissertations/6883/

Cortese, S., Bernardina, B. D. et Mouren, M.-C. (2007). Attention-deficit/hyperactivity disorder (ADHD) and binge eating. Nutrition reviews, 65(9), 404‑411. https://doi.org/10.1111/j.1753-4887.2007.tb00318.x

Cowlishaw, S., Nespoli, E., Jebadurai, J. K., Smith, N. et Bowden-Jones, H. (2018). Episodic and binge gambling: An exploration and preliminary quantitative study. Journal of Gambling Studies, 34(1), 85‑99. https://doi.org/10.1007/s10899-017-9697-z

Dalleau, A. (2019). Le binge drinking, un nouveau récit ? Étude des ivresses festives chez les jeunes adultes. Revue québécoise de psychologie, 40(2), 59. https://doi.org/10.7202/1065904ar

Demetrovics, Z., & Király, O. (2016). Commentary on Baggio et al. (2016): Internet/gaming addiction is more than heavy use over time. Addiction (Abingdon, England), 111(3), 523–524. https://doi.org/10.1111/add.13244

Dufour, M., Gagnon, S. R., Nadeau, L., Légaré, A.-A. et Laverdière, É. (2019). Portrait clinique des adolescents en traitement pour une utilisation problématique d’internet. The Canadian Journal of Psychiatry, 64(2), 136–144. https://doi.org/10.1177/0706743718800698

Dufour, M., Goyette, M., Tremblay, J., Khazaal, Y., Brunelle, N., Cousineau, M., Légaré, A., St‐Arnaud, G., Trudeau‐Guévin, L., Pellerin, A. et Richard, A. (2018). Internet au carrefour du divertissement des jeunes : Interrelations entre la cyberdépendance et les jeux de hasard et d’argent (projet WebAdo) (publication no 2015‐JU‐180126). https://frq.gouv.qc.ca/app/uploads/2021/05/2014-2015_resume_projet-webado_m.dufour.pdf

Flayelle, M., Brevers, D., King, D. L., Maurage, P., Perales, J. C. et Billieux, J. (2023). A taxonomy of technology design features that promote potentially addictive online behaviours. Nature Reviews Psychology, 2(3), 136150. https://doi.org/10.1038/s44159-023-00153-4

Flayelle, M., Maurage, P., Di Lorenzo, K. R., Vögele, C., Gainsbury, S. M. et Billieux, J. (2020). Binge watching: What do we know so far? A first systematic review of the evidence. Current Addiction Reports, 7(1), 44‑60. https://doi.org/10.1007/s40429-020-00299-8

Flayelle, M., Maurage, P., Karila, L., Vögele, C. et Billieux, J. (2019). Overcoming the unitary exploration of binge-watching : A cluster analytical approach. Journal of Behavioral Addictions, 8(3), 586602. https://doi.org/10.1556/2006.8.2019.53

Gentile, D. A., Choo, H., Liau, A., Sim, T., Li, D., Fung, D. et Khoo, A. (2011). Pathological video game use among youths: Two-year longitudinal study. Pediatrics, 127(2), e319‑e329. https://doi.org/10.1542/peds.2010-1353

Griffiths, M. D. (2010). The role of context in online gaming excess and addiction: some case study evidence. International Journal of Mental Health and Addiction, 8(1), 119‑125. https://doi.org/10.1007/s11469-009-9229-x

Griffiths, M. D., Kuss, D. J., Billieux, J., & Pontes, H. M. (2016). The evolution of Internet addiction : A global perspective. Addictive Behaviors, 53, 193195. https://doi.org/10.1016/j.addbeh.2015.11.001

Hage, S. M., Romano, J. L., Conyne, R. K., Kenny, M., Matthews, C., Schwartz, J. P., & Waldo, M. (2007). Best Practice Guidelines on Prevention Practice, Research, Training, and Social Advocacy for Psychologists. The Counseling Psychologist, 35(4), 493566. https://doi.org/10.1177/0011000006291411

Hosmer, D. W., Lemeshow, S. et Sturdivant, R. X. (2013). Applied logistic regression (3éd.). John Wiley & Sons.

Khazaal, Y., Billieux, J., Thorens, G., Khan, R., Louati, Y., Scarlatti, E., Theintz, F., Lederrey, J., Van Der Linden, M. et Zullino, D. (2008). French validation of the Internet addiction test. CyberPsychology & Behavior, 11(6), 703‑706. https://doi.org/10.1089/cpb.2007.0249

Kim, S. Y., Kim, M.-S., Park, B., Kim, J.-H. et Choi, H. G. (2017). The associations between Internet use time and school performance among Korean adolescents differ according to the purpose of internet use. Plos One, 12(4), e0174878. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0174878

King, D. L., Delfabbro, P. H. et Griffiths, M. D. (2011). The role of structural characteristics in problematic video game play: an empirical study. International Journal of Mental Health and Addiction, 9(3), 320‑333. https://doi.org/10.1007/s11469-010-9289-y

Knight, J. R., Wechsler, H., Kuo, M., Seibring, M., Weitzman, E. R. et Schuckit, M. A. (2002). Alcohol abuse and dependence among U.S. college students. Journal of Studies on Alcohol, 63(3), 263‑270. https://doi.org/10.15288/jsa.2002.63.263

Kumar, N., Kumar, A., Mahto, S. K., Kandpal, M., Deshpande, S. N., & Tanwar, P. (2019). Prevalence of excessive internet use and its correlation with associated psychopathology in 11th and 12th grade students. General Psychiatry, 32(2), e100001. https://doi.org/10.1136/gpsych-2018-100001

Kuss, D. J., Griffiths, M. D., & Pontes, H. M. (2017). Chaos and confusion in DSM-5 diagnosis of Internet Gaming Disorder : Issues, concerns, and recommendations for clarity in the field. Journal of Behavioral Addictions, 6(2), 103109. https://doi.org/10.1556/2006.5.2016.062

Kuss, D., Griffiths, M., Karila, L. et Billieux, J. (2014). Internet Addiction : A systematic review of epidemiological research for the last decade. Current Pharmaceutical Design, 20(25), 4026‑4052. https://doi.org/10.2174/13816128113199990617

Marmet, S., Wicki, M., Dupuis, M., Baggio, S., Dufour, M., Gatineau, C., Gmel, G. et Studer, J. (2023). Associations of binge gaming (5 or more consecutive hours played) with gaming disorder and mental health in young men. Journal of Behavioral Addictions, 12(1), 295301. https://doi.org/10.1556/2006.2022.00086

Nower, L. et Blaszczynski, A. (2003). Binge Gambling : A neglected concept. International Gambling Studies, 3(1), 23‑35. https://doi.org/10.1080/14459790304589

Organisation Mondiale de la Santé [OMS]. (2018). Trouble du jeu vidéo. Repéré à : https://www.who.int/fr/news-room/questions-and-answers/item/gaming-disorder

Oulasvirta, A., Rattenbury, T., Ma, L. et Raita, E. (2012). Habits make smartphone use more pervasive. Personal and Ubiquitous computing, 16, 105-114. https://doi.org/10.1007/s00779-011-0412-2

Paulus, F. W., Ohmann, S., von Gontard, A. et Popow, C. (2018). Internet gaming disorder in children and adolescents: A systematic review. Developmental Medicine & Child Neurology, 60(7), 645‑659. https://doi.org/10.1111/dmcn.13754

Peterson, R. E., Latendresse, S. J., Bartholome, L. T., Warren, C. S. et Raymond, N. C. (2012). Binge eating disorder mediates links between symptoms of depression, anxiety, and caloric intake in overweight and obese women. Journal of Obesity, 2012, 407103. https://doi.org/10.1155/2012/407103

Riddle, K., Peebles, A., Davis, C., Xu, F. et Schroeder, E. (2018). The addictive potential of television binge watching: Comparing intentional and unintentional binges. Psychology of Popular Media Culture, 7(4), 589–604. https://doi-org.proxy.bibliotheques.uqam.ca/10.1037/ppm0000167

Roberts, W., Peters, J. R., Adams, Z. W., Lynam, D. R. et Milich, R. (2014). Identifying the facets of impulsivity that explain the relation between ADHD symptoms and substance use in a nonclinical sample. Addictive Behaviors, 39(8), 1272‑1277. https://doi.org/10.1016/j.addbeh.2014.04.005

Santé Canada. (2006). Meilleures pratiques : Intervention précoce, services d’approche et liens communautaires pour les femmes ayant des problèmes attribuables à la consommation d’alcool et d’autres drogues. (publication nº H128-1/06-460F). https://www.canada.ca/content/dam/hc-sc/migration/hc-sc/hc-ps/alt_formats/hecs-sesc/pdf/pubs/adp-apd/early-intervention-precoce/early-intervention-precoce-fra.pdf

Shim, H., & Kim, K. J. (2018). An exploration of the motivations for binge-watching and the role of individual differences. Computers in Human Behavior, 82, 94100. https://doi.org/10.1016/j.chb.2017.12.032

So, E. S. et Chin, Y.-R. (2016). A re-evaluation of Internet use time to indicate high risk and potential risk of Internet addiction among Korean adolescents. International Information Institute, 19(12), 5851-5856.

Starcevic, V. (2013). Is Internet addiction a useful concept? Australian & New Zealand Journal of Psychiatry, 47(1), 1619. https://doi.org/10.1177/0004867412461693

Statistique Canada. (2019). Consommation abusive d’alcool, 2018 (nº 82-625‑X). https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/82-625-x/2019001/article/00007-fra.htm

Tao, R., Huang, X., Wang, J., Zhang, H., Zhang, Y. et Li, M. (2010). Proposed diagnostic criteria for internet addiction. Addiction, 105(3), 556‑564. https://doi.org/10.1111/j.1360-0443.2009.02828.x

Taquet, P. (2016). Les motivations dans l’usage pathologique des jeux vidéo : Théories et thérapie. Terminal, 119. https://doi.org/10.4000/terminal.1542

Tsitsika, A., Janikian, M., Schoenmakers, T. M., Tzavela, E. C., Olafsson, K., Wójcik, S., Macarie, G. F., Tzavara, C. et Richardson, C. (2014). Internet addictive behavior in adolescence : a cross-sectional study in seven European countries. Cyberpsychology, behavior and social networking, 17(8), 528–535. https://doi.org/10.1089/cyber.2013.0382

Turrisi, R., Jaccard, J., Taki, R., Dunnam, H. et Grimes, J. (2001). Examination of the short-term efficacy of a parent intervention to reduce college student drinking tendencies. Psychology of addictive behaviors : journal of the Society of Psychologists in Addictive Behaviors, 15(4), 366–372. https://doi.org/10.1037//0893-164x.15.4.366

Vondráčková, P., & Gabrhelík, R. (2016). Prevention of Internet addiction : A systematic review. Journal of Behavioral Addictions, 5(4), 568579. https://doi.org/10.1556/2006.5.2016.085

Wechsler, H. et Isaac, N. (1992). « Binge » drinkers at Massachusetts colleges. Prevalence, drinking style, time trends, and associated problems. JAMA: The Journal of the American Medical Association, 267(21), 2929‑2931. https://doi.org/10.1001/jama.267.21.2929

Wechsler, H. et Nelson, T. (2001). Binge drinking and the American college student: What’s five drinks? Psychology of addictive behaviors: journal of the Society of Psychologists in Addictive Behaviors, 15, 287‑291. https://doi.org/10.1037//0893-164X.15.4.287

Wechsler, H., Dowdall, G. W., Davenport, A. et Rimm, E. B. (1995). A gender-specific measure of binge drinking among college students. American Journal of Public Health, 85(7), 982‑985. https://doi.org/10.2105/ajph.85.7.982

Weinstein, A. et Aboujaoude, E. (2015). Problematic Internet Use : An Overview. Dans E. Aboujaoude et V. Starcevic (dir.), Mental Health in the Digital Age: Grave Dangers, Great Promise (p. 3-26). Oxford University Press.

Weinstein, A. et Lejoyeux, M. (2010). Internet addiction or excessive internet use. The American journal of drug and alcohol abuse, 36(5), 277–283. https://doi.org/10.3109/00952990.2010.491880

Wojciechowski, T. W. (2018). Trajectories of binge drinking behavior across adolescence among juvenile offenders and the role of ADHD for predicting development. Deviant Behavior, 39(6), 807‑821. https://doi.org/10.1080/01639625.2017.1335517

Yee, N. (2006). Motivations for play in online games. CyberPsychology & Behavior, 9(6), 772‑775. https://doi.org/10.1089/cpb.2006.9.772

Young, K. S. (1998). Internet Addiction : The emergence of a new clinical disorder. CyberPsychology & Behavior, 1(3), 237‑244. https://doi.org/10.1089/cpb.1998.1.237


Tous droits réservés © Drogues, santé et société, 2024